Accès à la justice des enfants orphelins et délais de prescription
Question de :
Mme Barbara Bessot Ballot
Haute-Saône (1re circonscription) - La République en Marche
Mme Barbara Bessot Ballot attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les difficultés d'accès à la justice des enfants orphelins du fait du délai de prescription des infractions. Son interrogation fait suite à une sollicitation émanant de sa circonscription. Les enfants orphelins victimes d'infractions font face à la double difficulté de leur âge et d'un manque d'accompagnement dans leurs recours en justice. Une captation d'héritage par le tuteur légal, par exemple, aura beau être constatée et reconnue lorsque la victime atteint un âge lui permettant de s'émanciper et de recourir pleinement à la justice, la victime ne pourra prétendre à aucun jugement si le délai de prescription est passé avant qu'elle ne soit de facto en capacité de saisir la justice. La difficulté d'accès à la justice pour les orphelins peut être accentuée s'ils sont placés sous tutelle de proches indisposés à accompagner l'enfant dans ses démarches. Pour un enfant subissant des pressions psychologiques du fait de sa situation parentale et d'éventuelles tensions avec ses tuteurs, l'accès à la justice avant la prescription de certains délits peut en pratique s'avérer impossible. La conjonction de ces difficultés du fait du mauvais accompagnement par certains tuteurs et des délais de prescription des délits dont ils pourraient être victimes peut entraver le juste accès à leurs droits pour les individus ayant été victimes de délits durant leur enfance. Un délai de prescription plus long pour les infractions commises sur des mineurs permettrait aux victimes de recourir à la justice une fois émancipées et en capacité d'entreprendre de telles démarches. En outre, après une enfance et adolescence difficiles, le délai de reconstruction personnelle doit être considéré car il peut retarder le recours en justice. Elle lui demande par conséquent si les délais de prescriptions peuvent être allongés pour mieux considérer la durée réelle nécessaire aux enfants orphelins pour faire valoir leurs droits.
Réponse publiée le 20 avril 2021
La loi n° 2017-242 du 27 février 2017, portant réforme de la prescription en matière pénale, a porté à 6 ans les délais de prescription des délits, ce délai commençant en principe à courir à compter de leur commission. En outre, les mineurs bénéficient à la fois d'un retard du point de départ de la prescription à compter de leur majorité et d'un allongement de ces délais lorsqu'ils sont victimes d'une infraction portant atteinte à leur intégrité physique (infractions sexuelles, de traites des êtres humains, ou de violences ayant entrainé une infirmité permanente…). En outre, le procureur de la République, le juge d'instruction ou le président de la juridiction peut désigner un administrateur ad hoc lorsque la protection des intérêts d'un mineur, victime d'une infraction commise volontairement à son encontre, n'est pas assurée par ses représentants légaux (ou l'un d'entre eux). L'administrateur ad hoc pourvoit aux intérêts du mineur et exerce, s'il y a lieu, au nom de celui-ci les droits reconnus à la partie civile. Cette désignation peut intervenir à tous les stades de la procédure. Très fréquemment pratiquée dans les hypothèses de maltraitance, elle garantit l'indépendance du positionnement adopté dans l'intérêt du mineur, vis-à-vis de son représentant légal (parent ou tuteur), a fortiori si celui-ci est l'auteur d'une infraction volontaire commise au préjudice du mineur. Les atteintes aux biens dont le mineur est propriétaire, (notamment par héritage) susceptibles d'être commises dans le cadre de l'administration légale de ses biens, si elles sont constitutives d'une infraction pénale, peuvent également donner lieu à la désignation d'un administrateur ad hoc. Au plan civil, des dispositions spécifiques protègent les biens dont le mineur est propriétaire. L'administration légale des biens, exercée par l'un des parents ou par un tuteur, nécessite l'accord préalable du juge des tutelles des mineurs pour l'accomplissement d'un acte de disposition portant sur le patrimoine du mineur (tels la vente, la souscription d'un emprunt, l'acceptation ou la renonciation à une succession). L'action en nullité des actes n'ayant pas respecté ces formalités protectrices peut être introduite dans un délai de 5 ans, à compter de la majorité ou de l'émancipation de la personne. L'action aux fins de réparation des fautes commises dans le cadre de la gestion des biens du mineur se prescrit selon les mêmes délais. Plus généralement, le juge des tutelles, d'office ou sur saisine du procureur de la République ou du mineur, peut procéder à la désignation d'un administrateur ad hoc, lorsque les intérêts de l'administrateur légal sont en contradiction avec ceux du mineur. Enfin, dans le cadre du contrôle opéré par le juge des tutelles sur les actes d'administration légale, si celui-ci suspecte la commission d'une infraction, il en informera le procureur de la République, en application de l'article 40 du code de procédure pénale, permettant ainsi la mise en œuvre de l'action publique indépendamment des diligences du mineur. Aussi, l'ensemble de ces dispositions permet d'assurer la protections effective des intérêts des mineurs et en particulier des mineurs orphelins dont l'autorité judiciaire a la charge.
Auteur : Mme Barbara Bessot Ballot
Type de question : Question écrite
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 22 décembre 2020
Réponse publiée le 20 avril 2021