15ème législature

Question N° 3513
de M. Charles de Courson (Libertés et Territoires - Marne )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Transition écologique
Ministère attributaire > Transition écologique

Rubrique > énergie et carburants

Titre > Renégociation de contrats de fourniture d'électricité photovoltaïque

Question publiée au JO le : 11/11/2020
Réponse publiée au JO le : 11/11/2020 page : 9355

Texte de la question

Texte de la réponse

RENÉGOCIATION DE CONTRATS DE FOURNITURE D'ÉLECTRICITÉ PHOTOVOLTAÏQUE


M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement a déposé, samedi 7 novembre à douze heures cinquante-deux, un amendement sur la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2021 visant à lui donner la possibilité de renégocier à la baisse les tarifs des 800 plus importants contrats de production d'électricité photovoltaïque conclus entre 2006 et 2010.

Cela pose, en premier lieu, un problème de méthode, qui illustre un manque de respect à l'égard du Parlement.

M. Patrick Hetzel. Tout à fait !

M. Charles de Courson. Comme d'habitude, l'amendement a été introduit à la dernière minute, sans examen en commission, ni étude d'impact.

M. Pierre Cordier. Comme d'habitude !

M. Charles de Courson. L'exposé sommaire confus et la note blanche, que vous n'avez fait circuler que parmi les députés de la majorité, n'apportent que peu d'éclaircissements sur les conséquences de cet amendement.

Sur le fond, ensuite, en revenant sur un engagement, vous faites porter le discrédit sur la parole de l'État. En outre, la rétroactivité de la mesure pose un véritable problème constitutionnel au regard du respect du droit de propriété.

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. Bertrand Pancher. Tout à fait !

M. Charles de Courson. Quant aux conséquences économiques sur la filière photovoltaïque, vous feignez de les oublier. En outre-mer et dans les zones non-interconnectées, notamment, la faillite de beaucoup de sociétés de projet est pourtant un risque réel – 90 % des actuels détenteurs de ces contrats ne sont pas les détenteurs initiaux. Par cet amendement, vous ouvrez d'ailleurs une possibilité de dérogation, au risque de tomber dans l'arbitraire.

Sur la question, enfin, des économies attendues, votre exposé sommaire reste muet. Dans son rapport de mars 2018, la Cour des comptes indiquait que les garanties accordées au secteur photovoltaïque – comme à celui de l'éolien offshore – représenteraient 2 milliards d'euros par an, dont 750 millions d'euros pour les 800 contrats les plus importants visés par votre amendement. Quel est donc le montant, monsieur le Premier ministre, des économies espérées ?

Ainsi, à l'heure où vous nous annoncez un pas de géant en faveur de l'écologie, quelle est la cohérence de votre politique énergétique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LT, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR. – M. Jérôme Lambert applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Je vous confirme tout d'abord que l'objectif du Gouvernement est bien de soutenir massivement le développement des énergies renouvelables. En témoignent les 110 milliards d'euros d'engagement sur les vingt prochaines années, ou encore l'accroissement de 25 % du soutien financier aux énergies renouvelables en 2020 et 2021.

M. Pierre Cordier. Cela ne nous a pas échappé…

Mme Barbara Pompili, ministre . Nous avons notamment prévu de prochains appels d'offres portant sur plus de 10 gigawatts d'installations photovoltaïques au cours des cinq prochaines années.

Concernant la mesure dont vous parlez, relative à la révision de contrats photovoltaïques signés entre 2006 et 2010, elle ne concerne qu'une une petite minorité des contrats existants – 800 sur 235 000 existants – et seulement des installations dont le coût est déjà amorti et qui ont bénéficié d'un rendement du capital parfois supérieur à 20 %, et ce aux frais du contribuable. Ces contrats bénéficient d'un tarif de rachat garanti, acquis après un phénomène de bulle, qui peut atteindre 600 euros par mégawattheure.

Si nous ne faisons rien – voici l'étude d'impact que vous souhaitiez, monsieur de Courson –, le contribuable devra débourser plus de 20 milliards d'euros au cours des dix prochaines années pour rémunérer l'ensemble de ces contrats,…

M. Bertrand Pancher. Et le scandale de l'écotaxe ?

Mme Barbara Pompili, ministre . …alors que des subventions moins importantes permettraient de maintenir la même production d'énergies renouvelables, en rémunérant les producteurs de manière normale.

Cette rente photovoltaïque, que nous voulons abolir, c'est autant de ressources en moins pour développer de nouvelles installations d'énergies renouvelables.

M. Raphaël Schellenberger. Ce ne sera jamais rentable !

Mme Barbara Pompili, ministre . J'insiste sur le fait qu'il s'agira d'une révision ciblée et juste. Nous avons travaillé avec la filière à la définition d'une clause de sauvegarde qui permettra, au cas par cas,…

Un député du groupe LR . La filière dit l'inverse, madame la ministre !

Mme Barbara Pompili, ministre . …d'éviter qu'une révision de contrat ne puisse mettre en péril l'exploitation des installations ; nous y serons très attentifs. Et nous examinerons les cas particuliers de la Corse et des outre-mer, dont nous connaissons les spécificités.

En outre, nous ne réviserons pas les contrats relatifs aux installations dont la puissance est inférieure à 200 kilowatts-crête, ce qui protège de facto les particuliers et la quasi-totalité des agriculteurs.

M. Pierre Cordier. Bel exercice de lecture !

Mme Barbara Pompili, ministre . Je le répète, cette mesure est introduite à la suite de nombreux échanges menés avec la filière. Vous l'avez donc compris, notre objectif est de revenir sur une rente de situation injustifiée, inutile, sans pour autant déstabiliser l'équilibre financier de la filière, que nous continuerons évidemment à soutenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Madame la ministre, vous avez donc mis plus de trois ans pour découvrir cette situation, qui n'est d'ailleurs, soit dit en passant, pas spécifique à cette filière. Et vous avez, en quelque sorte, l'amour vache,…

M. Pierre Cordier. Oh !

M. Charles de Courson. …puisque pour favoriser le développement de ces énergies, vous commencez par les sanctionner. (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)