Création d'un serpent budgétaire pour les départements et les régions
Question de :
M. Jean-René Cazeneuve
Gers (1re circonscription) - La République en Marche
M. Jean-René Cazeneuve attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur la création d'un fonds collectif de garantie de ressources, dit « serpent budgétaire », pour les départements et les régions. Par l'ensemble des mesures consacrées dans trois grands textes budgétaires (loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 et loi n° 2020-1473 du 30 novembre 2020 de finances rectificative pour 2020), l'État a apporté un soutien sans précédent aux collectivités locales, de l'ordre de 7 milliards d'euros. Ce soutien exceptionnel remplit un objectif majeur : permettre aux collectivités de maintenir leurs investissements et ainsi de jouer leur rôle dans la relance. La crise actuelle a par ailleurs montré que la dynamique globale des recettes n'élimine pas la fragilité du mode de financement de certaines collectivités et la nécessité de maîtriser la sensibilité des ressources locales à la conjoncture économique. En cas de redémarrage rapide de l'économie, les collectivités locales pourraient connaître une nouvelle période de forte progression de leurs recettes qui doit être mise à profit pour améliorer leur résilience financière. Face à ce constat, il paraît important d'appréhender les ressources des collectivités globalement : une grande part d'entre elles est liée à la conjoncture et susceptible de connaître une alternance de phases de crises et du dynamisme du produit (les DMTO pour les départements, la taxe sur les certificats d'immatriculation pour les régions par exemple). Alternativement à une refonte d'ensemble de la fiscalité locale, un mécanisme d'encadrement pluriannuel des recettes fiscales des départements global et protecteur permettrait de résoudre ce problème. Celui-ci viendrait stabiliser l'évolution de leurs ressources dans une logique de mutualisation des risques et d'élargissement de la péréquation, afin de lisser les hausses et baisses de ressources. Les réserves ainsi constituées pourraient financer un mécanisme d'encadrement des baisses de recettes au bénéfice de l'ensemble des départements et des régions. Ainsi, il l'interroge sur les modalités de création d'un tel outil.
Réponse publiée le 11 janvier 2022
Certaines recettes des collectivités territoriales sont exposées à un risque de diminution en cas de crise économique. C'est par exemple le cas des recettes fiscales liées aux transactions immobilières (DMTO) ou à l'activité économique (CVAE), perçues par les conseils départementaux. Par ailleurs, un retournement de la conjoncture économique peut également se traduire par une progression des dépenses locales, notamment des dépenses sociales liées au financement du revenu de solidarité active (RSA) – entraînant potentiellement un « effet-ciseau » entre les recettes et les dépenses.Cette structure budgétaire pro-cyclique a pénalisé les départements lors de la crise financière de 2009-2010 : les DMTO avaient baissé de 26 % et les dépenses sociales au titre des allocations individuelles de solidarité (AIS) avaient augmenté de 6 %. En 2020, cet effet-ciseau a été moins prononcé : les DMTO n'ont baissé que de 2 % tandis que les dépenses de RSA ont augmenté de 7,5 %. La situation se rétablit d'ailleurs très nettement en 2021, et les perspectives sont bonnes pour 2022. S'agissant des départements, la loi prévoit déjà trois dispositifs permettant de lisser ces évolutions conjoncturelles. En premier lieu, un fonds national de péréquation des DMTO a été créé en loi de finances pour 2020. Un mécanisme de thésaurisation est adossé à ce fonds : le comité des finances locales (CFL) peut mettre en réserve tout ou partie du montant du fonds supérieur à 1,6 milliard d'euros. Le CFL a ainsi constitué une réserve de 120 millions d'euros (M€) en 2018, reprise en 2020, et de 58 M€ en 2021. En deuxième lieu, l'article 16 de la loi de finances pour 2020 attribue annuellement une fraction supplémentaire de TVA de 250 M€ au profit des départements. À compter de 2022, la dynamique sur cette fraction de TVA est mise en réserve dans un fonds de sauvegarde. Celui-ci sera mobilisé, dans les conditions prévues par un décret en Conseil d'État à paraître, pour soutenir les départements en situation de fragilité. En dernier lieu, le fonds de péréquation de la CVAE des départements, au-delà de sa mission péréquatrice, est mobilisé pour garantir à chaque département que le montant de sa CVAE ne soit pas inférieur de plus de 5 % à celui de l'année précédente. Aucun mécanisme de ce type n'est aujourd'hui prévu pour les ressources des régions, qui évoluent cependant de manière plus uniforme entre régions mais qui peuvent, dans leur ensemble, varier plus ou moins rapidement selon la conjoncture. Cette logique de sauvegarde pourrait donc être renforcée. D'une part, conformément à la demande de l'Assemblée des départements de France, le Gouvernement modifiera les instructions budgétaires et comptables applicables aux départements en 2022 pour leur permettre de constituer des provisions de DMTO les années où ces recettes augmenteront fortement, afin de les réinjecter dans leurs budgets quand celles-ci seront moins dynamiques. D'autre part, une réflexion pourra être amorcée dans le cadre de la prochaine loi de programmation des finances publiques, en lien avec les associations représentant les présidents de conseils départementaux et les présidents de conseils régionaux, pour moderniser et rendre plus efficace les mécanismes de sauvegarde déjà existants.
Auteur : M. Jean-René Cazeneuve
Type de question : Question écrite
Rubrique : Collectivités territoriales
Ministère interrogé : Économie, finances et relance
Ministère répondant : Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales
Dates :
Question publiée le 16 février 2021
Réponse publiée le 11 janvier 2022