15ème législature

Question N° 36404
de M. Aurélien Taché (Non inscrit - Val-d'Oise )
Question écrite
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > ministères et secrétariats d'État

Titre > Transparence et contrôle du financement public des « think tanks »

Question publiée au JO le : 16/02/2021 page : 1278
Réponse publiée au JO le : 07/09/2021 page : 6634

Texte de la question

M. Aurélien Taché appelle l'attention de M. le Premier ministre sur le manque de contrôle et de transparence en matière d'attribution des financements des laboratoires d'idées ou think tanks. Le financement public des fondations et think tanks se fait chaque année au titre du programme 129 de la loi de finances intitulé « coordination du travail gouvernemental ». Plus connues sous le nom de « cagnotte de Matignon », ces aides sont le domaine réservé du Premier ministre. En effet, si la liste des organismes subventionnés est disponible dans les annexes budgétaires, l'attribution des montants reste discrétionnaire. Or la documentation administrative officielle est très claire : « les subventions regroupent les aides de toute nature accordées dans un but d'intérêt général ». Elles sont accordées aux associations dans les objectifs exclusifs de « réaliser une action ou un projet d'investissement, contribuer au développement d'activités, ou contribuer au financement global de son activité ». En réponse à une question de la députée Christine Pires Beaune (22 janvier 2019), les services de Matignon précisent que : « Le Premier ministre accorde ainsi des subventions aux fondations qui proposent des expertises ou des idées innovantes sur des sujets de politiques publiques françaises ou européennes. Ces subventions sont en particulier versées à des think tanks œuvrant à la promotion des droits de l'Homme, au développement de la citoyenneté et à l'animation du débat démocratique ». Or l'activité de certaines structures généreusement subventionnées ne semble pourtant pas remplir ces critères. En particulier, l'association « l'Aurore », qui se présente comme « un lieu de réflexion et de débat, ouvert à tous les citoyens engagés » a reçu en 2018, année de sa création, des aides publiques d'un montant de 30 000 euros, une somme étonnamment élevée pour un organisme tout juste créé ne pouvant justifier d'aucune production tangible ou d'un objectif d'intérêt général. Les représentants de l'association reconnaissent eux-mêmes que cette somme « a permis de couvrir les premiers frais de l'association, essentiellement de communication » ! L'activité et les projets de ce think tank ne se sont pas pour autant développés depuis : en 2020, seulement cinq (courtes) notes, dont une interview et deux commentaires de l'actualité signés par le président et le délégué général de l'association ont été publiés par « l'Aurore ». À titre de comparaison, la Fondation pour l'innovation politique (FONDAPOL) ou l'Institut français des relations internationales (IRIS), également publiquement subventionnées, produisent chaque année des dizaines de travaux et publications d'envergure associant de nombreux scientifiques et universitaires, des résultats par ailleurs facilement consultables dans le rapport d'activité qu'ils publient annuellement. Aussi, il lui demande quelles sont les solutions envisagées par le Gouvernement pour mieux contrôler, a priori comme a posteriori, les critères de subventionnement des laboratoires d'idées ou think tanks, et assurer une plus grande transparence dans les arbitrages entourant l'octroi de ces aides publiques.

Texte de la réponse

Chaque année, le Premier ministre accorde des subventions à des fondations ainsi qu'à des associations œuvrant dans le domaine de la défense des droits de l'homme, du développement de la citoyenneté et de l'animation du débat démocratique. Les crédits correspondants sont inscrits au programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » et font l'objet d'une publication dans le jaune budgétaire « Effort financier de l'État en faveur des associations ». Conformément au cadre de gestion défini par la circulaire interministérielle du 29 septembre 2015 relative à la déclinaison de la charte des engagements réciproques entre l'Etat, le mouvement associatif et les collectivités territoriales, l'attribution de ces subventions repose sur une procédure encadrée et transparente permettant de sélectionner les associations et fondations œuvrant dans les domaines d'intervention précités qui pourront obtenir un soutien financier au cours de l'année. Les demandes de subvention sont réceptionnées par la direction des services administratifs et financiers du Premier ministre, service gestionnaire, qui procède au contrôle de leur recevabilité conformément aux obligations légales et règlementaires et de leur cohérence au regard des domaines d'intervention financés par le cabinet du Premier ministre. A cet effet, les associations sont notamment invitées à préciser la forme et le contenu des actions susceptibles d'être subventionnées par la production des indicateurs quantitatifs et qualitatifs pertinents permettant de juger de l'impact des projets envisagés et de la bonne gestion de leur organisation. Un comité d'engagement présidé par le chef de cabinet du Premier ministre est ensuite chargé d'analyser et de sélectionner les associations et fondations qui peuvent prétendre à un appui financier en raison, soit des projets et actions envisagés, soit de l'intérêt avéré des travaux qu'elles ont engagés dans le domaine de la défense des droits de l'homme, du développement de la citoyenneté ou de l'animation du débat démocratique. Ces arbitrages rendus en concertation avec les pôles sectoriels concernés du cabinet tiennent compte de la situation de chaque association, de la qualité d'un projet, de son caractère novateur, de la complémentarité avec les politiques publiques menées par l'Etat ou encore de la contribution au débat public. Ainsi, chaque année, la liste des associations subventionnées est susceptible d'évoluer, dans le strict respect de l'enveloppe budgétaire allouée. A l'issue de cette phase de sélection, une décision individuelle d'attribution précisant le montant de la dotation accordée est notifiée à chaque association et fondation concernée. Indépendamment du montant du financement accordé, une convention annuelle d'objectifs détaillant notamment les engagements pris et les modalités précises du financement est conclue avec chaque partenaire afin de s'assurer du bon usage du financement qui sera versé.  Le contrôle de l'emploi des subventions accordées est ensuite assuré par un suivi administratif individualisé des projets financés, comportant notamment la transmission à l'administration de comptes rendus détaillés sur l'utilisation des financements alloués, dont le compte rendu financier exigé au titre de l'arrêté du 11 octobre 2006 pris en application de l'article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Ce document, qui retrace de façon fiable l'emploi des fonds alloués pour l'exécution des obligations fixées à la convention, comporte un compte rendu qualitatif et quantitatif des actions menées permettant au service gestionnaire de procéder aux contrôles et, le cas échéant, à l'évaluation de leur utilisation conformément à l'objet de la convention et aux objectifs définis.  En application de cette procédure d'attribution des subventions, l'association « L'Aurore » a fait une première demande de subvention d'un montant de 150 000 euros en décembre 2017. Comme pour toute association nouvellement créée, les comptes approuvés de l'exercice précédent et le compte rendu financier n'étaient pas exigibles. Après expertise des projets proposés, et avis favorable du comité d'engagement, une subvention de 30 000 euros lui a été notifiée le 11 mai 2018. La convention encadrant cette subvention a été élaborée avec les services, entre septembre et octobre 2018, et la subvention a été versée en octobre 2018. Le compte rendu financier de l'exercice concerné et la note explicative détaillée adressés au service gestionnaire ont permis d'attester que la subvention a été utilisée conformément à la convention conclue en 2018. L'association « l'Aurore » n'ayant pas déposé de nouvelle demande de subvention les années suivantes, elle n'a bénéficié d'aucun financement ultérieur de la part des services du Premier ministre.