Question orale n° 35 :
Ascenseurs

15e Législature

Question de : Mme Clémentine Autain
Seine-Saint-Denis (11e circonscription) - La France insoumise

Mme Clémentine Autain interroge M. le ministre de la cohésion des territoires sur les pannes d'ascenseurs récurrentes que subissent les locataires des villes les plus en difficultés. Cette situation, qui dure depuis trop longtemps, a fait l'objet de plusieurs mobilisations citoyennes, notamment en Seine-Saint-Denis. À Sevran, dans le quartier des Beaudottes, à Bobigny ou à Bagnolet, des habitants sont restés jusqu'à plus de quatre mois sans ascenseurs dans des immeubles de plus de 10 étages. Cette situation est intolérable. Elle engendre de nombreuses difficultés quotidiennes et mène certains habitants à l'isolement total : les personnes à mobilité réduite sont littéralement assignées à résidence. Si les ascensoristes doivent assurer la maintenance de leurs équipements, c'est aux bailleurs qu'il revient de s'assurer du respect de cette obligation. Car chaque mois, les locataires paient leurs loyers et leurs charges, qui comprennent entre autres les frais d'entretien des ascenseurs. Cela représente des sommes très importantes, pour un service qui ne cesse de se dégrader. Les ascenseurs ne sont que l'un des symptômes d'un besoin urgent d'investissement et de rénovation du parc immobilier dans les quartiers populaires. Imaginerions-nous des pannes d'ascenseurs de plus de quatre mois dans des logements des Hauts-de-Seine ? Les locataires des villes populaires ne sont pas des citoyens de seconde zone. Ils ont droit à un environnement et à un habitat digne. Elle lui demande quels sont les moyens mis en œuvre pour assurer un quotidien et un habitat décents aux locataires des villes populaires.

Réponse en séance, et publiée le 20 décembre 2017

PANNES D'ASCENSEURS DANS LES IMMEUBLES EN SEINE-SAINT-DENIS
M. le président. La parole est à Mme Clémentine Autain, pour exposer sa question, n°  35, relative aux pannes d'ascenseurs dans les immeubles en Seine-Saint-Denis.

Mme Clémentine Autain. Ma question s'adresse au ministre de la cohésion des territoires. Elle porte sur les pannes récurrentes d'ascenseurs que déplorent les locataires d'immeubles collectifs dans les villes les plus en difficulté. Cette situation, qui dure depuis très longtemps, a fait l'objet de plusieurs mobilisations citoyennes, notamment en Seine-Saint-Denis – et pour cause : dans le quartier des Beaudottes à Sevran, à Bagnolet ou encore à Bobigny, certains habitants sont restés durant plus de quatre mois sans ascenseurs dans des immeubles de plus de dix étages. Imaginez-vous les conditions de vie effroyables, intolérables, que cela représente ?

Ces pannes engendrent de nombreuses difficultés quotidiennes et mènent certains habitants à l'isolement total. Les personnes à mobilité réduite ne peuvent tout simplement pas sortir de chez elles. Les bailleurs sociaux sont en cause : ce sont eux qui doivent s'assurer du bon fonctionnement des ascenseurs, même si la maintenance des équipements est du ressort des ascensoristes privés – quel imbroglio ! Bien que les habitants paient leurs charges, d'ailleurs de plus en plus lourdes – et avec la réforme des aides personnelles au logement, cela ne va pas s'améliorer –, la situation ne cesse de se dégrader.

Ce problème n'est qu'un symptôme parmi d'autres du sentiment, qui correspond à une réalité, que lorsqu'on habite dans un territoire très populaire, on est traité comme un citoyen de seconde zone. Beaucoup d'habitants me disent : « Serait-il imaginable que, dans les Hauts-de-Seine, à Neuilly par exemple, les ascenseurs desservant les immeubles très hauts ne fonctionnent pas durant plusieurs mois ? ». De fait, je n'ai jamais eu écho d'une situation de ce type !

Monsieur le secrétaire d'État, ma question est simple : allez-vous enfin vous occuper de ce problème ? Quelle réponse concrète comptez-vous apporter à ces habitants, afin qu'ils puissent vivre dans un habitat digne de notre République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la députée, M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires, m'a transmis sa réponse, que je vais vous lire avec la plus grande fidélité possible.

