Interdiction du Phosmet dans les production agricoles de cerises
Question de : M. Frédéric Reiss (Grand Est - Les Républicains)
M. Frédéric Reiss interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation au sujet de l'interdiction du Phosmet dans les cultures agricoles. Depuis 2016, les pouvoirs publics ont interdit l'usage du diméthoate pour lutter contre la mouche asiatique ou Drosophilia suzukii dans les cultures arboricoles. Cela amène les professionnels à solliciter des autorisations dérogatoires pour utiliser des solutions phytosanitaires alternatives en attendant de pouvoir disposer d'un produit adapté moins nocif pour l'environnement et protégeant tout de même les cultures. Dans le même esprit, la filière arboricole a été informée d'une possible interdiction du Phosmet, produit qui ne figure pourtant pas dans les molécules les plus préoccupantes mentionnées par l'ANSES. Ce produit n'est pas non plus un perturbateur endocrinien et ne fait pas l'objet d'une procédure de substitution au regard du règlement européen n° 1107/2009. Ce produit représente aujourd'hui un atout primordial dans la protection des cultures de cerise. Cette filière représente 8 000 équivalents temps plein en France et contribue au maintien de nombreux vergers. Sachant que les professionnels de ce secteur se sont engagés dans une démarche de qualité avec un plus grand respect environnemental, des efforts sont faits : c'est notamment le cas à travers la recherche en matière de technique d'insectes stériles (TIS). Face aux enjeux économiques d'une telle mesure, M. le député souhaite connaître la position de M. le ministre sur l'interdiction brutale du Phosmet. Il souhaite aussi l' alerter sur l'opportunité d'accompagner la filière vers des procédés de production plus vertueux plutôt que l'interdiction de produits encore sans alternative.
Réponse publiée le 5 avril 2022
Le phosmet est un insecticide à large spectre de la famille des organophosphorés, à laquelle appartient également le diméthoate. L'approbation en tant que substance active phytopharmaceutique au titre du règlement européen (CE) n° 1107/2009 a été octroyée en 2007 pour une période de dix ans. L'expiration de l'approbation a été reportée à quatre reprises pour retards procéduraux indépendants de la volonté du demandeur. L'évaluation des risques a été menée et l'autorité européenne de sécurité des aliments a rendu ses conclusions en août 2020. Elles mettent en évidence plusieurs préoccupations critiques pour les usages représentatifs ayant fait l'objet de l'évaluation (traitement des citrus, fruits à pépins, pêches et nectarines, pommes de terre). Tout d'abord, les utilisations de phosmet conduisent à un dépassement des seuils d'exposition non alimentaire pour les opérateurs, les travailleurs, les personnes présentes et les riverains, pour tous les usages étudiés, y compris en cas de port d'équipements de protection individuelle pour les opérateurs et les travailleurs. Ensuite, le traitement par des produits phytopharmaceutiques à base de phosmet conduit à un dépassement de la dose journalière admissible (DJA) et de la dose de référence aiguë (ARfD) lors de l'exposition alimentaire du consommateur, pour tous les usages représentatifs. Enfin, sur les aspects environnementaux, un niveau de risque élevé a été identifié pour tous les usages évalués s'agissant des oiseaux et des mammifères (risque pour la reproduction), des arthropodes non cibles, des abeilles mellifères (risque aigu) et des invertébrés aquatiques (risque aigu et chronique). Ces conclusions ont conduit à considérer que le phosmet est une substance qui présente un niveau élevé de risques pour la santé et l'environnement et qui ne répond plus aux critères d'approbation du règlement (CE) n° 1107/2009. La Commission européenne a ainsi publié au Journal officiel de l'Union européenne du 25 janvier 2022 le règlement 2022/94 actant le non-renouvellement pour l'ensemble de l'Union européenne de la substance active phosmet. Ce règlement prévoit le retrait des autorisations de mise en marché au plus tard le 1er mai 2022 et un délai de grâce pour l'utilisation des produits contenant du phosmet au plus tard jusqu'au 1er novembre 2022. Le développement de méthodes et produits alternatifs est une condition essentielle pour réussir la transition vers une agriculture moins dépendante aux pesticides, en particulier aux plus préoccupants d'entre eux. S'agissant de la culture du colza, très impactée par la sortie du phosmet pour la lutte contre les ravageurs d'automne, un groupe de travail, réunissant l'ensemble des parties prenantes a été mis en place dès juin 2021 à l'initiative du ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Il a élaboré un plan d'action qui est en cours de déploiement et bénéficie d'une enveloppe de 2,5 millions d'euros de soutiens de l'État auxquels s'ajoutent des moyens déployés par la filière et par l'institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) afin de développer et de déployer des alternatives. En ce qui concerne la protection des vergers de cerisiers contre drosophilia suzukii, le ministère chargé de l'agriculture autorise depuis 2016, par dérogation, l'emploi de plusieurs produits phytopharmaceutiques de substitution, en attendant leur homologation par l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. Il contribue également, dans le cadre du programme national d'essais, au développement d'alternatives plus durables. Plus largement, la question des impasses phytosanitaires pour les productions de fruits et légumes fait l'objet d'un travail spécifique entre les organisations professionnelles et le ministère chargé de l'agriculture. Les moyens de recherche et développement pour ces filières sont d'ores et déjà renforcés en 2022 dans le cadre des financements du compte d'affectation spécial pour le développement agricole et rural (CASDAR) et la stratégie d'accélération « système agricoles durables et équipements agricoles contribuant à la transition écologique » du quatrième programme d'investissements d'avenir (PIA4) permettra de démultiplier l'effort de recherche en la matière.
Auteur : M. Frédéric Reiss (Grand Est - Les Républicains)
Type de question : Question écrite
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Dates :
Question publiée le 16 février 2021
Réponse publiée le 5 avril 2022