15ème législature

Question N° 35222
de Mme Marie-France Lorho (Non inscrit - Vaucluse )
Question écrite
Ministère interrogé > Culture
Ministère attributaire > Culture

Rubrique > patrimoine culturel

Titre > Cession de l'abbaye de Pontigny

Question publiée au JO le : 22/12/2020 page : 9358
Réponse publiée au JO le : 26/01/2021 page : 684

Texte de la question

Mme Marie-France Lorho interroge Mme la ministre de la culture sur la promesse de vente par la région Bourgogne Franche-Comté du domaine de l'abbaye de Pontigny, vendredi 11 décembre 2020, dont la presse s'est largement fait l'écho. Cette décision scandalise, à juste titre, les amoureux du patrimoine français. En préférant le projet de la Fondation François Schneider à celui de la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre, la majorité socialiste du conseil régional a en effet démontré le peu de cas qu'elle fait de la nature profonde de ce lieu de culte, culte qui, quoi qu'en disent certains laïcistes patentés, est une composante essentielle de la culture française. Les deux étant intimement liés, il aurait été pertinent que le conseil régional respecte l'esprit religieux de ce haut lieu spirituel de la chrétienté médiévale, deuxième fille de Cîteaux. Pour rappel, l'abbaye de Pontigny, construite au XIIème siècle, est le plus grand édifice cistercien du Moyen Âge conservé intact en 2020. Ce vaisseau médiéval d'une longueur de 108 mètres est remarquable tant par sa taille que par son style épuré. En 1840, Prosper Mérimée la classe monument historique. L'association Urgences patrimoine et d'autres acteurs locaux ont fait part de leurs inquiétudes concernant ce choix qui risque de dénaturer ce patrimoine exceptionnel. Le maire de Saint-Florentin, commune située à 10 kilomètres de l'abbaye, Yves Delot, a abondé dans le même sens. « Tout ça se fait un peu sous le manteau. Moi je suis simplement pour le bon sens : il vaut mieux tenir que courir après des mirages » a-t-il ainsi regretté. Alors que le projet de séminaire porté par la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre redonnerait un souffle spirituel à ce domaine conformément à sa vocation première, l'autre projet, porté par la Fondation Schneider, prétend quant à lui le transformer en un hôtel de luxe et un centre d'art contemporain. Comment rester insensible face à la décision du conseil régional fondée sur des considérations purement utilitaristes et matérielles au détriment de considérations plus élevées ? Ce choix est d'autant plus inique que les garanties apportées par la Fondation semblent nettement moins solides que celles de la Fraternité, puisque la Fondation n'a pas encore trouvé d'opérateur hôtelier pour son projet. Par ailleurs, celle-ci a déposé la marque abbaye de Pontigny en janvier 2020, de quoi légitimement semer le doute sur une éventuelle entente avec la région avant même la tenue des débats. Compte tenu des éléments évoqués ci-dessus, Mme le député s'inquiète du silence du ministère de la culture sur ce dossier. Aussi, elle lui demande si elle envisage de saisir sans délai ses services avec l'objectif de préserver le caractère sacré des bâtiments et de faire la lumière sur cette affaire symboliquement désastreuse pour la France et son patrimoine.

Texte de la réponse

La question de la reconversion des bâtiments patrimoniaux inoccupés intéresse particulièrement le ministère de la culture, car elle constitue un levier très pertinent pour la conservation, sur le long terme, de ce patrimoine. Les projets de reconversion doivent bien évidemment respecter le caractère patrimonial des lieux et les travaux qui peuvent en découler sont assujettis, le cas échéant, à l'obtention des autorisations prévues par le code du patrimoine ou le code de l'environnement. En outre, pour garantir le succès de tels projets, il est souhaitable que le choix de l'activité ou des activités à développer soit déterminé selon les besoins du territoire et les particularités du ou des bâtiments concernés. La réutilisation des biens patrimoniaux peut donner lieu à une activité très éloignée de leur usage initial, sans que cela soit contradictoire avec le respect du caractère patrimonial de ces édifices. La région Bourgogne-Franche-Comté, propriétaire d'une partie du domaine de Pontigny, cherche depuis plusieurs années à valoriser ce bien et à en faire un pôle attractif pour le territoire. En 2019, la collectivité territoriale a participé à l'appel à candidatures lancé dans le cadre de l'opération « Réinventer le patrimoine » portée par le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et le ministère de la culture, Atout France et la Caisse des dépôts. En décembre 2019, le domaine de Pontigny a été sélectionné parmi les 96 dossiers déposés. Il fait à présent l'objet, comme les 11 autres lauréats de l'opération, d'un accompagnement d'Atout France et des ministères précités pour la définition et l'élaboration de son projet de reconversion. La région Bourgogne-Franche-Comté a récemment signé une promesse de vente des espaces du domaine de Pontigny, dont elle est propriétaire, au bénéfice de la fondation François Schneider, avec une condition suspensive portant sur la création d'un hébergement touristique au sein de l'un des bâtiments. La région, encore maître d'ouvrage sur le domaine, ainsi que la fondation, bénéficieront en 2021 de l'accompagnement prévu au titre du dispositif « Réinventer le patrimoine », afin de garantir le succès, à tous les niveaux, du projet de reconversion. Quel que soit le porteur de projet, les services du ministère de la culture (direction régionale des affaires culturelles de Bourgogne-Franche-Comté) veilleront au respect du caractère patrimonial du lieu et assureront le contrôle scientifique et technique des travaux dont il pourrait être l'objet. Les biens en question ne sont protégés au titre des monuments historiques qu'en faible proportion, le site ayant fait l'objet de nombreuses reconstructions aux XIXe et XXe siècles et d'aménagements modernes dans le bâti ancien. Les travaux qui seront envisagés seront donc, pour leur majorité, soumis à l'accord de l'Architecte des bâtiments de France au titre des abords. Afin d'éviter tout amalgame, il convient enfin de rappeler que la promesse de vente signée par la région récemment ne porte pas sur l'église abbatiale de Pontigny, devenue paroissiale, entièrement classée au titre des monuments historiques sur la liste de 1840, qui reste propriété de la commune et affectée au culte catholique.