Mise en œuvre de la loi Egalim dans le secteur de la viande bovine
Question de :
M. Vincent Descoeur
Cantal (1re circonscription) - Les Républicains
M. Vincent Descoeur attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la situation des éleveurs de bovins de races à viande, dont le revenu a diminué de plus de 20 % en 2020 pour s'établir en moyenne à moins de 700 euros par mois en raison d'une baisse continue du prix payé aux producteurs alors que, malgré la crise sanitaire, le marché de la viande bovine se porte plutôt bien. Dans ce contexte, des éleveurs sont amenés à vendre à perte et les élevages bovins continuent de disparaître au rythme de 2 000 par an dans le pays, ce qui est dramatique pour le territoire, l'économie et la souveraineté alimentaire. Force est de constater que la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (dite « loi Egalim »), qui portait l'espoir d'une meilleure rémunération des producteurs, n'a pas tenu ses promesses dans le secteur de la viande bovine. Compte tenu de l'urgence économique, il est nécessaire aujourd'hui d'agir afin que les acteurs de la filière ne puissent plus acheter un produit agricole à un prix ne couvrant pas le coût de production du vendeur. C'est pourquoi il lui demande quelles mesures le Gouvernement entend mettre en œuvre pour que les orientations décidées dans le cadre de la loi Egalim s'appliquent au secteur de la viande bovine.
Réponse publiée le 25 mai 2021
Les prix payés aux producteurs, ainsi que les relations entre la production agricole, les industriels et les distributeurs sont une préoccupation constante du Gouvernement. Avec les états généraux de l'alimentation (EGA), puis la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi EGALIM, le Gouvernement a pris des mesures volontaristes pour aller plus loin face à l'enjeu de la répartition de la valeur entre ceux qui produisent, ceux qui transforment et ceux qui distribuent les produits agricoles. La filière bovine est confrontée depuis plusieurs mois à des difficultés liées à la baisse du prix de vente des broutards. La conjoncture n'a pas montré de reprise des cours, qui restent affaiblis par l'abondance de l'offre sur le marché des jeunes bovins dans toute l'Europe. La demande italienne conserve un niveau de volume important, mais avec des cotations affaiblies par la réorientation des débouchés des engraisseurs vers des marchés moins rémunérateurs que la restauration hors domicile, qui fait l'objet de fermetures administratives. L'engraissement en France n'est pas en mesure à ce stade de constituer une possibilité de report à court et moyen terme. À la suite d'une table ronde avec l'ensemble des professionnels, mi-octobre à Lezoux (Puy-de-Dôme), le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a demandé l'établissement d'une feuille de route permettant des avancées concrètes sur le marché export des broutards vers l'Italie et une amélioration de la rémunération des producteurs. Cette feuille de route comprend cinq points : améliorer l'organisation de la filière, créer de la valeur, sécuriser l'export pays tiers et diversifier les destinations, faciliter l'export et utiliser la politique agricole commune (PAC) comme levier de progrès. Elle est issue d'un travail conjoint entre les professionnels et le ministère de l'agriculture. Les services du ministère de l'agriculture sont pleinement mobilisés dans sa mise en œuvre. De premiers résultats en sont déjà observables : notamment en ce qui concerne la sécurisation de l'export pays tiers et la diversification des destinations. Les questions de l'amélioration de son organisation et de la création de valeur font l'objet d'échanges et de travaux au sein de la filière. Concernant les aides de la PAC, le travail d'élaboration du plan stratégique national est en cours et prendra en compte les besoins de chaque filière. En complément, pour témoigner de la solidarité du Gouvernement envers la filière allaitante et venir en aide sans attendre aux éleveurs les plus en difficulté, le Premier ministre a annoncé le 6 mars la mobilisation d'une enveloppe qui pourra aller jusqu'à 60 millions d'euros (M€). Les modalités précises de cette aide exceptionnelle sont en cours d'élaboration, en concertation avec les représentants des parties prenantes, pour qu'elle puisse être versée avant l'été. Le Premier ministre a souligné que cette aide exceptionnelle