Soutien à la filière béton
Question de :
M. Fabien Di Filippo
Moselle (4e circonscription) - Les Républicains
M. Fabien Di Filippo attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique sur l'inquiétude de la filière béton face aux conséquences environnementales, économiques et sociales de la « réglementation environnementale 2020 » (RE 2020), présentées par le Gouvernement le 24 novembre 2020. La filière béton représente 4 400 sites industriels et 65 000 emplois au cœur des territoires. Depuis vingt ans, cette filière a entrepris de lourds investissements pour relever le défi de la transition écologique, avec notamment l'usage de produits bas carbone et la multiplication des solutions pour végétaliser et désimperméabiliser la ville, ou encore pour réduire l'artificialisation en travaillant sur la densification. Aujourd'hui, le secteur de l'industrie cimentière continue d'œuvrer pour permettre d'atteindre la neutralité carbone de la construction. Mais alors que cette filière peine déjà à se remettre des conséquences de la crise sanitaire, les efforts et les investissements qu'elle réalise se voient réduits à néant par la volonté, ouvertement affichée par le ministère de la transition écologique et celui du logement, de faire évoluer le secteur de la construction vers le « tout-bois ». En présentant les grandes lignes de la réglementation environnementale 2020 devant s'appliquer à l'avenir aux constructions neuves, la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement déclarait ainsi qu’ « afin d'encourager le stockage du carbone comme le veut la loi ELAN et la SNBC, le calcul donnera plus de poids au carbone qui est émis aujourd'hui qu'à celui qui sera émis demain. (...) Les matériaux biosourcés et le bois seront avantagés par cette analyse en cycle de vie dynamique par rapport aux matériaux plus émetteurs lors de leur production. Cette réforme dessine donc une évolution extrêmement profonde et à grande échelle dans le secteur de la construction quand on sait que les maisons à ossature bois représentent moins de 10 % du marché neuf en France aujourd'hui ». L'activité et les emplois de la filière béton, qui rassemble les métiers de l'extraction de granulats, de la fabrication de ciment et de béton préfabriqué et du béton prêt à l'emploi, se trouvent directement mis en danger par cette déclaration. Pourtant, les termes de la loi ELAN n'exigent en aucun cas la prise en compte du stockage temporaire du carbone dans les matériaux, stockage dont l'intérêt climatique n'est scientifiquement aucunement démontré. Ils n'exigent pas davantage que soit imposée sans concertation l'ACV dite dynamique simplifiée qui n'existe que dans une seule étude canadienne, ne recueille aucun consensus scientifique et n'a été mise en œuvre dans aucun pays au monde. À l'opposé, l'ACV classique, normalisée, est utilisée partout et est la seule méthode d'ACV à faire l'objet d'un consensus scientifique. L'ACV dynamique, en avantageant les matériaux qui émettent surtout en fin de vie, avantage aussi le plastique. Il ne faut également pas nier la réalité de l'empreinte carbone du bois, ni négliger le fait que le bois de construction produit en France ne peut suffire aujourd'hui et que des importations massives de ce bois seront nécessaires pour répondre à la demande. Il lui demande donc quelles mesures elle envisage de prendre pour encourager la filière béton à poursuivre ses investissements et pour prendre en compte la réalité industrielle et environnementale à la fois de la filière bois et de la filière béton, afin de les faire œuvrer ensemble, et pas l'une contre l'autre, vers l'objectif d'une ville décarbonée.
