Financement du revenu de solidarité active (RSA) à La Réunion
Question de :
M. Jean-Hugues Ratenon
Réunion (5e circonscription) - La France insoumise
M. Jean-Hugues Ratenon alerte M. le ministre de l'économie et des finances sur la part de budget allouée par les départements aux allocations individuelles de solidarité et plus particulièrement sur les disparités entre l'Hexagone et la Réunion. Selon les données de l'Assemblée des départements de France, datant de mai 2017, la part moyenne des allocations individuelles de solidarité (AIS) dans les dépenses de fonctionnement des départements est de 32 % sur le plan national contre 53 % pour le département de la Réunion où plus de 80 % de ces dépenses sont des allocations de RSA. Ce même rapport constate que les AIS ont augmenté de 30 % sur 6 ans dans l'Hexagone alors qu'elles ont progressé de 40 % à La Réunion. Cela n'est pas sans conséquence sur le reste à charge dont le montant par habitant dans le département de La Réunion est hors norme par rapport à la moyenne nationale. Aussi, il est de l'ordre de 150 euros par habitant à La Réunion, contre 50 euros pour l'Hexagone. Cette forte augmentation renforce son effet déstabilisateur sur l'équilibre du budget du conseil départemental. L'État a mis en place depuis plusieurs années différents fonds de solidarité et des fonds de soutien exceptionnels mais d'après les élus de La Réunion, la pérennité n'est pas acquise. Aussi, il lui demande s'il compte apporter une réponse définitive à cette situation qui doit relever de la solidarité nationale, donc de la responsabilité directe de l'État. Ainsi, deux scénarios peuvent-être envisagés : soit la recentralisation partielle qui consisterait en une compensation supplémentaire qui serait versée par l'État aux départements qui continueraient à verser les AIS pour le compte de l'État ; soit une recentralisation totale où l'État assumerait directement la charge financière des allocations individuelles de solidarité. Cette prise en charge par l'État du financement du RSA devrait être conditionnée par l'engagement des départements à renforcer l'accompagnement de ses bénéficiaires vers l'insertion et l'emploi. En tout état de cause, une correction préalable des déséquilibres existants s'impose si l'on ne veut pas pénaliser les ayants droit et la population en général, notamment les ultra-marins qui rencontrent de graves problèmes de chômage, de précarité et de pauvreté. Il le remercie de prendre en compte cette question transpartisane qui relève de l'intérêt général.
Réponse en séance, et publiée le 13 juin 2018
FINANCEMENT DU REVENU DE SOLIDARITÉ ACTIVE À LA RÉUNION
M. le président. La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour exposer sa question, n° 365, relative au financement du revenu de solidarité active à La Réunion.
M. Jean-Hugues Ratenon. Madame la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, selon les données de l'Assemblée des départements de France, la part moyenne des allocations individuelles de solidarité – AIS – dans les dépenses de fonctionnement des départements s'élève à 32 % au plan national contre 53 % pour le département de La Réunion, où le revenu de solidarité active – RSA – représente plus de 80 % de ces dépenses. Ce même rapport constate que les AIS ont augmenté de 30 % en six ans dans l'hexagone, alors qu'elles ont progressé de 40 % à La Réunion. Cela n'est pas sans conséquences sur le reste à charge, dont le montant par habitant dans notre département est hors norme par rapport à la moyenne nationale, puisqu'il atteint environ 150 euros par habitant contre 50 euros dans l'hexagone. Cette forte augmentation renforce son effet déstabilisateur sur l'équilibre du budget du conseil départemental.
L'État a mis en place depuis plusieurs années différents fonds de solidarité et des fonds de soutien exceptionnels, mais, d'après les élus de La Réunion, leur pérennité n'est pas acquise. Aussi, madame la secrétaire d'État, comptez-vous apporter une réponse définitive à cette situation, qui doit relever de la solidarité nationale, donc de la responsabilité directe de l'État ? Ainsi, deux scénarios peuvent être envisagés : soit la recentralisation partielle, qui consisterait en une compensation supplémentaire versée par l'État aux départements, ceux-ci continuant à allouer les AIS pour le compte de l'État ; soit une recentralisation totale dans laquelle l'État assumerait directement la charge financière des allocations individuelles de solidarité.
