Lutte contre les guet-apens homophobes
Question de :
M. Raphaël Gérard
Charente-Maritime (4e circonscription) - La République en Marche
M. Raphaël Gérard attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le développement d'une délinquance nouvelle consistant à piéger des victimes à partir de sites ou d'applications de rencontres fréquentées par des hommes ayant des relations avec des hommes en vue de commettre des violences homophobes. Plusieurs exemples ont émaillé l'actualité au cours de ces dernières années, à l'instar des agressions homophobes commises à Pontoise en mai 2015, en Guadeloupe en juin 2015, à Bigorre en novembre 2017, à Nîmes en septembre 2018, à Rouen en octobre 2018, à Drancy en mars 2019, à Bastia en juin 2020, à Talence en juillet 2020, à Avion en novembre 2020, ou encore, à Saint-Chamond en décembre 2020. Si les dispositions relatives au guet-apens prévues à l'article 132-71-1 du code pénal permettent de sanctionner ce type de comportements, la motivation homophobe de ces agressions n'est pas toujours retenue au cours des enquêtes. Dans ce contexte, il l'interroge sur la portée du droit positif dans la lutte contre ces phénomènes de haine et lui demande de lui communiquer des éléments chiffrés permettant d'évaluer l'efficience de la réponse pénale.
Réponse publiée le 21 septembre 2021
Comme le rappelle la récente circulaire du garde des Sceaux en date du 17 mai 2021 relative à la lutte contre les infractions commises à raison de l'orientation sexuelle, l'ensemble des comportements à dimension homophobe est appréhendé par des infractions existantes, qu'il s'agisse de violences volontaires pour réprimer les agressions violentes commises avec un mobile haineux ou des infractions de presse prévues par la loi du 29 juillet 1881 pour réprimer les propos haineux, les abus de faiblesse ou le délit de pratique illégale de la médecine pour réprimer les pratiques assimilables à des « thérapies de conversion ». Il est ainsi important de souligner que la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et la citoyenneté a modifié les articles 132-76 et 132-77 du code pénal, qui définissaient la circonstance aggravante de racisme et d'homophobie applicable à certaines infractions prévues par la loi, afin de : - généraliser ces circonstances aggravantes à l'ensemble des crimes ou des délits punis d'une peine d'emprisonnement, - prévoir une circonstance aggravante générale nouvelle de sexisme lorsque le crime ou le délit « est précédé, accompagné ou suivi de propos, écrits, images, objets ou actes de toute nature qui soit portent atteinte à l'honneur ou à la considération de la victime ou d'un groupe de personnes dont fait partie la victime à raison de son sexe, son orientation sexuelle ou identité de genre vraie ou supposée, soit établissent que les faits ont été commis contre la victime pour l'une de ces raisons ». Tout comportement s'apparentant à un guet-apens spécifiquement commis à l'encontre de personnes homosexuelles est donc appréhendé par le droit pénal positif, la circonstance aggravante liée à l'orientation sexuelle de la victime étant toujours susceptible d'être retenue, dès lors que les faits sont punis d'une peine d'emprisonnement. Par ailleurs, depuis plusieurs années déjà, la lutte contre l'homophobie ainsi que contre toutes les formes de discriminations visant les personnes homosexuelles, transsexuelles ou LGBT est une priorité de politique pénale du ministère de la justice. A ce titre, des instructions de politique pénale sont régulièrement adressées aux procureurs généraux et procureurs de la République afin d'appeler leur attention sur la nécessité d'apporter une réponse ferme et rapide à ces agissements intolérables et contraires aux valeurs fondamentales de notre République. Ces derniers sont ainsi invités à privilégier la voie de comparution immédiate pour les faits de violences à caractère homophobe. La multiplication des agissements commis en raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre a en conséquence conduit le garde des Sceaux à diffuser la nouvelle circulaire du 17 mai 2021 évoquée ci-dessus pour inviter les procureurs à poursuivre le traitement diligent de ces procédures, ceci dans le cadre du Plan national d'actions pour l'égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+ 2020-2023 lancé par le Gouvernement le 14 octobre 2020. Il s'agit également d'appeler leur vigilance sur l'accueil réservé aux victimes, la révélation des faits, leur exacte qualification et les poursuites à engager à l'encontre de leurs auteurs. En tout état de cause, une attention particulière est attachée à la spécialisation des magistrats par le biais de la présence de magistrats référents en matière de discrimination dans tous les parquets et à la formation des enquêteurs aux spécificités de ce contentieux. Le ministère de la justice et le ministère de l'intérieur ont d'ailleurs conduit avec la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) une expérimentation visant à créer un réseau d'enquêteurs et de magistrats sensibilisés aux spécificités du traitement des crimes ou délits dits « de haine » sur le ressort du tribunal judiciaire de Marseille. Cette expérimentation a aujourd'hui été étendue sur tout le territoire. La formation des enquêteurs est en effet essentielle pour appréhender ces faits, y compris la circonstance aggravante liée à l'orientation sexuelle parfois difficile à caractériser. Enfin, les données statistiques révèlent que le dispositif légal est bien appréhendé par les juridictions, en ce qu'une hausse des condamnations pour des infractions aggravées par la circonstance « de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre » a été observée sur les deux dernières années. Alors qu'on dénombrait entre 160 et 230 infractions aggravées (injures et diffamations, atteintes aux personnes, aux biens, les provocations et les discriminations) condamnées chaque année entre 2014 et 2018, 320 condamnations sont intervenues en moyenne en 2019 et 2020. En matière d'atteintes aux personnes, entre 55 et 105 infractions ont été condamnées chaque année (entre 2014 et 2020).
Auteur : M. Raphaël Gérard
Type de question : Question écrite
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 9 février 2021
Réponse publiée le 21 septembre 2021