Situation des migrants mineurs
Question de :
M. Patrice Anato
Seine-Saint-Denis (3e circonscription) - La République en Marche
M. Patrice Anato attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la situation des enfants migrants en Seine-Saint-Denis. En effet, le département fait face à un afflux de migrants qui pour beaucoup ont le statut de mineurs isolés étrangers ou de mineurs non accompagnés. Afin de ne pas laisser livrés à eux-mêmes ces jeunes migrants âgés de 15 à 18 ans, des associations du département de la Seine-Saint-Denis se mobilisent fortement en ce moment pour les accueillir. Souvent, ces jeunes sont logés par des associations dans des espaces limités comme des recoins de théâtre ou encore des centres artistiques. L'hébergement dans ces lieux ne pouvant toutefois être durable, ils tournent de lieu en lieu, ce qui ne garantit pas des conditions humaines viables sur le long terme et de fait crée une instabilité. Les départements sont débordés et n'arrivent plus à gérer l'afflux de ces jeunes mineurs. En 2019, l'ex-Premier ministre Édouard Philippe avait reconnu que l'État devait jouer un rôle pour répondre à cette problématique. Des critères devaient être redéfinis pour opérer la répartition au niveau national et entre départements des jeunes à accueillir. Il voudrait savoir quelle est la politique actuelle de répartition concernant l'accueil des jeunes migrants, et la stratégie du Gouvernement sur le long terme pour les protéger et améliorer leurs conditions de vie.
Réponse publiée le 11 mai 2021
Depuis plusieurs années, de nombreux départements font part de la saturation de leurs dispositifs d'évaluation et de prise en charge, avec des conséquences à la fois sur la qualité du service rendu, sur les équipes des services de la protection de l'enfance et sur les finances des départements. Aux termes de l'accord du 17 mai 2018 entre l'État et l'association des départements de France, l'État s'est engagé à renforcer son appui opérationnel et financier aux départements. Outre des efforts de régulation des flux (démantèlement des filières, fichier national, etc.), l'État a proposé une aide concentrée sur la phase d'accueil et d'évaluation, avec 500 euros par jeune à évaluer, plus 90 euros par jour pour l'hébergement pendant quatorze jours, puis 20 euros du quinzième au vingt-troisième jour. Le décret n° 2019-57 du 30 janvier 2019 a créé un traitement de données, dénommé « appui à l'évaluation de la minorité » (AEM), qui permet d'infléchir l'augmentation du nombre de personnes se disant MNA, d'ainsi éviter le détournement de la protection de l'enfance par des majeurs, de limiter les présentations successives dans plusieurs départements. En réduisant les risques d'erreur dans l'évaluation de la minorité, ce traitement permettra de limiter les conséquences sur le travail des services sociaux de la détection d'une fraude a posteriori. Le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État ont jugé qu'il ne portait pas atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant. Au 5 février 2021, AEM est utilisé (ou le sera très prochainement) par 80 départements et par la métropole de Lyon. Son déploiement n'est pas prévu à ce stade dans l'Outre-mer et à Mayotte. Pour que la couverture du territoire métropolitain soit totale, AEM doit encore être déployé dans quinze départements. L'enjeu du déploiement est particulièrement important dans les départements de Paris, de la Seine-Saint-Denis et du Val de Marne qui représentent près d'un quart des MNA évalués. Afin de favoriser le déploiement de l'outil sur l'ensemble du territoire national et d'atteindre pleinement l'ensemble des objectifs poursuivis, le Gouvernement s'était engagé, dans le cadre du comité interministériel sur l'immigration et l'intégration du 6 novembre 2019, à mettre en place un mécanisme incitant financièrement les conseils départementaux à utiliser le fichier AEM. A cette fin, le décret n° 2020-768 du 23 juin 2020 a modifié l'article R. 221-12 du code de l'action sociale et des familles (CASF) et permet de conditionner une partie du forfait « évaluation » à la signature d'une convention pour la mise en œuvre d'AEM. Le dispositif réglementaire a été complété par deux arrêtés : l'arrêté du 23 octobre 2020 modifiant l'arrêté du 28 juin 2019 pris en application de l'article R. 221-12 du code de l'action sociale et des familles et relatif à la participation forfaitaire de l'Etat à la phase de mise à l'abri et d'évaluation des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille (qui prévoit la modulation financière) ; et l'arrêté du 16 octobre 2020 relatif à la convention-type prévue à l'article R. 221-12 du code de l'action sociale et de la famille (convention-type AEM). Le dispositif de modulation financière semble avoir déjà produit des effets puisque cinq départements, initialement opposés au traitement, ont changé de position et ont engagé les démarches nécessaires auprès des préfectures pour déployer AEM sur leur territoire (Aude, Hérault, Pas-de-Calais, Ille-et-Vilaine et Gers). Le critère de répartition nationale de l'accueil des MNA pris en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance a également été revu afin de rendre celle-ci plus équitable. Auparavant, cette répartition entre départements était opérée au regard d'un critère unique, celui de la part de la population des jeunes de 19 ans et moins accueillie dans un département donné rapportée à celle recensée sur l'ensemble des départements. Le Gouvernement a pris le 19 décembre 2019 un décret modifiant le critère démographique pour le calcul de la clé de répartition des MNA sur le territoire, faisant désormais reposer la répartition sur un critère de population générale (population totale du département rapportée à la population totale de l'ensemble des départements concernés).
Auteur : M. Patrice Anato
Type de question : Question écrite
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 2 février 2021
Réponse publiée le 11 mai 2021