Question de : Mme Laurence Vanceunebrock
Allier (2e circonscription) - La République en Marche

Mme Laurence Vanceunebrock attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur l'accès au crédit des personnes vivant avec le VIH. Aujourd'hui, seulement 2 % des personnes vivant avec le VIH peuvent effectivement obtenir une assurance pour bénéficier d'un prêt immobilier ou d'un crédit à la consommation. Malgré l'instauration de la convention AERAS « s'assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé », adoptée en 2007, réévaluée en 2011 et en 2018 et dont l'objectif est d'améliorer l'accès au crédit des personnes qui sont, ou qui ont été malades, de nombreuses personnes séropositives n'ont d'autre choix aujourd'hui que de dissimuler leur pathologie pour bénéficier d'un crédit, prenant ainsi à leur charge de nombreux risques, tout en privant les assureurs de données consolidées et fiables sur le taux de réalisation des sinistres. Les associations Séropotes et AIDES, spécialisées dans l'accompagnement des personnes concernées par le VIH, pointent du doigt les conditions strictes et discriminantes des produits assurantiels pour les personnes vivant avec cette pathologie. Depuis 2018, la convention prévoit d'instaurer un plafonnement des surprimes des garanties invalidité et décès à 100 %. Pourtant, les conditions répertoriées dans la grille de référence sont si nombreuses qu'elles ne permettent pas toujours aux assurés de bénéficier de ce plafonnement : il faut par exemple avoir une très bonne défense immunitaire, présenter une charge virale indétectable à douze mois après le début des traitements, ne pas manifester de co-infection avec une hépatite B ou C, ne pas déclarer de maladie du cœur, de cancer, d'accident vasculaire-cérébral, ne pas fumer de tabac ou encore ne pas consommer de substances illicites. Le VIH fait donc toujours partie des maladies qui doivent supporter des surprimes importantes dans cette convention. Pour certains dossiers, le niveau des surprimes peut même égaler voire dépasser le taux d'usure fixé par la Banque de France. En outre, la convention AERAS fixe une limite de 320 000 euros d'emprunt, pour une durée maximale de 27 ans, entre le début du traitement et la fin de la garantie. Pourtant, aucune étude médicale ne vient étayer ce seuil maximum ni justifier ce délai. Aussi, les délais d'instruction des dossiers sont longs, au troisième niveau notamment, compte tenu des exigences des établissements de crédit. Par ailleurs, malgré le prix de l'assurance élevé, les garanties apportées aux personnes vivant avec le VIH sont insuffisantes (c'est le cas de la garantie invalidité par exemple). Enfin, les études pour faire avancer la grille de référence sont extrêmement coûteuses et à la charge, principalement, des associations, alors que dans le même temps, les produits d'assurance-emprunteur offrent un taux de rentabilité très important pour les assureurs. Ces contraintes et obstacles assurantiels, particulièrement désincitatifs pour les personnes vivant avec le VIH, ne sont pourtant pas justifiés aujourd'hui. En effet, depuis la fin des années 2000, le VIH est considéré comme une maladie chronique. L'épidémiologiste Dominique Costagliola soulignait ainsi, lors de la conférence « Vers une évolution de la grille référence VIH de la convention AERAS » qui s'est tenue le 20 janvier 2020 à Paris, que cette pathologie « ne présente pas un niveau de morbidité plus complexe que ce qui est décrit pour d'autres pathologies chroniques » et qu’ « il n'existe pas de sur-risque pour les personnes vivant avec le VIH sous traitement, avec une charge virale contrôlée ». Il est urgent d'accompagner la réévaluation et la révision des critères de cette convention pour les personnes vivant avec le VIH, conformément aux avancées des données scientifiques et médicales sur cette maladie. Elle souhaite connaître le calendrier du Gouvernement sur ce sujet et savoir comment il compte contribuer à l'évolution de cette convention pour garantir l'accès effectif au crédit des personnes vivant avec le VIH, afin que celles-ci puissent emprunter dans les mêmes conditions que l'ensemble de la population française.