Cette prise en charge par l'État du financement du RSA devrait être conditionnée par l'engagement des départements à renforcer l'accompagnement de ses bénéficiaires vers l'insertion et l'emploi. En tout état de cause, une correction préalable des déséquilibres existants s'impose si nous ne voulons pas pénaliser les ayants droit et la population en général. Les Ultramarins rencontrent de graves problèmes de chômage, de précarité, de pauvreté, de santé et de bien-être. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de répondre précisément à ma question transpartisane, qui relève de l'intérêt général.
Mme Caroline Fiat. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le député, la question du financement et de la gestion des allocations individuelles de solidarité, notamment du revenu de solidarité active, demeure une préoccupation majeure du Gouvernement au vu des difficultés rencontrées par certains départements pour financer ces dépenses. L'État assure la compensation du RSA dans le respect des principes constitutionnels prévus pour accompagner les charges nouvelles résultant d'un transfert de compétence.
Afin de garantir le financement du revenu de solidarité active, la somme des deux fractions de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques attribuées au département de La Réunion, correspondant à un montant garanti pour la collectivité, s'établit aujourd'hui à environ 405 millions d'euros. La collectivité a également bénéficié de 24 millions au titre du fonds de mobilisation départementale pour l'insertion en 2017. En 2018, le département de La Réunion a reçu 30 millions d'euros au titre du dispositif de compensation péréquée, visant à compenser les charges induites par les revalorisations exceptionnelles du montant forfaitaire du RSA socle décidées depuis 2013. Le recours au relèvement du taux plafond des droits de mutation à titre onéreux, de 3,8 % à 4,5 %, lui a apporté des ressources supplémentaires à hauteur de 8 millions en 2016 et de 9 millions en 2017. Enfin, un fonds de solidarité en faveur des départements a été mis en œuvre, afin de réduire les inégalités constatées entre les départements en matière de reste à charge par habitant au titre des dépenses d'AIS. La Réunion a perçu, au titre de ce fonds, près de 7 millions d'euros en 2016 et 10 millions en 2017.
Comme vous l'avez mentionné, des préoccupations subsistent et des négociations sont en cours entre le Gouvernement et l'Assemblée des départements de France, au sujet de la création d'un fonds de stabilisation des « sur-restes à charge » à destination des départements les plus en difficulté. Ce fonds pourrait porter sur l'ensemble des trois AIS – le RSA, l'allocation personnalisée d'autonomie et la prestation de compensation du handicap. Il pourrait en outre être accompagné d'un renforcement de la péréquation horizontale, afin d'améliorer la solidarité en faveur des départements les moins favorisés.
M. le président. La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon.
M. Jean-Hugues Ratenon. J'entends bien, madame la secrétaire d'État, qu'il y a actuellement des négociations sur la création d'un fonds consacré au reste à charge et sur le renforcement de la péréquation dans le cadre de la solidarité nationale, mais certains départements connaissent une situation sociale hors norme. Ainsi à La Réunion, près de la moitié de la population – près de 400 000 habitants sur les 800 000 que compte l'île – vit au-dessous du seuil de pauvreté. Le taux de chômage est extrêmement élevé, la jeunesse se trouve en difficulté et le papy-boom a remplacé le baby-boom des années 1960 et 1970. Ce vieillissement accéléré de la population réunionnaise engendre de nombreux problèmes, notamment une impossibilité, pour les plus pauvres, d'accéder à des services comme ceux des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, sachant que du fait de la pauvreté et de la précarité, une partie de la population vieillit très mal et tombe rapidement, et parfois très jeune, en situation de dépendance.
À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles ! J'attends des réponses précises et souhaite que les négociations débouchent sur des solutions pour le bien-être des populations ultramarines.
Mme Caroline Fiat. Bravo !
Auteur : M. Jean-Hugues Ratenon
Type de question : Question orale
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Économie et finances
Ministère répondant : Économie et finances
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 juin 2018