Question orale n° 361 :
La scolarisation dès trois ans

15e Législature

Question de : Mme Agnès Firmin Le Bodo
Seine-Maritime (7e circonscription) - UDI, Agir et Indépendants

Mme Agnès Firmin Le Bodo attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la scolarisation dès trois ans. Mme la députée a décidé de rendre désormais obligatoire l'instruction des enfants dès l'âge de trois ans, et ce, à partir de la rentrée 2019. Cette mesure vient reconnaître le rôle de l'école maternelle dans l'acquisition du langage et l'épanouissement de l'enfant. Ces années avant 6 ans sont décisives pour les apprentissages et la lutte contre les inégalités notamment langagières. Mme la députée approuve donc totalement cette mesure. D'ailleurs, au-delà, elle reste persuadée qu'une scolarisation dès l'âge de deux ans, avec des aménagements, est un atout pour les enfants. Il nous faudra y réfléchir. Néanmoins, elle note plusieurs points de vigilance. En effet, il faudra être attentif à certaines communes dans lesquelles les locaux ne sont pas adaptés à l'accueil d'un effectif supplémentaire, du matériel nouveau devra être acquis (notamment des lits pour les siestes de l'après-midi) et où des recrutements de personnel devront être effectués. Certaines communes sur lesquelles pèsent déjà de lourdes charges ne pourront les financer. Enfin, Mme la députée s'interroge sur les incidences de cette mesure sur le financement des écoles maternelles privées sous contrat d'association. En effet, la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l'État et les établissements d'enseignements privés dans son article 4 (modifié) précise que « Les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l'enseignement public ». Les communes devront-elles s'acquitter du forfait indexé sur les dépenses pour l'école publique si les écoles privées le leur demandent ? Le principe de parité amènera-t-il une nouvelle prise en charge des dépenses de fonctionnement des écoles maternelles sous contrat d'association ? Les premières déclarations de M. le ministre semblent l'exclure mais les maires doivent être rassurés rapidement sur ce point. L'instruction scolaire dès trois ans, de fait la scolarisation dès trois ans, si elle louable, souhaitable et même de mon point de vue nécessaire, ne doit pas entraîner des transferts de charge vers les communes déjà financièrement à la peine qui ne pourraient faire face à un surcroit de charge. Elle lui demande s'il peut rassurer les communes sur ces points.

Réponse en séance, et publiée le 6 juin 2018

SCOLARISATION À TROIS ANS
M. le président. La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour exposer sa question, n° 361, relative à la scolarisation à trois ans.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Monsieur le ministre, vous avez décidé de rendre désormais obligatoire l'instruction des enfants dès l'âge de trois ans, et ce, à partir de la rentrée 2019. Cette mesure reconnaît le rôle de l'école maternelle dans l'acquisition du langage et l'épanouissement de l'enfant. Ces années avant six ans sont décisives pour les apprentissages et la lutte contre les inégalités, notamment langagières. J'approuve donc totalement cette mesure. Au-delà, je reste persuadée qu'une scolarisation dès l'âge de deux ans, avec des aménagements, est un atout pour les enfants. Il nous faudra y réfléchir.

Néanmoins, il faut être vigilant sur plusieurs points. En effet, les locaux de certaines communes ne sont pas adaptés à l'accueil d'effectifs supplémentaires ; du matériel nouveau devra être acquis – je pense notamment à des lits pour les siestes de l'après-midi – et des recrutements de personnel devront parfois être effectués. Certaines communes, sur lesquelles pèsent déjà de lourdes charges, ne pourront les financer. Enfin, je m'interroge sur les incidences de cette mesure sur le financement des écoles maternelles privées sous contrat d'association. En effet, la loi n°  59-1557 du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l'État et les établissements d'enseignement privé dispose, en son article 4, que « Les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l'enseignement public ».