Réponse publiée le 18 mai 2021

La démarche conventionnelle engagée en 1991 a donné naissance en 2006 à la Convention AERAS (s'Assurer et Emprunter avec un risque aggravé de santé) qui associe les pouvoirs publics, les professionnels de la Banque et de l'Assurance ainsi que les associations de malades et de consommateurs et des experts scientifiques et médicaux. Cette convention a permis de faire progresser significativement l'accès à l'assurance emprunteur et au crédit pour les personnes présentant un risque aggravé de santé. Son champ restreint initial, puisqu'il ne concernait que l'assurance décès des prêts immobiliers pour les personnes séropositives, s'étend désormais à l'assurance couvrant certains prêts à caractère professionnel ou personnel pour de nombreuses pathologies et notamment des cancers. Les avancées obtenues ces dernières années, notamment avec la mise en place du droit à l'oubli et de la grille de référence AERAS ont été, à cet égard, des étapes significatives. Celles-ci ne sauraient néanmoins avoir pour conséquence d'imposer aux assureurs l'octroi d'une assurance emprunteur incluant toutes les garanties demandées, quelle que soit la nature du risque présenté par le candidat. La loi prévoit que les modalités de fonctionnement du dispositif peuvent évoluer, mais elle conditionne ces évolutions à celles des progrès thérapeutiques et des données de santé disponibles. Un groupe de travail paritaire a donc été mis en place par les instances de la Convention AERAS afin d'adapter les conditions d'accès à l'assurance emprunteur en fonction des données scientifiques disponibles. Ce groupe est notamment composé de médecins d'assurance, de représentants des conseils scientifiques des associations et des agences d'expertise de l'Etat. Les modifications sont adoptées dans le cadre conventionnel et sont régulièrement publiées sur le site internet de la Convention AERAS (www.aeras-infos.fr). Ce groupe de travail, dénommé « Groupe de travail sur le droit à l'oubli et la grille de référence AERAS » a œuvré pour l'élaboration de la première grille de référence AERAS publiée sur le site internet AERAS le 4 février 2016. Elle a été complétée à de nombreuses reprises, notamment en 2017 avec l'éligibilité de personnes vivant avec le VIH. Les conditions d'accès à l'assurance emprunteur pour ces personnes ont fait l'objet de modifications tout récemment. Le groupe a en effet examiné à nouveau les conditions d'éligibilité des personnes porteuses du VIH à la grille de référence AERAS au regard des données scientifiques récentes et du retraitement de données de cohorte, rassemblées par une collaboration internationale (ART-CC) grâce à l'épidémiologiste de l'association AIDES, Mme Dominique Costagliola. Ses propositions ont été approuvées par la Commission de suivi et de propositions AERAS dans sa séance du 12 mars 2021 et publiées sur le site internet de la Convention. Elles ont permis les avancées suivantes : - le critère portant sur la consommation de drogues illicites a été abandonné, considéré comme obsolète et stigmatisant ; - le critère exigeant l'absence d'un stade SIDA est remplacé par l'exigence d'une absence d'infection opportuniste en cours ; - la condition d'un compte de lymphocytes CD4 supérieur au seuil de 350/mm3 tout au long de l'historique thérapeutique est abandonnée. Elle est remplacée par la nécessité de démontrer un contrôle strict de la charge virale (indétectable) 12 mois après le début du traitement, ainsi qu'un taux de CD4 supérieur ou égal à 500/mm3 dans les 24 mois précédant la souscription, avec maintien d'une charge virale indétectable ; - le plafonnement à 27 ans de la durée maximale entre début du traitement et fin du contrat d'assurance est porté à 35 ans, avec limitation de la durée de couverture du prêt à 25 ans. S'agissant des surprimes, le dispositif AERAS a également mis en place un système d'écrêtement qui permet d'en limiter le montant pour les personnes dont les ressources sont inférieures à un plafond fixé par la Convention AERAS, et qui est fondé sur une solidarité financière des professionnels de la banque et de l'assurance.

Données clés

Auteur : Mme Laurence Vanceunebrock

Type de question : Question écrite

Rubrique : Assurances

Ministère interrogé : Économie, finances et relance

Ministère répondant : Économie, finances et relance

Dates :
Question publiée le 8 décembre 2020
Réponse publiée le 18 mai 2021

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