Groupement de coopération sanitaire BAHIA et disparition du HIA Robert-Picqué
Question de :
M. Loïc Prud'homme
Gironde (3e circonscription) - La France insoumise
M. Loïc Prud'homme interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la situation de l'Hôpital d'instruction des armées (HIA) Robert-Picqué de Villenave d'Ornon. Le projet de groupement de coopération sanitaire de moyens (GCS) nommé BAHIA prévoit sa disparition en 2021 dans le cadre d'une fusion sur le site voisin de la maison de santé protestante Bagatelle (MSPB), située à Talence. Ce projet a suscité des inquiétudes légitimes de la part des personnels, des usagers et des riverains, d'autant qu'il a été conçu dans la plus grande opacité. Les promoteurs du projet, agence régionale de santé et ministère des armées en tête, sont jusqu'à présent restés sourds aux appels à la concertation comme à la demande de communication de l'accord du 6 décembre 2016, constitutif du GCS. Aujourd'hui, ni les populations, ni les pouvoirs publics n'ont la garantie du maintien à terme du secteur 1 et de l'expertise du HIA dans le domaine du risque nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique (NRBC). La suppression du service de vaccination et de conseil aux voyageurs est déjà actée. De plus, des incertitudes demeurent sur l'aménagement du futur groupement, sachant que les 7 hectares du site de la MSPB ne représentent qu'à peine plus du quart de la superficie actuelle du HIA Robert-Picqué. La disparition du HIA risque de laisser un grand vide, alors que 80 % de son activité est tournée vers les soins aux civils dans un bassin de population de 180 000 habitants, bientôt 200 000. Alors que l'État s'apprête à injecter, au bas mot, 30 millions d'euros dans ce projet, des alternatives susceptibles de satisfaire au mieux l'intérêt général semblent ne pas avoir été considérées. Il lui demande de s'engager sur le maintien d'un service public hospitalier dans la partie sud de l'agglomération bordelaise.
Réponse en séance, et publiée le 20 décembre 2017
HÔPITAL D'INSTRUCTION DES ARMÉES DE VILLENAVE D'ORNON
M. le président. La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour exposer sa question, n° 34, relative à l'hôpital d'instruction des armées de Villenave d'Ornon.
M. Loïc Prud'homme. Madame la ministre, le groupement de coopération sanitaire de moyens dénommé BAHIA – Bagatelle-Hôpital d'instruction des armées – prévoit la disparition en 2021 de l'hôpital militaire Robert-Picqué dans le cadre d'une fusion avec la maison de santé protestante Bagatelle, située à Talence.
Depuis plus de trois ans, ce projet opaque suscite des inquiétudes légitimes de la part des personnels et des usagers. L'ARS, le ministère des armées et la maison de santé protestante sont restés sourds aux appels à la concertation comme à la demande de communication de l'accord du 6 décembre 2016, relatif à la constitution du groupement de coopération. De nombreuses incertitudes techniques demeurent sur l'aménagement qui porte sur une surface de 7 hectares contre 33 actuellement. Il n'est pas exclu que les projections virtuelles se fracassent sur la réalité du terrain au cours de la réalisation du projet, obligeant à revoir à la baisse les capacités pourtant indispensables à l'accueil de la population concernée. Aujourd'hui, l'hôpital reçoit plus de 80 % de patients civils dans un bassin de population de 180 000 habitants.
Alors que l'État s'apprête à injecter pas moins de 30 millions d'euros dans cette fusion vers une structure privée, des alternatives susceptibles de satisfaire au mieux l'intérêt général semblent ne pas avoir été suffisamment considérées. Pire encore : des arguments fallacieux sur le caractère obsolète des bâtiments de l'hôpital Robert-Picqué ont été avancés pour justifier ce choix. Ils sont réfutés par les personnels civils et militaires qui travaillaient sur place.
J'ai bien reçu, et je vous en remercie, votre réponse du 6 décembre visant à me rassurer sur l'offre publique de soins, notamment le maintien du secteur 1 déjà bien écorné. Mais, faute d'argument, le doute est permis devant le désengagement de votre ministère sur toute l'agglomération bordelaise et le basculement de la santé publique vers des structures privées.
