Question écrite n° 3531 :
État de la justice en Seine-Saint-Denis

15e Législature
Question signalée le 9 avril 2018

Question de : M. Stéphane Peu
Seine-Saint-Denis (2e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. Stéphane Peu alerte Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'état de la justice en Seine-Saint-Denis. La justice est une mission régalienne de l'État, et son accès un droit fondamental. Pourtant, il est un département de France métropolitaine où le service public de la justice est en panne : la Seine-Saint-Denis. Pour preuve les tribunaux qui y sont implantés sont confrontés depuis de nombreuses années à un nombre croissant d'affaires qui ne s'accompagne pas de moyens suffisants : en 2016, par exemple, plus de 15 000 jugements ont été rendus dans les huit tribunaux d'instance que compte le département, mais 8 774 affaires restaient encore à juger à la fin de l'année 2017. Cette situation est notamment due à un manque de personnel. Ainsi en octobre 2017, sur les 93 postes de greffiers que comptaient ces tribunaux d'instance, 36 étaient vacants - soit plus d'un tiers des effectifs - et il manquait trois directeurs de greffe. Il n'en est pas autrement au tribunal de grande instance de Bobigny - deuxième tribunal de France après Paris - qui rencontre, outre sa grande vétusté, un manque important de moyens humains : il manquait 5 juges, 3 magistrats et une quarantaine de greffiers en octobre 2017. Cette pénurie ne peut s'expliquer uniquement par des difficultés de recrutement. En effet, comment pouvez-vous justifier que le tribunal d'instance d'Aubervilliers soit doté sur le papier de deux fois moins de magistrats que celui du XVIIIème arrondissement de Paris ? Cette situation inquiétante a contraint certains tribunaux à fermer partiellement leurs activités (à l'instar des tribunaux d'instance de Saint-Denis et d'Aulnay-sous-Bois) voire de façon permanente, comme c'est le cas depuis le 1er septembre 2017 du tribunal d'instance d'Aubervilliers pour l'accueil téléphonique et physique des justiciables, ainsi que pour le service relevant des questions de nationalité. Ce constat est insupportable pour les habitants de la Seine-Saint-Denis, contraints de subir cette rupture d'égalité dans l'accès aux droits et la justice. Alors qu'en décembre 2016, l'État avait déjà été condamné pour des délais anormaux de jugement, 27 justiciables l'ont à nouveau assigné pour « déni de justice » en octobre 2017. La situation n'est pas davantage acceptable pour le personnel des tribunaux, qui doit travailler dans des conditions anormales et indignes. En juillet 2017, par exemple, le personnel du TGI de Bobigny a vécu une situation impossible entre le 13 et le 14 juillet 2017, contraint de travailler 21 heures d'affilée. Les tribunaux rencontrent un turn-over important. La quasi-totalité des magistrats et des greffiers demandent leur mutation. Les jeunes recrues, qu'il est souvent nécessaire de former avant qu'elles ne soient pleinement opérationnelles, font valoir elles aussi leur droit à une mutation une fois qu'elles sont aguerries. Les quelques 580 avocats inscrits au barreau de la Seine-Saint-Denis - contre 30 000 à Paris - font un travail extraordinaire mais sont épuisés et découragés par l'absence de réponse du ministère de la justice. Mme la garde des sceaux a eu l'occasion de visiter en octobre 2017 le tribunal de grande instance de Bobigny, et de son propre aveu, ce que l'on voit dans ses couloirs est inacceptable. Malheureusement, les annonces qu'elle a faites ne répondent pas, pour l'heure, aux attentes : à part les quelques crédits pour réparer l'étanchéité et colmater les fuites d'eau, il n'y a rien qui puisse redonner de la dignité aux personnels des tribunaux du département et permettre aux Séquano-dionysiens d'espérer une égalité d'accès aux droits devant la justice de notre pays. Elle souhaite donc connaître les mesures qu'elle envisage de prendre pour garantir un égal accès à la justice dans ce département et des conditions de travail dignes. Et de manière urgente, il demande qu'on lui indique quand elle compte mettre fin à cette grave rupture d'égalité républicaine que constitue la fermeture du tribunal d'instance d'Aubervilliers.

Réponse publiée le 19 juin 2018

La situation des juridictions de Seine-Saint-Denis, et tout particulièrement du tribunal de grande instance (TGI) de Bobigny ainsi que du tribunal d'instance d'Aubervilliers, est suivie avec attention par Madame la Garde des Sceaux. Ainsi, un contrat d'objectifs a été signé en 2016 afin d'adapter l'accompagnement du tribunal de grande instance (TGI) de Bobigny à ses problématiques spécifiques et un audit de l'activité pénale de la juridiction est en cours. Par ailleurs, conformément à la demande de Madame la ministre, 4 magistrats - dont 2 au siège et 2 au parquet - seront affectés en surnombre au sein de la juridiction afin de faire face à la forte activité pénale de la juridiction. Un 15ème cabinet de juge des enfants sera en outre créé en septembre 2018. Afin d'accompagner ces arrivées de magistrats, la localisation des emplois de fonctionnaires a été augmentée dans cette juridiction cette année, passant de 378 à 384 fonctionnaires. Actuellement, seuls 7 postes de fonctionnaires sont vacants. Les emplois vacants de catégorie C sont publiés aux commissions administratives compétentes du mois de juin 2018, pour une prise de fonctions le 1er septembre 2018. Les postes restés vacants après les mouvements de mobilité seront proposés aux recrutements au titre de l'année 2018 d'adjoints administratifs et techniques, ce qui devrait permettre de renforcer encore la juridiction en septembre prochain afin de pourvoir l'ensemble des postes vacants. S'agissant du tribunal d'instance d'Aubervilliers, l'emploi de greffier fonctionnel chef de greffe, resté vacant, figure au titre de la nouvelle campagne de publication des emplois fonctionnels de greffiers. 

Données clés

Auteur : M. Stéphane Peu

Type de question : Question écrite

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Signalement : Question signalée au Gouvernement le 9 avril 2018

Dates :
Question publiée le 5 décembre 2017
Réponse publiée le 19 juin 2018

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