Vous appelez l'attention du Gouvernement sur les problèmes rencontrés par les locataires – en l'occurrence, les locataires de Seine-Saint-Denis, mais j'ai bien compris que votre préoccupation embrasse tous les locataires, au-delà même de ce département – en raison des dysfonctionnements récurrents des ascenseurs dans certains grands ensembles immobiliers.

La loi du 2 juillet 2003 dite « urbanisme et habitat » a posé le cadre du renforcement de la sécurisation des ascenseurs. Les principales obligations réglementaires incombant aux copropriétaires sont en particulier de passer un contrat d'entretien, de réaliser un contrôle technique quinquennal de l'appareil et de réaliser, dans un délai de quinze ans, des travaux de mise en sécurité sur les ascenseurs installés avant le 24 août 2000. Le décret du 9 septembre 2004 relatif à la sécurité des ascenseurs a institué l'obligation de mettre en place dix-sept types de dispositifs de sécurité sur les ascenseurs installés avant le 27 août 2000. Les travaux de mise en sécurité ont été répartis en trois tranches se terminant respectivement en 2008, 2013 et 2018, afin de répartir les charges financières pour les propriétaires.

Dans le cadre d'un bail d'habitation soumis à la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, le bailleur – vous l'avez dit – doit répondre d'un certain nombre d'obligations vis-à-vis du locataire. Aux termes de l'article 6 de cette loi, le bailleur doit fournir au locataire un logement en « bon état d'usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement ». Il doit également permettre au locataire de profiter pleinement et paisiblement de son logement « et le garantir des vices ou des défauts de nature à y faire obstacle ». Enfin, le bailleur a l'obligation « d'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et d'y faire les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux loués ». Cette obligation d'entretien implique que le bailleur fasse les travaux qui s'imposent afin que le logement soit utilisable conformément à la destination pour laquelle il a été loué et qu'il le reste intégralement durant l'exécution du bail.

À l'occasion de contentieux, l'étendue de cette obligation a fait l'objet de précisions jurisprudentielles afin de mieux cerner la nature et l'étendue des travaux à la charge du bailleur. Ainsi, l'obligation du bailleur ne se limite pas seulement aux éléments principaux du local loué, mais aussi au fonctionnement des équipements annexes. Selon la Cour de cassation, ceux-ci – y compris les ascenseurs – doivent aussi être garantis par le bailleur. Par conséquent, si le bailleur – social ou non – ne respecte pas son obligation d'entretien, le locataire est en droit d'obtenir, à l'amiable ou judiciairement, que des mesures de réfection, des réparations ou toutes autres mesures techniques soient entreprises.

Telle est, madame la députée, la réponse que donne le ministre Jacques Mézard à votre question.

M. le président. La parole est à Mme Clémentine Autain.

Mme Clémentine Autain. Cette réponse appelle plusieurs remarques de ma part. Vous nous renvoyez vers les bailleurs sociaux, à qui incombe l'obligation d'entretien de ces équipements. Mais je vous ferai remarquer que vous avez adopté des mesures diminuant drastiquement leurs moyens : or on sait bien que les bailleurs des territoires les plus en difficulté manquent déjà de moyens pour faire face aux besoins de rénovation.

Un deuxième problème se pose, lié à la maintenance et aux pièces. Je pense que la puissance publique devrait aller mettre son nez dans l'économie de ces ascenseurs. Peut-être cela pourrait-il faire l'objet d'une commission d'enquête parlementaire ? Je peux vous dire, en tout état de cause, que j'ai bien l'intention de continuer cette bataille. Il ne suffit pas d'en appeler à la loi, puisque dans les faits elle ne s'applique pas, et que les habitants souffrent de délais de réparation anormaux.

J'ai été alertée ce week-end par des habitants de la maison de retraite publique Les Glycines de Sevran, dont l'ascenseur est en panne depuis plusieurs semaines. C'est une situation insupportable ! Nous devons y faire face. Je vous interpellerai à nouveau sur ce sujet. Vous avez dit que la dernière tranche des travaux de mise en sécurité prendrait fin en 2018 : je n'oublie pas cette date. J'ai bien peur que les habitants doivent attendre encore : je resterai vigilante.

Données clés

Auteur : Mme Clémentine Autain

Type de question : Question orale

Rubrique : Logement

Ministère interrogé : Cohésion des territoires

Ministère répondant : Cohésion des territoires

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 décembre 2017

partager