Si ce projet BAHIA et cette fusion sont si merveilleux, pourquoi refusez-vous de mettre le contenu de l'accord à la disposition des habitants et des élus, malgré de nombreuses demandes et malgré le récent avis positif de la commission d'accès aux documents administratifs, la CADA ?
Madame la ministre, je vous demande formellement la communication de ce document par l'agence régionale de santé, ainsi qu'un moratoire sur ce projet. Donnerez-vous l'ordre que l'avis de la CADA soit respecté ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le député, comme vous le savez, le projet de groupement de coopération sanitaire BAHIA est issu de la coopération civilo-militaire de la maison de santé protestante de Bagatelle, établissement privé non lucratif, et de l'hôpital d'instruction des armées Robert-Picqué. Il vise à localiser la totalité des activités sur le site de la maison de santé protestante de Bagatelle. Le projet d'investissement pour agrandir les locaux de cette maison de santé protestante présente des avantages importants en termes de fonctionnalité et saura évoluer en fonction des besoins de la population.
Ce projet est équilibré, fondé sur un projet médical commun et une gouvernance partagée et paritaire entre les deux établissements. Le rapprochement de ces établissements se justifie par leur proximité géographique, la concordance des bassins d'attractivité, la complémentarité de leurs activités médicales et la nécessité d'améliorer l'efficience de l'offre de soins dans un contexte de contrainte financière et pour répondre aux besoins de la population concernée.
Il répond donc à l'objectif de pérenniser une offre de soins complète et de haut niveau sur ce territoire. Il favorise le développement d'un parcours de soins coordonné avec les autres acteurs locaux. Ce rapprochement a pour objectif partagé de garantir pour la population du territoire un accès aux soins sans dépassement d'honoraire, ce qui est clairement énoncé dans le protocole d'accord signé en 2016.
Je souligne enfin que le projet fait l'objet d'une validation complète de la part du ministère des armées ainsi que du soutien des services locaux du ministère des solidarités et de la santé.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le député, ce sujet est suivi de très près au niveau interministériel pour répondre aux besoins de la population.
M. le président. La parole est à M. Loïc Prud'homme.
M. Loïc Prud'homme. Madame la ministre, je prends note de votre réponse qui ne me surprend pas. Vous ne répondez pas sur la non-communication du protocole d'accord, qui semble valider l'offre de secteur 1, que vous garantissez. Or, si l'on n'a pas connaissance de ce protocole, rien ne permet de vous croire ni de s'assurer de la pérennité du dispositif envisagé. C'est là que le bât blesse.
Il en va de même pour la prétendue évolutivité du projet, qui rentre avec un chausse-pied, sur sept hectares de terrain – si tant est qu'il y parvienne, tant l'espace est contraint –, alors qu'un autre projet pouvait bénéficier d'une surface au moins quatre fois supérieure.
Vous engagez plusieurs dizaines de millions d'argent public pour participer à l'extension du patrimoine immobilier d'une structure privée. Comprenez que cela suscite quelques interrogations de la part des contribuables et du député que je suis. Au moment où l'on demande à chacun d'entre nous de justifier, dans un souci de transparence, l'argent public qu'il utilise, il serait de bon aloi que les ministres fassent de même lorsqu'ils décident d'une opération comme celle-ci. En l'espèce, l'argent public servira à étendre un patrimoine immobilier et ne reviendra pas à la communauté nationale à l'issue du projet.
Enfin, je note que non seulement l'offre de soins sur la métropole bordelaise s'appuie sur de nombreuses structures privées lucratives, mais qu'elle est défaillante. En ce moment, il y a des grèves partout, dans les structures privées autant que publiques. Vous ne pouvez pas ne pas en tenir compte dans la manière d'organiser et de gérer l'offre de soins dans l'agglomération.
Auteur : M. Loïc Prud'homme
Type de question : Question orale
Rubrique : Établissements de santé
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 décembre 2017