était adossée à l'évolution de la filière (qualité, sécurisation de débouchés, contractualisation et adaptation au changement climatique). Cette aide doit en effet permettre à la filière, comme elle s'y est engagée au travers de son plan de filière et par la signature de la feuille de route de Lézoux, d'intensifier la structuration qu'elle conduit et aux éleveurs de s'emparer des outils à leur disposition, notamment dans le cadre du plan France Relance. De manière générale et malgré des différences entre filières, la déflation des prix d'achat en grandes et moyennes surfaces a été limitée depuis 2019 même si la crise sanitaire et économique qui a marqué l'année 2020 a fragilisé la filière alimentaire, notamment par une réduction très forte de certains débouchés (restauration hors domicile notamment). En outre, les interprofessions ont mené un important travail pour élaborer et diffuser des indicateurs de référence, même si ces indicateurs sont encore inégalement mobilisés en fonction des filières. Une première évaluation des dispositions expérimentales concernant le seuil de revente à perte et l'encadrement des promotions n'a pas permis d'aboutir à ce stade à des conclusions définitives. De nouvelles évaluations seront produites en octobre 2021 et octobre 2022. Elle montre néanmoins que ces dispositions n'ont pas augmenté les prix aux consommateurs, malgré les craintes initiales des associations de consommateurs. À l'occasion du cycle annuel de négociations commerciales 2021, la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'industrie et le ministre de l'agriculture et de l'alimentation ont appelé à la responsabilité et à l'engagement des distributeurs. Ainsi, lors du comité de suivi des relations commerciales du 24 mars 2021, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation et la ministre déléguée chargée de l'industrie ont pu constater que l'action du Gouvernement avait permis des avancées en matière de négociations commerciales, même si les hausses passées, en particulier en matière de produits à forte composante agricole, n'étaient pas au niveau nécessaire pour couvrir l'augmentation des cours de matières premières agricoles. Les contrôles de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes qui ont été intensifiés durant cette période de négociations commerciales, ont démontré que certaines dispositions de la loi n'étaient pas encore totalement appliquées, notamment celles relatives aux indicateurs des coûts de production. D'autres contrôles sont toujours en cours pour vérifier la caractérisation de prix anormalement bas, notamment dans la viande de porc. Par ailleurs, la saisine du médiateur des relations commerciales agricoles a été ouverte aux partenaires commerciaux de la chaîne alimentaire qui n'avaient pas réussi à s'accorder avant le 1er mars sur des conditions commerciales permettant au fournisseur de financer les hausses de coûts des matières premières ou de tenir ses engagements à l'égard de l'amont agricole sans fragiliser son équilibre économique. Les parties ayant saisi sans délai le médiateur des relations commerciales agricoles après le blocage des négociations ont pu poursuivre leurs discussions sous son égide et tenter de conclure un accord dans le délai d'un mois (éventuellement renouvelable une fois) sans encourir de sanction pour non-respect de la date butoir. Tous les leviers sont utilisés afin de répondre aux engagements des EGA qui ont été traduits dans la loi EGALIM. Enfin, les ministres ont confié à M. Serge Papin, ancien président directeur général du groupement système U, une mission visant à faire vivre l'esprit des EGA et à proposer des recommandations afin d'améliorer la mise en œuvre de la loi EGALIM. Le rapport a été rendu le 25 mars 2021 et ses recommandations seront présentées et discutées avec les représentants des secteurs pour faciliter ensuite leur mise en œuvre. Ces travaux, ainsi que ceux conduits par les parlementaires, ont abouti à une proposition de loi pour la protection du revenu des agriculteurs, déposée par le député Grégory Besson-Moreau, soutenue par le Gouvernement et qui sera débattue à l'assemblée nationale avant l'été.
Auteur : M. Vincent Descoeur
Type de question : Question écrite
Rubrique : Élevage
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Dates :
Question publiée le 2 mars 2021
Réponse publiée le 25 mai 2021