Les communes devront-elles s'acquitter du forfait indexé sur les dépenses pour l'école publique si les écoles privées le leur demandent ? Le principe de parité conduira-t-il à une nouvelle prise en charge des dépenses de fonctionnement des écoles maternelles sous contrat d'association ? Vos premières déclarations semblent l'exclure, mais les maires doivent être rapidement rassurés sur ce point.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale. Madame la députée Agnès Firmin Le Bodo, à l'occasion des assises de la maternelle, le Président de la République a annoncé l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire à trois ans à compter de la rentrée de 2019. Je vous remercie d'avoir souligné les vertus de ce choix. Cette décision, qui vient consacrer la place de l'école maternelle dans le système éducatif français, a une triple portée.

Elle a une portée historique, parce que l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire est inédit depuis 1882. Cette décision vient affirmer le caractère fondamental de la scolarité avant six ans et reconnaît l'importance des missions assurées par les personnels, professeurs des écoles et agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles – ATSEM –, qui accueillent les enfants à l'école maternelle. De nombreux pays dans le monde regardent cette décision, qui s'inscrit dans la réflexion internationale actuelle sur cette valorisation décisive de l'école maternelle.

Elle a une portée sociale, parce que les études scientifiques montrent que la stimulation cognitive précoce, entre zéro et cinq ans, favorise la réussite scolaire, le niveau d'études et l'insertion. La volonté du Gouvernement est donc d'agir au plus tôt, avec une attention constante aux élèves les plus fragiles dans les territoires les plus fragiles. Après le dédoublement des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire, cette décision traduit la volonté du Président de la République et du Gouvernement de faire de l'école le lieu de l'égalité réelle, celle qui lutte contre le déterminisme social, en assurant à chacun la maîtrise des savoirs fondamentaux : lire, écrire, compter, respecter autrui.

Elle a également une portée pédagogique, parce que l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire est l'occasion d'affirmer l'identité propre de la maternelle. Véritable école, elle doit être davantage tournée vers l'acquisition du langage et l'épanouissement de l'enfant.

Concernant les conséquences financières, les services de l'éducation nationale travaillent en lien étroit avec la direction générale des collectivités locales à la mise en œuvre concrète de l'abaissement à trois ans de la scolarité obligatoire, tant pour les municipalités que pour les services de l'éducation nationale.

Un large travail de consultation est sur le point de commencer avec toutes les associations représentatives d'élus. Plusieurs paramètres doivent être pris en compte, notamment les disparités territoriales. En effet, le taux de scolarisation à trois ans est très différent selon les zones géographiques, et parfois au sein d'un même département, et la part de l'enseignement du premier degré public et de l'enseignement privé varie également de manière très forte entre les régions.

La démographie sera également prise en compte, puisque la baisse continue des effectifs d'élèves dans le premier degré, confirmée par l'INSEE pour les prochaines années, offre aux collectivités et à l'État des marges de manœuvre pour assumer la suite.

Enfin, nous devrons également prendre en compte les conséquences juridiques et financières.

Le projet de loi abaissant l'âge de la scolarité obligatoire sera présenté au début de l'année 2019. Tous les impacts, juridiques comme financiers, seront évalués dans le cadre de ce texte, qui s'appuiera sur le double impératif du respect de l'article 72-2 de la Constitution – ce qui est de nature à rassurer les collectivités – et de l'intérêt des élèves, qui commande l'existence même de cette loi.

M. le président. La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre réponse. Je suis très sensible à votre volonté d'agir pour que l'école maternelle soit considérée à sa juste place et à sa juste mesure, au regard notamment du rôle social que peut avoir la scolarisation des enfants âgés de deux ou trois ans. Votre réponse peut rassurer les maires, mais nous attendrons patiemment janvier 2019 et le projet de loi que vous nous proposerez.

Données clés

Auteur : Mme Agnès Firmin Le Bodo

Type de question : Question orale

Rubrique : Enseignement maternel et primaire

Ministère interrogé : Éducation nationale

Ministère répondant : Éducation nationale

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 mai 2018

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