Combien de coulées de boue pour que Mme la ministre réagisse ?
Question de :
M. François Ruffin
Somme (1re circonscription) - La France insoumise
M. François Ruffin interpelle Mme la ministre de la transition écologique : combien de coulées de boue pour qu'elle réagisse ? Se tenait le 1er février 2021, à la préfecture d'Amiens, une réunion sur les « risques d'inondation et d'érosion », après les coulées de boue, en 2020, dans les villages de Bussus-Bussuel, Vauchelles, L'Étoile, Bouchon, etc. Et, alors que M. le député l'avait réclamé, il a regretté l'absence de son ministère autour de la table, il a regretté l'absence du ministère de l'agriculture, l'absence d'un membre de ses cabinets. Pourquoi ? Parce qu'il ne s'agit pas là d'un phénomène local, mais national : ce sont dix tonnes de terre par hectare et par an qui glissent, qui coulent, vers les villages parfois, mais le plus souvent vers les rivières. Et comme réponse, comme solution, des petits aménagements ne peuvent suffire. Quelle agriculture promeut-on, quel type d'environnement ? Quelle place pour le labour, pour les haies, pour les pâtures ? « Malheureusement, déclarait-elle cet automne après les inondations dans le Gard, on sait qu'avec le changement climatique ces épisodes risquent d'être de plus en plus fréquents et de plus en plus violents et donc face à cela il faut qu'on se prépare pour que nos territoires sachent mieux résister ». « Il faut qu'on se prépare », mais quelle est la place de l'État, là-dedans ? Aux abonnés absents. Le constat partagé, hier, dans la Somme, était accablant : sur cent cinquante aménagements programmés, il y a dix ans, seuls trois ont abouti, et encore, avec une extrême lenteur. Tous les acteurs témoignent d'une multitude de, M. le député les cite, « petites actions », « au coup par coup », avec du « morcellement », toujours « ponctuelles ». C'est-à-dire que les communes font des choses, les communautés de communes au-dessus, les agences de l'eau, les chambres d'agriculture parfois, les conseils départementaux, mais tout cela de façon désordonnée, parcellaire, sans pilote. Il y a besoin d'un pilote dans la transition. Et ce pilote ne pourra être que l'État. L'État qui, par les temps qui courent, se montre si puissant pour fermer les restaurants, pour mettre en distanciel les étudiants, pour imposer aux citoyens le confinement, et qui là, sur ce dossier, ne montre aucune volonté, qui laisse les multiples acteurs, le mille-feuille administratif, se débrouiller. M. le député le lui proposait, à l'automne 2020, lors du budget : la Wallonie a mis en place un « plan haies », avec quatre mille kilomètres d'arbustes à replanter dans les champs. Sans en faire une solution miracle, pourquoi pas la France ? Qu'en dit Mme la ministre ? Faute d'un engagement de l'État, pour fixer un cap, pour guider tous les acteurs dans une même direction, rien ne se fera. Plus immédiatement, plus concrètement : il y a quatre mois, en septembre 2020, il la questionnait sur « la nécessité de rendre obligatoire l'item 4 de la compétence GEMAPI pour les communautés de communes ». C'est une demande qui, elle le sait, émane régulièrement des maires. En gros, pour les non-initiés : que les communautés de communes soient chargées de prévenir les coulées de boue, comme elles le sont déjà pour les inondations, afin de coordonner les efforts d'un territoire, de dégager des ressources supplémentaires pour affronter ce danger. Depuis quatre mois, donc, elle réfléchit aux tenants et aux aboutissants de cette proposition ? Quatre mois que ses juristes, géologues et experts divers réfléchissent ? Ou bien quatre mois que juste le dossier sommeille ? Il a prévenu, ce lundi 1er février 2021, en préfecture. En 2020, alors que les villages étaient envahis par la boue, on a maudit la pluie et des cieux peu cléments. Mais si la même chose se reproduit, aux mêmes endroits, à Bussus-Bussuel, Buigny-l'Abbé, Cocquerel, Yaucourt-Bussus, Vauchelles-lès-Quesnoy, L'Étoile ou Bouchon, si, entre temps, rien n'a changé, rien n'a été fait, si son ministère n'a pas montré le bout de son nez, la catastrophe ne sera plus naturelle. Elle aura des responsables, qui n'agissent pas, qui laissent faire. Il souhaite connaître son avis sur le sujet.
