Relations extérieures avec la Turquie
Question de :
Mme Clémentine Autain
Seine-Saint-Denis (11e circonscription) - La France insoumise
Mme Clémentine Autain alerte M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la dégradation des relations avec la Turquie. Mme la députée rappelle que la réponse à apporter au phénomène du terrorisme, d'ampleur mondiale, passe par un changement de cap concernant les enjeux internationaux auxquels la France est confrontée. À ce titre, Mme la députée constate que depuis plusieurs mois les relations bilatérales entre la France et la Turquie connaissent une importante dégradation, dont les dernières évolutions sont les insultes proférées par M. Erdogan à l'endroit du Président de la République. La situation est cependant complexe puisque l'Union européenne a fait le choix de marchander avec la Turquie divers accords économiques en échange de la promesse que celle-ci contrôle les flux de migrants fuyant le Moyen-Orient. Cette politique irresponsable est directement liée à la situation actuelle puisqu'elle a largement contribué à placer la Turquie en position dominante face au refus des membres de l'Union d'accueillir dignement les migrants. Mme la députée rappelle que la Turquie est accusée d'actes extrêmement graves tels que le financement du terrorisme à travers l'achat de pétrole à Daesh ou l'atteinte à nombre de principes garantissant l'État de droit, puisque le régime actuel fait régulièrement emprisonner ses opposants politiques. Enfin, le silence, coupable sinon complice, de la France quand il a été question pour la Turquie d'attaquer les Kurdes de Syrie, au mépris entier du droit international, est lourd de sens. Elle lui demande donc de faire état des actions qu'il compte entreprendre afin de faire toute la lumière sur les agissements de la Turquie et quelles mesures il compte prendre afin que ceux-ci cessent le plus vite possible.
Réponse publiée le 28 décembre 2021
Après avoir connu une dégradation importante à l'été et à l'automne 2020, notre relation avec la Turquie reste depuis plusieurs mois inchangée à la fois sur les plans national et européen. Elle repose sur une double approche de vigilance face au comportement turc dans les crises régionales notamment en Méditerranée orientale, et la recherche pragmatique d'un dialogue sur les sujets d'intérêt commun. Face aux provocations et aux agissements turcs en Méditerranée orientale et vis-à-vis de la France, le Conseil européen de décembre 2020 a posé les bases d'une posture de fermeté qui a permis de ramener Ankara vers le chemin du dialogue et de la désescalade. Dans ses dernières conclusions des 24 et 25 juin, le Conseil européen a également rappelé, comme il l'avait déjà indiqué lors de sa réunion de mars, la disponibilité de l'Union européenne (UE) à développer des contacts avec la Turquie de manière « progressive, proportionnée et réversible » sur des sujets d'intérêt commun, pour autant que la Turquie se montre constructive et respecte les conditions fixées par l'UE, en particulier sur le respect du droit international et la situation des droits civils et politiques. Néanmoins, la France reste attentive au comportement de la Turquie dans son environnement régional et notamment en Syrie et en Libye, où la France a appelé, à plusieurs reprises, au départ des forces étrangères, y compris les mercenaires syriens envoyés par Ankara et les conseillers militaires turcs. La Conférence internationale pour la Libye, tenue à Paris le 12 novembre, a permis de réaffirmer la nécessité du retrait de l'ensemble des forces étrangères et mercenaires de Libye, conformément à la résolution 2570 du Conseil de Sécurité des Nations unies et au plan de retrait élaboré par les Libyens eux-mêmes. Les décisions unilatérales prises en juillet par le leader de la communauté chypriote turque, avec le soutien de la Turquie, concernant la ville de Varosha, en contradiction avec plusieurs résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, ont à ce titre été condamnées par le vice-président de la Commission/Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (VP/HR), au nom des 27, dans une déclaration le 27 juillet dernier. Par ailleurs, la France et l'UE demeurent particulièrement attentives à la situation préoccupante des droits de l'Homme en Turquie. Le retrait d'Ankara de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, dite convention d'Istanbul, effectif depuis le 1er juillet dernier, ou la procédure d'interdiction lancée contre le parti pro-kurde HDP, l'une des principales forces d'opposition, témoignent d'une dégradation évidente des droits civils et politiques dans ce pays. En dépit de l'ampleur de ces différends qui se sont multipliés depuis plusieurs mois, la coopération bilatérale a cependant pu être maintenue dans des domaines stratégiques d'intérêt commun, tels que la lutte contre le terrorisme et notamment la détection ainsi que l'entrave des déplacements de combattants djihadistes et de leurs familles entre le territoire français et la zone syro-irakienne. Dans ce contexte, la France entend rester pleinement mobilisée pour faire respecter le droit international, tout en préservant ses intérêts, ainsi que ceux de ses partenaires européens.
Auteur : Mme Clémentine Autain
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 24 novembre 2020
Réponse publiée le 28 décembre 2021