15ème législature

Question N° 36662
de M. Sébastien Nadot (Non inscrit - Haute-Garonne )
Question écrite
Ministère interrogé > Armées
Ministère attributaire > Armées

Rubrique > politique extérieure

Titre > Interdiction d'exportations d'armes de fabrication française vers l'Éthiopie

Question publiée au JO le : 23/02/2021 page : 1572
Réponse publiée au JO le : 07/09/2021 page : 6651

Texte de la question

M. Sébastien Nadot alerte Mme la ministre des armées sur la légalité des exportations d'armes d'entreprises françaises en direction de l'Éthiopie compte tenu des affrontements ciblant certains groupes ethniques, assassinats, pillages massifs, viols, retours forcés de réfugiés et possibles crimes de guerre dans le conflit armé qui met aux prises le Front de libération du peuple du Tigray et l'armée fédérale d'Éthiopie. Afin de se mettre en conformité avec le traité sur le commerce des armes, de respecter les engagements internationaux et européens, il résulte de cette situation éthiopienne que la France n'a pas le droit de livrer de matériel d'armement à l'Éthiopie. Aussi, M. le député souhaiterait savoir si le contrat portant sur la vente de 18 hélicoptères militaires et d'avions cargos Airbus à l'Éthiopie, évoqué par la presse spécialisée en octobre 2020, a été signé, si plus largement la France a livré des armes ou équipements militaires à l'Ethiopie depuis janvier 2020, et si oui, lesquels et pour quel montant ? Enfin, il voudrait savoir où en est le projet de formation de la marine nationale éthiopienne, évoqué lors de la signature de l'accord de coopération de défense entre France et Ethiopie en 2019 et si la suspension des accords de coopération militaire entre la France et l'Ethiopie est effective au regard des derniers développements sécuritaires au Tigray.

Texte de la réponse

Au titre de l'article L. 2335-2 du code de la défense, la fabrication et le commerce des matériels de guerre sont soumis au principe général de prohibition et toute exportation d'équipement sensible requiert une autorisation du Premier ministre accordée après un examen interministériel rigoureux. Ce dernier est assuré par la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG), placée auprès du Premier ministre. Présidée par le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, la CIEEMG émet des avis obligatoires pour toute décision relative à une exportation de matériel de guerre et assimilé. La délivrance de ces autorisations repose sur un ensemble de considérations liées, au premier chef, au respect de nos engagements internationaux, concernant en particulier la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et la prévention de la dissémination des armements conventionnels, et des embargos sur les armes imposés par les organisations internationales, ainsi qu'aux enjeux de stabilité et de sécurité régionales ou internationales, à la protection de nos forces et de celles de nos alliés. Une analyse approfondie est conduite au cas par cas pour chaque demande de licence sur la base de critères renforcés qui tiennent notamment compte du respect du droit international humanitaire. Les risques sont débattus dans le cadre de la CIEEMG. Seules sont accordées les demandes relatives à la satisfaction des besoins légitimes des pays concernés et ne contrevenant pas aux engagements internationaux de la France, en particulier la Position commune 2008/944/PESC du 8 décembre 2008 modifiée et le Traité sur le commerce des armes, que la France a été parmi les premiers États à ratifier en 2014 et qui est entré en vigueur le 24 décembre 2014. Par ailleurs, les licences individuelles sont délivrées pour une durée de trois ans. Elles peuvent faire l'objet de demandes de prorogation mais peuvent également être suspendues, modifiées ou abrogées par l'autorité administrative. Les licences peuvent également être assorties de mesures de remédiation du risque de violation des droits de l'homme ou du droit international humanitaire, et de conditions visant à obtenir des engagements sur la destination finale des équipements vendus et, le cas échéant, leur intégration dans un système (preuve d'arrivée à destination, certificat d'utilisation finale), ainsi que sur l'absence de réexportation depuis l'État destinataire (certificat de non-réexportation). S'agissant de l'Ethiopie, le rapport annuel sur les exportations d'armement de la France, qui détaille en particulier sur plusieurs années les autorisations délivrées, les prises de commande ainsi que les principaux contrats et les livraisons effectuées, montre que les flux d'armement vers ce pays ne sont pas significatifs. Ainsi, pour l'année 2020, aucune livraison d'équipements militaires n'a eu lieu. En outre, si des discussions ont effectivement été conduites avec l'Ethiopie par Airbus Helicopters pour la vente d'hélicoptères légers (au nombre de 6 et non de 18), celles-ci n'ont pas débouché sur la signature d'un contrat. D'autres pays européens ont également des prospects en cours avec ce pays, portant sur des hélicoptères légers et des avions de transport tactique. De manière générale, le développement de la coopération de défense avec l'Ethiopie depuis 2019 a toujours été conduite de manière prudente et progressive, avec une attention particulière portée à l'évolution du pays sur le plan intérieur. Concernant le projet de formation de la marine éthiopienne, une lettre d'intention (document juridiquement non contraignant) a été signée en 2019 dans la perspective de la création de cette nouvelle armée. Dans ce cadre, des premiers travaux ont été lancés sur les thèmes du soutien organisationnel – visant à définir le cadre de cette future marine - et des premières formations des marins éthiopiens (en France et en Ethiopie). Ce soutien ne porte pas sur un appui dans le domaine capacitaire : il n'y a eu aucune exportation de bâtiments. Plus généralement, la marine éthiopienne est en cours de définition et ne dispose encore d'aucune capacité opérationnelle ni de base navale. Enfin, la France conduit des activités de coopération opérationnelle dans plusieurs domaines (ex : lutte contre les engins explosifs improvisés, search and rescue) ainsi qu'une coopération de défense relative à l'enseignement du français en milieu militaire. Toutes les actions de coopération opérationnelle ont été gelées durant la crise au Tigray. Certains projets se poursuivent (enseignement du français en milieu militaire) et d'autres seront réévalués à l'aune de l'évolution de la situation dans ce pays.