Réponse publiée le 15 juin 2021
Les annonces du Gouvernement en date du 24 novembre 2020 sur la future réglementation environnementale (RE2020) ont depuis fait l'objet d'une intense et riche consultation de l'ensemble des parties prenantes et organisations professionnelles, notamment au sein du Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE), qui a rendu son avis le 26 janvier 2021. L'ensemble des points portés à l'attention du Gouvernement ont été versés au débat et pris en compte dans le cadre de cette consultation. À l'issue de cette phase de concertation, les détails de la mise en œuvre de la RE2020 pour l'ensemble des logements neufs ont été annoncés le 18 février 2021. Globalement, les exigences fixées par la RE2020, reflet des orientations du Gouvernement pour la transition écologique dans le secteur du bâtiment, demeurent inchangées, qu'il s'agisse de sobriété énergétique, de sortie des énergies fossiles, d'amélioration du confort d'été ou de décarbonation de la construction tout le long du cycle de vie. La RE2020 sera ainsi l'une des réglementations les plus ambitieuses d'Europe pour les bâtiments neufs et contribuera directement à l'atteinte de nos objectifs de lutte contre le changement climatique et à la tenue de nos engagements internationaux en la matière. Cela étant, la concertation a permis de procéder à plusieurs ajustements du projet de réglementation afin d'en assurer sa mise en œuvre et son succès, tout en conservant son ambition initiale. En particulier, l'entrée en vigueur de la RE2020 sera finalement fixée au 1er janvier 2022, après une publication des textes d'ici la fin du premier semestre 2021. Conservant un calendrier rapide de mise en œuvre, cette date, qui fait l'objet d'un large consensus, laisse les quelques mois nécessaires à l'ensemble de la filière et notamment aux concepteurs et promoteurs pour mettre leurs projets à venir en conformité avec les nouvelles exigences. Le Gouvernement a donc tenu compte des alertes quant au risque de précipitation que faisait courir le calendrier initialement proposé. De la même manière et afin d'assurer que la trajectoire fixée par la RE2020 permette aux innovations et développements industriels nécessaires de se déployer à temps, les autres jalons prévus par la RE2020 seront décalés d'un an par rapport à ce qui était envisagé (les dates de 2024, 2027 et 2030 devenant ainsi 2025, 2028 et 2031). En matière d'énergie, des dispositions transitoires seront prises, d'une part pour les maisons individuelles construites sur des parcelles ayant déjà fait l'objet d'un permis d'aménager avec desserte de gaz, d'autre part pour les réseaux de chaleur, pour à la fois encourager le développement et la décarbonation. En matière de construction, la place croissante que seront amenés à prendre le bois et les matériaux biosourcés dans le futur de la construction a été soulignée. La réglementation reposera sur une exigence de résultat et non de moyens et permettra de faire place à la diversité des modes constructifs en favorisant la mixité des matériaux. Si les constructions futures recourront donc de manière accrue au bois et matériaux biosourcés, cette nouvelle réglementation encouragera également le recours aux matériaux géosourcés (comme la pierre de taille ou la terre crue) et aux matériaux plus usuels (brique et béton notamment) selon leur trajectoire de décarbonation. Toutes les filières et tous les métiers seront ainsi pleinement mobilisés par le mouvement engendré par la RE2020. À cet égard, la méthode d'analyse en cycle de vie dite « dynamique » (ACV), qui valorise le stockage du carbone, comme le prévoit la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite Loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan), du 23 novembre 2018, est bien conservée. Dans le même temps, des ajustements par rapport au projet initial concernant les seuils carbone en construction ont été présentés afin d'assurer qu'à l'horizon 2031 (dernier jalon fixé par la RE2020), des modes constructifs variés auront leur place et que, sous réserve de leurs engagements de décarbonation, tous les matériaux continueront d'être utilisés, selon leurs atouts respectifs. Entre autres signes de ce souci de la mixité des matériaux et des modes constructifs, un Appel à manifestations d'intérêt (AMI) spécialement dédié à la mixité des matériaux a été lancé, financé par le programme d'investissements d'avenir (PIA 4). Fidèles à l'intention première du Gouvernement et fruits des multiples retours de terrain et de professionnels, les précisions apportées au projet de réglementation doivent permettre de trouver un point d'équilibre entre ambition et pragmatisme, exigences et maîtrise des coûts, et de garantir ainsi la pérennité de la RE2020. Grâce à un suivi précis dans le temps via un observatoire dédié, la trajectoire progressive que la RE2020 dessine pourra être ajustée au mieux. Aussi la RE2020 donne tout son sens au mot de transition. Tout en plaçant la France parmi les pionniers du bas-carbone en Europe, elle reste attentive à la réalité du monde de la construction et donne le temps nécessaire pour faire des évolutions à venir de véritables opportunités. Pour plus de détails sur la RE2020, le dossier de presse dédié du 18 février 2021 est consultable sur le site du ministère : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/2021.02.18_DP_RE2020_EcoConstruire_0.pdf.
Auteur : M. Fabien Di Filippo
Type de question : Question écrite
Rubrique : Bâtiment et travaux publics
Ministère interrogé : Transition écologique
Ministère répondant : Logement
Dates :
Question publiée le 22 décembre 2020
Réponse publiée le 15 juin 2021