15ème législature

Question N° 36320
de M. Dino Cinieri (Les Républicains - Loire )
Question écrite
Ministère interrogé > Transition écologique
Ministère attributaire > Transition écologique

Rubrique > déchets

Titre > Nouvelles réglementations sur les boues d'épuration urbaines

Question publiée au JO le : 16/02/2021 page : 1342
Réponse publiée au JO le : 02/03/2021 page : 1895

Texte de la question

M. Dino Cinieri appelle l'attention de Mme la ministre de la transition écologique sur les conséquences des futures réglementations en cours d'élaboration concernant les conditions de retour au sol des boues d'épuration urbaines. À titre d'exemple, les 10 000 tonnes de boues d'épuration produites chaque année par les 35 stations d'épuration de Roannais agglomération font l'objet d'une valorisation agricole dans le cadre du plan d'épandage pour 50 % et sous la forme de compost pour 50 %. De nombreux agriculteurs sont en demande de ces boues et composts de boues qui apportent au sol du carbone, de l'azote et du phosphore à des coûts infiniment plus faibles que les engrais chimiques ou minéraux. Or il semblerait que le projet de décret « relatif aux critères de qualité agronomique et d'innocuité selon les conditions d'usage pour les matières fertilisantes et les supports de culture » prévoit l'interdiction à compter du 1er juillet 2021 de tout épandage des boues urbaines non hygiénisées selon les critères de l'arrêté du 8 janvier 1998 ou ayant une siccité inférieure à 20 %. En outre, ce même projet de décret et celui relatif au « compostage des boues d'épuration et digestats de boues d'épuration avec des structurants » vont également imposer de très fortes contraintes sur la fabrication et la distribution des composts : limitation à 50 % de la part des structurants d'origine végétale, extension du programme d'analyses aux matières structurantes, interdiction de la distribution des composts mêmes conformes à la norme NFU 44095 via des organismes tiers (souvent des coopératives agricoles) et aux particuliers etc... Ces différentes dispositions vont entraîner d'importants surcoûts pour les services d'assainissement. En effet, il faudra équiper les stations d'épuration qui valorisent actuellement leurs boues sous forme liquide auprès des agriculteurs voisins pour qu'elles puissent déshydrater les boues produites, puis les transporter vers une unité de compostage. Les prestataires qui valorisent ces boues en compostage annoncent d'ores et déjà un surcoût de 451 % pour la seule fabrication des composts, hors transport. Ces surcoûts devront être répercutés sur les redevances d'assainissement payées par les usagers, ou alors conduire à revoir à la baisse les programmes d'investissements. Au-delà de cette question financière déjà difficile, les collectivités et prestataires de compostage seront dans l'incapacité de répondre à ces nouvelles exigences dans les délais prévus faute d'équipement et d'infrastructures immédiatement disponibles. En outre, l'entrée en vigueur des nouveaux seuils envisagés pour notamment le cuivre dès le 1er juillet 2021 va imposer de revoir dans les mêmes délais les conditions de déversement des eaux de plusieurs industriels du territoire ligérien, voire de les interdire. Partageant évidemment les objectifs de protection de l'environnement et de santé publique, il souhaite néanmoins savoir si la ministre va consulter les élus locaux et revoir les délais qui semblent difficilement tenables.

Texte de la réponse

L'article 86 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (loi AGEC) prévoit de réviser les référentiels réglementaires applicables à l'épandage des boues d'épuration urbaines et industrielles au plus tard le 1er juillet 2021. À compter de cette date, les boues ne respectant pas ces nouveaux référentiels, ne pourront plus être valorisées par épandage agricole. Le projet de décret relatif aux critères de qualité agronomique et d'innocuité selon les conditions d'usage pour les matières fertilisantes et les supports de culture, dit « socle commun », pris après consultation de l'Agence nationale sécurité sanitaire alimentaire nationale (ANSES), permettra de répondre à l'objectif fixé par cet article de la loi AGEC. Un premier projet de texte a été élaboré par le ministère en charge de l'agriculture en collaboration étroite avec les différentes directions du ministère en charge de l'environnement. Cette première version a soulevé des inquiétudes de la part des collectivités et des acteurs du recyclage agronomique des boues, notamment en ce qui concerne l'absence de délai d'entrée en vigueur des dispositions pour les boues urbaines et industrielles. Des solutions sont à l'étude pour répondre aux différentes alertes formulées par les parties prenantes lors des échanges menés par le ministère en charge de l'agriculture avec elles en fin d'année 2020. Le projet de décret a été soumis à l'ANSES pour recueillir son avis, en particulier sur les paramètres et seuils associés qu'il sera nécessaire de vérifier pour l'épandage des différentes matières fertilisantes, dont les boues. Le texte est donc encore susceptible d'évoluer suite aux retours de l'ANSES. L'étude d'impact financier du projet de décret est en cours d'élaboration. Confiée au Centre de recherche et développement pour les matières fertilisantes et la qualité des agrosystèmes (RITTMO), elle fait actuellement l'objet d'échanges bilatéraux entre ce dernier et les différents acteurs de la filière. Elle sera complétée sur la base de l'avis de l'ANSES à venir. Le ministère de la transition écologique sera vigilant à ce que les prescriptions proposées dans le projet de décret soient bien justifiées au regard du risque lié à la valorisation de matières fertilisantes d'origine résiduaire et de l'intérêt, notamment en terme d'économie circulaire, que cette valorisation représente. La révision des paramètres et seuils applicables à ces matières est néanmoins nécessaire au regard de l'évolution des connaissances sur les pollutions qu'elles sont susceptibles de véhiculer.