Texte de la question
M. Alexis Corbière rappelle à Mme la ministre des armées que, le 28 novembre 2017, Emmanuel Macron s'était engagé, lors d'un déplacement à Ouagadougou, à déclassifier « tous les documents produits par les administrations françaises pendant le régime de Thomas Sankara et après son assassinat, pour être consultés aux demandes de la justice burkinabé ». Trente-trois ans après l'assassinat de l'ancien président du Burkina Faso, l'affaire a été transmise à la chambre de contrôle du tribunal militaire de Ouagadougou. Selon les avocats de la famille de Thomas Sankara, un procès pourrait enfin avoir lieu en 2021. Par-delà la seule institution judiciaire, c'est tout un peuple qui réclame que la lumière soit faite sur l'assassinat de celui qui a dirigé le pays de 1983 à 1987. Anti-impérialiste et fervent combattant des inégalités sociales, Thomas Sankara fut également l'un des premiers présidents à dénoncer les responsabilités humaines dans la mise à mal de l'écosystème. Dans cette affaire, vingt-cinq personnes sont poursuivies pour des charges graves (« attentat à la sûreté de l'État », « assassinat » ou encore « complot »). Il est donc plus que jamais nécessaire que le Gouvernement concrétise la promesse d'Emmanuel Macron : tous les documents encore classifiés à ce jour doivent être transmis à la justice burkinabé pour qu'elle puisse faire son travail dans de bonnes conditions. Pour ce faire, une dérogation permettant ces déclassifications doit être demandée à l'Instruction générale interministérielle (IGI). Il lui demande si elle entend tout mettre en œuvre pour que l'engagement pris par Emmanuel Macron il y a trois ans puisse enfin être tenu.
Texte de la réponse
Conformément aux engagements du Président de République, le ministère des armées a pleinement apporté son concours aux autorités judiciaires burkinabè afin que la lumière puisse être faite sur les circonstances de la disparition du président Sankara. La préservation du secret de la défense nationale participe de la protection des intérêts fondamentaux de la Nation. Il s'agit d'un principe de valeur constitutionnelle, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel en 2005. Le ministre organise ainsi la protection des documents et informations relevant de sa compétence dans le strict respect de l'instruction générale interministérielle 1300 du 30 novembre 2011. Responsable de la protection des documents et informations émis par ses services, il peut à tout moment réévaluer l'opportunité de leur classification, d'initiative si la protection ne se justifie plus au regard des intérêts qu'elle visait à protéger, ou à la demande d'autorités judiciaires, pour les besoins de la manifestation de la vérité. En 2016, les autorités judiciaires burkinabè ont, par commission rogatoire internationale délivrée dans le cadre de l'information judiciaire suivie contre X des chefs d'assassinat, recel de cadavre, complicité de ces infractions et faux en écritures publiques ou authentiques, saisi les autorités françaises d'une demande tendant à la déclassification et la communication de documents protégés au titre du secret de la défense nationale. Ces documents étaient destinés à éclairer la justice burkinabè sur les circonstances de la mort de l'ancien président Thomas Sankara, survenue à Ouagadougou le 15 octobre 1987. Le ministère des armées a été saisi de cette demande par la justice française fin 2017. Les recherches menées ont permis d'identifier des documents protégés et non protégés de nature à éclairer l'information judiciaire burkinabè. En 2018, la ministre des armées a, par deux décisions, ordonné la déclassification de plus de vingt documents « confidentiel défense » et autorisé la communication d'une vingtaine de documents « diffusion restreinte ». Ces éléments ont été transmis aux autorités judiciaires françaises au printemps 2018 et communiqués au juge d'instruction burkinabè chargé du dossier, en même temps que des éléments d'archives provenant d'autres ministères, fin 2018.