RE 2020
Question de :
M. Thibault Bazin
Meurthe-et-Moselle (4e circonscription) - Les Républicains
M. Thibault Bazin appelle l'attention de Mme la ministre de la transition écologique sur les inquiétudes provoquées par le projet de réglementation environnementale 2020. Faute de disposer d'une étude d'impact multicritères partagée, l'estimation du coût de la RE 2020 reste à établir. De plus, l'exclusion d'un grand nombre d'énergies de cette version de la RE 2020 au profit de l'électricité aurait des conséquences tout à fait dommageables. Ce projet se base sur une évaluation contestable du contenu CO2 de l'électricité pour le chauffage, artificiellement abaissé à une valeur de 79 grammes CO2 par kilowatt-heure contre 210 g CO2 par kilowatt-heure aujourd'hui dans le label E+C- (146 grammes CO2 par kilowatt-heure selon la méthode ADEME), alors qu'en période de chauffage les moyens de production et les importations électriques sont beaucoup plus carbonés que le reste de l'année. Comme cette sous-évaluation doit être compensée, elle l'est au détriment de l'industrie française qui voit le contenu CO2 de ses consommations électriques doubler en passant de 32 à 63 grammes CO2 par kilowatt-heure. De plus, ce choix du tout électrique entraînera une hausse importante des dépenses de chauffage pour les Français, sachant que le prix de l'électricité sera fortement orienté à la hausse dans les prochaines années après avoir déjà augmenté de 50 % de 2011 à 2021. Il est déjà non seulement 2,5 à 3 fois supérieur à celui des autres énergies mais il va devoir intégrer dans le futur les coûts importants d'accroissement des capacités de production et de renforcement du réseau électrique. Le choix opéré exclut de nombreuses solutions de chauffage qui auraient permis de diversifier le mix de consommation, élément majeur de la résilience d'un système énergétique permettant notamment de s'adapter aux aléas du futur et de profiter des améliorations technologiques les plus diverses. Il est ainsi regrettable d'exclure les ressources provenant de la biomasse ou le chauffage urbain du logement collectif neuf ou encore la boucle d'eau chaude. Enfin ce choix accroît les risques liés à la pointe thermosensible. Pour accompagner cette réglementation, il serait également opportun de créer un crédit d'impôt complémentaire ou de prévoir une majoration du dispositif Pinel pour les logements labellisés RE 2020 étant donné son surcoût notable dans un contexte de faible production de logements au regard des besoins. Alors que tout le monde partage l'objectif de décarboner le chauffage et de réduire la consommation d'énergie primaire, il vient demander au Gouvernement le report de cette règlementation mais aussi son adaptation afin de la rendre plus vertueuse sur le plan environnemental, plus sûre en matière d'approvisionnement, moins coûteuse pour le consommateur, et de permettre les évolutions des systèmes de production en fonction des évolutions techniques, économiques et environnementales prévisibles dans les années à venir et que l'industrie française saura promouvoir.
Réponse publiée le 15 février 2022
La réglementation environnementale 2020 poursuit trois objectifs principaux : donner la priorité à la sobriété énergétique et à la décarbonation de l'énergie, diminuer l'impact carbone de la construction des bâtiments et enfin garantir le confort en cas de forte chaleur. Elle doit permettre d'aligner les standards de la construction neuve avec nos objectifs énergétiques et climatiques de moyen et long termes. Cette réglementation a fait l'objet d'une intense concertation avec l'ensemble des experts et filières concernés, et ses orientations finales prennent en compte de façon équilibrée les retours issus de cette concertation. Les exigences incluses dans la RE2020 sont cohérentes avec la stratégie nationale bas carbone (SNBC), notamment en ce qui concerne la décarbonation de la chaleur dans les bâtiments. L'exclusion des énergies carbonées n'induira pas un développement excessif du chauffage électrique, et les énergies telles que la biomasse ou les réseaux de chaleur trouveront toute leur place dans les constructions futures. En effet, la RE2020 prévoit de contraindre fortement la consommation d'énergie primaire non renouvelable, ce qui empêche l'utilisation de systèmes électriques peu performants (radiateurs électriques) au profit de systèmes plus vertueux tels que les pompes à chaleur, les chaudières biomasse, les panneaux solaires thermiques, la géothermie ou les réseaux de chaleur urbain. Concernant les réseaux de chaleur, ils sont alimentés à plus de 60 % par des énergies renouvelables, chiffre en constante croissance, et la RE2020 met en place des dispositions transitoires pour inciter au développement des réseaux de chaleur tout en encourageant leur verdissement : un seuil dérogatoire de 8 kgCO2/m2/an sera exigé pour les logements collectifs raccordés à un réseau de chaleur en 2025 (75 % des réseaux sont déjà compatibles, sans compter la décarbonation qui aura lieu d'ici 2025), puis ce seuil sera ramené au seuil de 2025 de 6,5 kgCO2/m2/an en 2028. Par ailleurs, les bâtiments raccordés à des réseaux de chaleur pourront bénéficier d'exceptions si les réseaux prouvent leur décarbonation à horizon de 5 ans. Du reste, les travaux réalisés par RTE (réseau de transport d'électricité) en lien avec l'Ademe (Agence de la transition écologique, anciennement Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) avaient permis de confirmer l'impact limité pour le système électrique des solutions de chauffage électrique performantes (et notamment les pompes à chaleur) : https://assets.rte-france.com/prod/public/2021-02/Rapport%20chauffage_RTE_Ademe.pdf Concernant spécifiquement le facteur d'émission pris en compte pour l'électricité, il est d'abord rappelé que le calcul d'un contenu en CO2, plus fin qu'une unique valeur moyenne au niveau du système électrique, relève nécessairement de simplifications méthodologiques et de conventions. Or l'ancienne méthode restait relativement imprécise et la seule distinction d'une part de base et d'une part saisonnalisée avait pour conséquence d'exacerber les écarts entre les facteurs d'émissions des différents usages de façon artificielle. C'est pourquoi, il a été décidé de réviser le facteur d'émission de l'électricité en s'appuyant sur une méthode plus simple et robuste dite « mensualisée par usage ». Elle permet bien de distinguer les impacts respectifs des différents usages, puisque le facteur du chauffage électrique, qui a un impact relativement plus important sur la pointe électrique que d'autres usages, ressort à une valeur supérieure à celle des autres usages et au contenu CO2 moyen. Enfin, l'Ademe avait confirmé dans une fiche technique la pertinence du facteur résultant de cette méthode pour la RE2020 : https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/fiche-technique-ademe-contenu-co2-electricité-2020-v2.pdf Enfin, il convient de rappeler qu'une étude d'impact fine et multicritère a bien été réalisée dans le cadre des textes réglementaires. Elle montre qu'il existe bien des surcoûts à la construction, entre 2,5 et 5 % en 2022 en fonction de la catégorie de bâtiment concernée, à mettre en perspective avec les objectifs énergétiques et climatiques de la France. La réglementation entrera en vigueur progressivement, en commençant par les bâtiments à usage d'habitation au 1er janvier 2022. Les exigences évolueront au cours du temps, avec des paliers en 2025, 2028 et 2031 afin de donner de la visibilité à l'ensemble de l'industrie française et européenne, et de permettre dû à la chaine de valeur d'évoluer vers des modes constructifs plus écologiques.
Auteur : M. Thibault Bazin
Type de question : Question écrite
Rubrique : Énergie et carburants
Ministère interrogé : Transition écologique
Ministère répondant : Transition écologique
Dates :
Question publiée le 2 février 2021
Réponse publiée le 15 février 2022