15ème législature

Question N° 34565
de Mme Agnès Thill (UDI et Indépendants - Oise )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > terrorisme

Titre > Libération de djihadistes

Question publiée au JO le : 01/12/2020 page : 8584
Réponse publiée au JO le : 02/02/2021 page : 969

Texte de la question

Mme Agnès Thill interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la libération de djihadistes annoncée par l'ancienne garde de sceaux Nicole Belloubet le 24 février 2020, et confirmée par l'actuel ministre de l'intérieur au journal Le Parisien le 15 novembre 2020. Au micro de RTL, elle avait annoncé la libération prévue en 2020 de 43 djihadistes condamnés en France, et d'une soixantaine d'autres pour 2021. Naima Rudloff, avocate générale près la cour d'appel de Paris et chef du service de l'action publique antiterroriste et atteinte à la sûreté de l'État, avait déclaré en 2018 : «Je ne suis pas certaine que l'on puisse aboutir à un désengagement salafo-djihadiste durant le temps de la détention [...] En matière de terrorisme, le risque de récidive est très élevé.» En 2021, une centaine de personnes impliquées dans la préparation ou l'encouragement à des actes terroristes islamistes se retrouveront donc en toute liberté avec un risque accru de reconstitution d'anciens réseaux et de récidive. Il est à craindre que l'on apprenne, à l'occasion d'un nouvel attentat sur le sol français, que les auteurs ou organisateurs aient été de ces individus libérés. Aussi, elle lui demande quelles dispositions sont prises pour assurer le suivi étroit de ces personnes, pour les empêcher de reconstituer leurs réseaux et pour rendre impossible toute récidive.

Texte de la réponse

La prégnance de la menace terroriste et le risque de réitération des faits nécessitent la plus grande vigilance des services judiciaires lors de la remise en liberté d'un individu détenu pour actes de terrorisme. Les autorités judiciaires tiennent un rôle majeur dans la mise en place de mesures de suivi de ces individus à leur libération, qui ont vocation à croître durant les prochaines années : au 18 décembre 2020, 243 personnes condamnées étaient détenues pour les délits d'association de malfaiteurs terroristes en lien avec la mouvance islamiste (TIS), parmi lesquelles 148 étaient sortantes dans les 3 prochaines années [1]. L'exécution et l'application des peines prononcées pour terrorisme a longtemps suivi le même régime que celui des peines prononcées pour les infractions de droit commun, à l'exception de la compétence de juridictions spécialisées (juridictions de l'application des peines de Paris). La loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, puis la loi du 21 juillet 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et portant des mesures de renforcement de la lutte antiterroriste, sont venues apporter de nombreuses dispositions dérogatoires en la matière pour les personnes condamnées pour actes de terrorisme. Les personnes condamnées pour actes de terrorisme peuvent désormais faire l'objet à leur sortie de détention d'une mesure de suivi judiciaire ordonnée par les juridictions de l'application des peines. Ainsi, une personne condamnée à une peine de sept ans d'emprisonnement, ou cinq ans en nouvel état de récidive, évaluée comme dangereuse à l'approche de sa sortie de détention, peut être soumise à une surveillance judiciaire. En-deça de ce seuil de condamnation et en l'absence de toute autre mesure judiciaire de suivi, un suivi post-libération peut être prononcé. Ces deux mesures permettent de soumettre la personne condamnée à un suivi du juge de l'application des peines ainsi qu'à des obligations telles que celle d'établir sa résidence en un lieu déterminé, de ne pas fréquenter certains condamnés, notamment les auteurs ou complices de l'infraction, ou encore de s'abstenir de paraître en tout lieu, toutes catégories de lieux ou toutes zones spécialement désignés. Leur non-respect peut donner lieu à une réincarcération sur décision du juge de l'application des peines. Enfin, les mesures de sûreté que constituent la surveillance de sûreté et la rétention de sûreté sont également applicables aux personnes condamnées pour actes de terrorisme à une peine de réclusion criminelle d'au moins quinze ans. La totalité des personnes condamnées TIS sont éligibles à un tel suivi judiciaire. Parmi les 273 personnes condamnées TIS actuellement suivies par le juge de l'application des peines de Paris, compétent en matière de terrorisme, certaines feront l'objet d'un suivi judiciaire au titre des peines prononcées par la juridiction de jugement : 40 seront suivies à leur libération dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire et 20 seront suivies à leur libération dans le cadre d'un sursis probatoire. Toutes les autres personnes condamnées TIS sont éligibles à un suivi judiciaire au titre des mesures pouvant être prononcées par la juridiction de l'application des peines (surveillance judiciaire, suivi post-libération) [2]. Les mesures visant à éviter la récidive des personnes condamnées pour actes de terrorisme sont donc nombreuses, ces derniers faisant par ailleurs l'objet de prises en charge spécifiques. Des réflexions sont aussi en cours pour en renforcer l'efficacité. Cependant, le prononcé de telles mesures judiciaires de suivi ne saurait être exclusif de la mise en place d'un suivi administratif, notamment par le biais d'une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance, permettant d'assurer une surveillance plus large, au-delà du périmètre des obligations judiciaires, de nature à éviter tout nouveau passage à l'acte. [1] Source : Service national du renseignement pénitentiaire, direction de l'administration pénitentiaire, décembre 2020 [2] Source : parquet national anti-terroriste, novembre 2020