Réponse publiée le 30 novembre 2021
Dans les Hauts-de-France, les services du ministère de la transition écologique ont engagé depuis plus de deux ans des actions concrètes pour mieux connaître les origines des phénomènes de ruissellement, y compris les coulées de boue qui leur sont parfois associés, et pour développer une politique régionale de prévention des inondations par ruissellement. Ainsi, dans le cadre de la stratégie régionale Hauts-de-France sur les risques naturels, le CEREMA (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement) a réalisé en 2020 une analyse visant à disposer d'une connaissance exhaustive de la sensibilité des territoires de la région à l'aléa de ruissellement. Les résultats des travaux seront diffusés d'ici la fin de l'année 2021. Par ailleurs, à l'occasion du deuxième cycle de la directive Inondation, la révision des plans de gestion des risques d'inondation (PGRI) Artois-Picardie et Seine-Normandie promeut une approche intégrée, et coordonnée entre les acteurs, à l'échelle du bassin versant des risques de ruissellement. Il s'agit notamment de : mieux articuler les réponses en termes d'hydraulique douce et d'hydraulique structurante ; mobiliser efficacement les acteurs agricoles, tant sur la maîtrise du foncier que sur l'évolution des pratiques agricoles aux endroits opportuns ; mobiliser plus largement les financeurs. En outre, de nombreux plans de prévention des risques d'inondation intègrent d'ores et déjà l'aléa de ruissellement. Au-delà de cette action régalienne, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) Hauts-de-France veille à l'accompagnement des collectivités pour la prise en compte des ruissellements dans les programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI). Afin de faciliter le portage et la réalisation des projets ainsi labellisés et éligibles aux subventions du fonds de prévention des risques naturels majeurs (« fonds Barnier »), un travail d'accompagnement méthodologique concernant leur ingénierie et leur gouvernance est en cours par l'agence de l'eau Artois Picardie. Sur le volet agricole, les acteurs se mobilisent pour proposer des actions à l'échelle du territoire. Ainsi, la chambre d'agriculture des Hauts-de-France accompagne les exploitants et les collectivités face aux risques d'érosion hydrique des sols et un guide (à la rédaction duquel ont participé les chambres d'agriculture départementales et les conseils départementaux de la région des Hauts-de-France ainsi que l'agence de l'eau Artois-Picardie) sur la lutte contre le ruissellement et l'érosion des terres agricoles a été publié dès 2018. La préfète de la Somme a par ailleurs sollicité la présidente de la chambre d'agriculture de ce département pour développer des actions de prévention et en faire la promotion sur les territoires. Concernant l'exercice de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI), et plus précisément de la défense contre les inondations, les collectivités compétentes peuvent engager toute démarche qu'elles jugent nécessaires afin de prévenir les inondations par ruissellement, susceptibles entre autres d'emporter sur leur passage des sédiments fins et d'aggraver les dégâts potentiels à l'aval. Par ailleurs, bien que la compétence GEMAPI n'inclut pas l'item 4° « Maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement ou la lutte contre l'érosion des sols » de l'article L. 211-7 du code de l'environnement, le code n'exclut pas la possibilité pour les collectivités « gemapiennes » de se saisir de cet item 4° et donc de porter des approches pertinentes à leur échelle sur l'érosion des sols, consécutive ou concomitante à des phénomènes de ruissellement. Enfin, pour améliorer l'accès aux financements possibles, la DREAL Hauts-de-France met à disposition des collectivités toute l'information utile sur les dispositifs financiers mobilisables, notamment les financements gérés par l'État, les fonds européens que gèrent les agences de l'eau, les financements dans le cadre de la politique agricole commune via les mesures agri-environnementales et climatiques (MAEC) et les financements dans le cadre du plan de relance Hauts-de-France (volet « implantation de haies »).
Auteur : M. François Ruffin
Type de question : Question écrite
Rubrique : Catastrophes naturelles
Ministère interrogé : Transition écologique
Ministère répondant : Transition écologique
Dates :
Question publiée le 9 février 2021
Réponse publiée le 30 novembre 2021