Question de : Mme Cécile Untermaier
Saône-et-Loire (4e circonscription) - Socialistes et apparentés

Mme Cécile Untermaier attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les dépôts de plainte dont l'efficacité est au cœur des préoccupations actuelles. Il résulte des chiffres clés de la justice 2020 publiés par le ministère que, en 2019, 64 % des affaires reçues ont été classées « non poursuivables », soit 3 % de plus qu'en 2018. Ce constat est sans doute un des éléments explicatifs du malaise grandissant des justiciables, lesquels dénoncent souvent une impuissance de la justice à les protéger et faire prospérer leur plainte. Ce ressenti a été fortement exprimé lors du drame provoquant le décès de trois gendarmes, survenu le 22 décembre 2020 dans le Puy-de-Dôme ; il est apparu que la victime avait auparavant déposé trois plaintes pour violences conjugales, lesquelles avaient été classées sans suite. Samuel Paty avait déposé plainte et reçu le soutien de sa hiérarchie, mais le drame est survenu. Il ne s'agit pas de jeter le doute sur le travail essentiel et complexe des forces de l'ordre et du parquet mais, présentement, de s'interroger sur le cheminement le plus efficient d'un dépôt de plainte avec les questions liées que sont l'information de la victime, la motivation (exprimée dans l'avis de classement sans suite) d'un classement sans suite... Les moyens de la justice, pour majorés qu'ils soient, posent les limites d'un tel dispositif et imposent une réflexion partagée. Elle le remercie en conséquence de bien vouloir lui faire savoir si des mesures seraient susceptibles d'être prises prochainement pour améliorer l'efficacité de ce dispositif ou si une étude est d'ores et déjà engagée sur ce sujet.

Réponse publiée le 13 avril 2021

La prise en compte de la place des victimes dans les procédures pénales fait l'objet d'une attention prioritaire du ministère de la justice. Toutes les personnes s'estimant victimes d'infractions pénales peuvent déposer plainte auprès d'un service d'enquête ou directement auprès du procureur de la République. En application de l'article 40-2 du code de procédure pénale, le procureur de la République doit aviser la victime des décisions de poursuites, d'alternatives aux poursuites, ou de classement qu'il prend. Dans cette dernière hypothèse, le procureur doit préciser à la victime les motifs juridiques qui justifient sa décision. Par ailleurs, celle-ci peut faire l'objet d'un recours devant le procureur général, aux termes de l'article 40-3 du code de procédure pénale. En outre, la politique pénale menée par le ministère de la justice encourage pleinement la prise en compte de la place de la victime, en particulier dans les contentieux sensibles touchant à des faits menaçant l'intégrité physique et psychique des personnes et rappelle les dispositifs de justice restaurative qui peuvent être proposés même lorsque les faits sont prescrits. En 2018 et 2019, sur environ 4,2 millions d'affaires traitées chaque année, environ 2,8 millions ne sont pas poursuivables, soit un taux stable de 68 %. Il convient de préciser qu'une affaire pénale est considérée comme non poursuivable lorsque l'enquête a démontré qu'il n'existe pas d'infraction, que celle-ci n'est pas suffisamment caractérisée pour être poursuivie devant une juridiction pénale, ou qu'un motif juridique empêche tout exercice de l'action publique (prescription, légitime défense etc.) ou bien enfin que l'auteur des faits n'a jamais été identifié. A ce titre, sur ces dernières années de référence, ce sont plus de 2 350 000 affaires en moyenne chaque année qui ont été classées sans suite faute d'élucidation, c'est-à-dire que l'auteur présumé des faits, réels ou supposés, n'a pas été identifié par les services de sécurité intérieure à l'issue de l'enquête. L'absence d'identification de l'auteur des faits a représenté 81 % des affaires pénales classées sans suite dites non poursuivables. En revanche, le taux de réponse pénale est stable autour de 87 % depuis plusieurs années. Ce chiffre indique que, lorsqu'un auteur est identifié et qu'il n'existe aucun obstacle juridique à l'exercice de l'action publique, 87 % des affaires reçues par les parquets (notamment suite à une plainte ou un signalement) reçoivent une décision en réponse de la part de l'autorité judiciaire, sous la forme d'une alternative aux poursuites pour les faits les moins graves, d'une poursuite devant les juridictions de jugement ou une ouverture d'information judiciaire pour les faits les plus graves. Enfin, par un souci constant de considération et d'accompagnement des victimes, un travail inter directionnel de réécriture des libellés informant les victimes du classement sans suite de l'affaire les concernant est envisagé afin de rendre les décisions plus explicites et transparentes par un contenu explicatif du choix des parquets enrichi et mieux adapté à ses destinataires. Par ailleurs afin d'éclairer davantage la prise de décision des parquets, ceux-ci ont massivement recours aux évaluations personnalisées des victimes de violence intrafamiliale (EVVI). Ces enquêtes réalisées par les associations d'aide aux victimes, permettent ainsi d'apprécier le niveau de danger, l'emprise, et d'adapter la réponse pénale, les outils de protection à mettre en place. Ces enquêtes ont augmenté de 121% en 2020. Nombreux parquets saisissent également les associations d'aide aux victimes dès le dépôt de plainte, y compris lorsqu'un classement intervient.

Données clés

Auteur : Mme Cécile Untermaier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 16 février 2021
Réponse publiée le 13 avril 2021

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