Question au Gouvernement n° 3618 :
Instruction en famille

15e Législature

Question de : M. Grégory Labille
Somme (5e circonscription) - UDI et Indépendants

Question posée en séance, et publiée le 16 décembre 2020


INSTRUCTION EN FAMILLE

M. le président. La parole est à M. Grégory Labille.

M. Grégory Labille. Lors de son discours aux Mureaux, le 2 octobre, le Président de la République annonçait que l'instruction à l'école serait rendue obligatoire pour tous, dès 3 ans, au motif que, chaque mois, des enfants dits hors système seraient découverts dans des écoles clandestines ou, pire encore, instruits à la maison par des parents nourrissant des projets séparatistes.

De nature curieuse, je me suis demandé quel était réellement le visage des 50 000 terroristes en herbe instruits à domicile chaque année. Le 9 décembre, j'ai donc organisé une visioconférence à laquelle plus de quatre-vingts enfants instruits en famille m'ont exposé leur quotidien.

Eh bien, monsieur le Premier ministre, mon avis est sans appel : vous avez bien raison de supprimer l'instruction en famille. Quelle ne fut pas ma terreur lorsqu'Anouk, 16 ans, sourit à la caméra en expliquant que l'instruction en famille – IF – lui permettait de faire plus de vingt heures de musique par semaine ! Comment ne pas être transi d'effroi à l'écoute du témoignage du petit Julien, qui me narra son quotidien en IF, partagé entre les lectures et son association pour la protection de l'environnement ?

Si les conséquences n'étaient pas si fâcheuses, je rirais de l'amalgame fait par le Président de la République entre les familles instruisant leur enfant à domicile et les enfants hors système. Mais, à travers l'article 21 du projet de loi confortant le respect des principes de la République, vous vous apprêtez à supprimer cette liberté fondamentale qu'ont les parents de choisir l'instruction pour leur enfant, et à la remplacer par un régime d'autorisation.

Monsieur le Premier ministre, l'article 21 pose problème. Juridiquement intenable, il bouleversera la vie de nombreuses familles sans pour autant résoudre le problème des enfants hors système. Depuis quand la liberté s'accorde-t-elle ? Comment entendez-vous défendre ce régime d'autorisation, qui soulève pourtant, aux termes de l'avis rendu le 8 décembre par le Conseil d'État, de délicates questions de conformité à la Constitution ?

Cet article ne réglera en rien le cas des enfants hors système, dénoncé par le Président de la République, car les familles en IF doivent se déclarer et sont contrôlées chaque année. Les rapports d'inspection sont souvent élogieux, et l'arsenal législatif existant, notamment avec la loi dite Gatel, visant à simplifier et mieux encadrer le régime d'ouverture et de contrôle des établissements privés hors contrat, et la loi pour l'école de la confiance, permet déjà de sanctionner pénalement les parents défaillants.

Au nom du groupe UDI et Indépendants, je vous le demande donc : pourquoi souhaitez-vous supprimer la liberté d'instruire en famille et la soumettre à un régime d'autorisation… ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

M. le président. Merci, cher collègue. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Mon propos devrait être de nature à vous rassurer (Exclamations sur les bancs du groupe LR) : en effet, en vous écoutant, je ne reconnaissais rien du projet de loi dont je vais donc maintenant vous donner la nature.

Je tiens d'abord à vous rassurer sur le cas de la jeune fille à la pratique artistique intensive : c'est justement l'une des exceptions prévues, depuis le début, par le texte, car nous ne cherchons évidemment pas à empêcher l'instruction en famille dans certains cas particuliers justifiés.

En revanche, vous auriez tort de minimiser le phénomène auquel nous voulons mettre fin, et qui est loin, comme on pourrait le penser en vous écoutant, d'être inexistant. Savez-vous que, lorsque nous démantelons des structures clandestines, la moitié des élèves sont déclarés comme étant instruits en famille ? Et encore, cela fait à peine deux ans que nous nous sommes dotés des lois que vous avez rappelées. Il existe donc un phénomène important…

Un député du groupe LR . Faites votre boulot !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . …et je suis un peu surpris que, sur les mêmes bancs où l'on nous accuse de mollesse en la matière, on fasse semblant de ne pas voir le problème ! Car il est évident qu'il y a un problème.

Il ne s'agit pas d'empêcher l'instruction en famille pour celles qui le font bien. Comme je le disais la semaine dernière, le projet de loi est un texte d'équilibre, qui prévoit des exceptions, notamment pour les pratiques sportives et artistiques intensives, et les projets pédagogiques particuliers. Il permet, surtout, de passer d'un système de vérification a posteriori, pas toujours mené uniformément, à un régime d'autorisation préalable. Cela nous permettra d'être certains que les enfants sont effectivement instruits à domicile, et non pas dans des structures intégristes, dangereuses non seulement pour la République, mais aussi pour les droits de l'enfant. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

Données clés

Auteur : M. Grégory Labille

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Enseignement

Ministère interrogé : Éducation nationale, jeunesse et sports

Ministère répondant : Éducation nationale, jeunesse et sports

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 décembre 2020

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