Question écrite n° 35395 :
Inefficacité environnementale et injustices fiscales et territoriales

15e Législature

Question de : M. André Chassaigne
Puy-de-Dôme (5e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. André Chassaigne attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique sur l'inefficacité environnementale et les injustices fiscales et territoriales liées à l'augmentation de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur les déchets. En effet, les collectivités territoriales et syndicats de collecte et de traitement des déchets font part de la charge considérable que constituera la perspective d'accroissement de triplement de la TGAP par tonne enfouie ou incinérée d'ici 2025. Inévitablement, cette hausse supplémentaire des coûts de traitement sera transférée sur les ménages alors même qu'ils subissent déjà les conséquences de la crise. Mais surtout, cette hausse de la TGAP ne répond plus aujourd'hui aux enjeux environnementaux en matière de réduction des déchets ménagers et assimilés (DMA). En effet, ce sont les efforts consentis par les collectivités et services gestionnaires, tant en matière de sensibilisation que d'incitation, qui ont permis de limiter les tonnages ces dix dernières années (moins 10 kg par an et par habitant en 10 ans). Aujourd'hui, le niveau des tonnages collectés nécessite avant tout des mesures de fermeté à l'encontre des producteurs de déchets. La simple pénalisation fiscale des ménages et des services de gestion et de collecte, déjà soumis à un renchérissement des prestations de traitement et d'incinération de plus en plus déconnecté du coût réel faute d'un service public unifié dans ce secteur, n'a plus d'efficacité réelle sur la baisse des tonnages collectés. Quant aux collectivités et usagers les plus exemplaires, ils ne sont pas exonérés ou récompensés par l'évolution de cette fiscalité. De plus, cette situation interroge sur l'affectation de recettes de la TGAP au budget de l'État, qui ne contribue que faiblement à financer les politiques publiques territoriales d'économie circulaire et de réduction des déchets. Ainsi, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire du 11 février 2020 ne va pas assez loin en matière de responsabilité élargie du producteur (REP) et de sanctions financières applicables aux producteurs. Les hausses successives de la TGAP sont socialement et territorialement injustes, mais aussi contraires à l'efficacité environnementale. Un changement de cap politique s'impose donc pour transférer cette fiscalité à la source, donc aux producteurs de déchets, qui doivent être contraints règlementairement et financièrement à transformer rapidement leurs modes de production dans une démarche de cycle de vie complet du produit, depuis les matières mobilisées jusqu'au recyclage des déchets et leur transformation en matières premières. Très clairement, la refondation du système de REP ne va pas assez loin en termes d'écoconception des produits et d'écomodulation de la fiscalité des producteurs pour diminuer rapidement, conformément aux objectifs fixés, les quantités de produits non recyclables mis sur le marché français. De la même façon, s'imposent une refonte profonde et un contrôle renforcé des éco-organismes, pilotés par l'État, sur la base d'objectifs de collecte, de réutilisation et de recyclage, assortis de sanctions financières significatives en cas de non atteinte. Aussi, il lui demande si elle compte revoir la trajectoire de la TGAP et répondre aux enjeux réels de la politique de production et de traitement des déchets ménagers et assimilés.

Réponse publiée le 12 janvier 2021

La ministre de la transition écologique a pris connaissance avec intérêt de la demande de révision du barème de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) associée à un développement plus important de la responsabilité des producteurs des produits dans le cadre des filières dites REP, de façon à ce qu'ils conçoivent des produits mieux recyclables et prennent davantage en charge les déchets qui en sont issus afin de réduire la production de déchets. La TGAP est un outil voulu par le législateur qui l'a inscrite dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 18 août 2015 pour inciter à réduire le recours à la mise en décharge, l'élimination des déchets étant au dernier rang de la hiérarchie de traitement des déchets instauré par l'article L541-1 du code de l'environnement en transposition de la législation européenne. Diverses mesures peuvent permettre aux collectivités d'en réduire la charge de façon certaine. Ainsi, les collectivités qui ont opté pour la tarification incitative ont pu constater une diminution notable des quantités de déchets à collecter et donc à traiter, y compris par la mise en décharge, et donc une minoration de la TGAP qui leur est imposable. Par ailleurs, la loi a introduit il y a cinq ans une généralisation du tri à la source des déchets organiques pour tous les producteurs de déchets avant 2025. L'entrée en vigueur de cette obligation a d'ailleurs été avancée au 1er janvier 2024 au niveau européen, ce que la France se doit de respecter. Cette mesure est de nature à réduire les quantités de déchets éliminés en décharge en permettant la production de composts constituant de véritables amendements utilisables en agriculture. D'autre part, la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC) entend accélérer pour sa part le changement des modèles de production et de consommation afin de réduire les déchets et préserver les ressources naturelles, la biodiversité et le climat. Cette loi a créé plusieurs nouvelles filières dites à responsabilité élargie des producteurs (REP) qui vont elles aussi contribuer à une diminution des volumes de déchets dont le traitement est à la charge des collectivités. La prévention de la production de déchets est par ailleurs un des objectifs mis en avant par la loi et la mise en œuvre des mesures qu'elle impose dans ce cadre devrait aussi contribuer à une diminution des charges des collectivités. Ainsi, la loi AGEC impose aux producteurs de produits entrant dans le champ d'une filière d'élaborer des plans quinquennaux d'actions d'écoconception pour que leurs produits soient davantage recyclables. Les fabricants sont aussi fortement incités à concevoir leurs produits de façon plus écologique par l'attribution d'un bonus sur la contribution qu'ils versent à un éco-organisme pour la gestion et le traitement de la fin de vie de leurs produits. A contrario, les fabricants n'intégrant pas l'éco-conception dans leur mode de production verront cette contribution augmentée d'un malus. Par ailleurs, la réparabilité des produits devient un nouvel impératif et les éco-organismes des filières concernées, comme les producteurs ayant choisi un système individuel, devront participer au financement des coûts de réparation effectuée par un réparateur labellisé des produits détenus par des consommateurs. Des fonds dédiés au financement du réemploi et de la réutilisation sont aussi créés. Ils sont destinés aux structures telles que les recycleries, les ressourceries et autres structures de l'économie solidaire mais certaines entreprises privées pourront en bénéficier sous conditions. Les filières produisant des produits électriques et électroniques, des meubles ou des articles de bricolage et de jardinage (produits pouvant être facilement réutilisables) devront y contribuer à hauteur de 5 % des éco-contributions versées aux éco-organismes. Enfin, la loi a prévu des mesures imposant à la nouvelle filière des déchets de construction et de démolition, de prendre en charge les déchets relevant de cette filière qui auraient été abandonnés, déposés ou gérés contrairement à législation des déchets, allégeant ainsi les charges des collectivités confrontées à l'obligation de gérer les dépôts sauvages de tels déchets en l'absence d'identification des producteurs de ces déchets ou des auteurs de ces dépôts illégaux, ce qui reste encore fréquent. Dans ce contexte, il n'est pas envisagé de révision du barème de la TGAP, ni de diminution ou de gel de l'augmentation prévue de cette taxe. Cependant, le gouvernement est conscient que le contexte actuel de la crise sanitaire actuelle, entraine pour certaines collectivités des difficultés à faire face à l'ensemble de leurs obligations. Aussi, des aides à l'investissement leur seront attribuées dans le cadre du plan de relance. Il est ainsi prévu un budget de 84 millions d'euros pour la création de nouveaux points de collecte et la modernisation des centres de tri, et 100 millions d'euros pour la mise en place de la collecte séparée des bio-déchets.

Données clés

Auteur : M. André Chassaigne

Type de question : Question écrite

Rubrique : Déchets

Ministère interrogé : Transition écologique

Ministère répondant : Transition écologique

Dates :
Question publiée le 5 janvier 2021
Réponse publiée le 12 janvier 2021

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