Prisons ouvertes
Question de :
M. Pierre Morel-À-L'Huissier
Lozère (1re circonscription) - UDI et Indépendants
M. Pierre Morel-À-L'Huissier interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le déploiement de prisons ouvertes en France. Ces dernières années, de nombreuses expérimentations ont eu lieu, en France et à l'étranger et pour lesquelles les résultats semblent satisfaisants. Pourtant, il semblerait que la France soit plus réticente à cette pratique, voire opposée. Alors que certains des établissements sont fortement critiqués et que les problématiques budgétaires sont récurrentes sur ce sujet, les prisons ouvertes apparaissent comme des solutions crédibles, avec un coût immobilier moins élevé et un fonctionnement beaucoup moins onéreux. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui faire un point complet sur les réflexions actuelles en matière d'incarcération en France, intégrant le concept même de prison ouverte.
Réponse publiée le 11 mai 2021
Les politiques visant à favoriser la réinsertion des détenus et à mieux lutter contre la récidive constituent une priorité pour le garde des Sceaux, ministre de la Justice. Si la prison est nécessaire afin d'assurer la sécurité publique, les conditions de détention doivent être dignes. Cela passe notamment par des actions visant à réduire la surpopulation carcérale afin de garantir le respect des droits fondamentaux des détenus et d'améliorer les conditions de travail des personnels pénitentiaires. Cela passe également par la diversification des établissements pénitentiaires permettant d'individualiser les prises en charge. Le centre de détention de Casabianda constitue le premier établissement sans mur d'enceinte. Il accueille des détenus condamnés à une peine d'emprisonnement supérieure à deux ans, principalement pour des infractions à caractère sexuel, qui présentent des aptitudes pour le travail agricole et sont volontaires pour rejoindre cet établissement. Cet établissement a pour vocation la responsabilisation des détenus et la préparation au retour à la vie civile à moyen ou long terme. La création récente des structures d'accompagnement vers la sortie (SAS) poursuit un objectif similaire. Il s'agit de quartiers rattachés à un centre pénitentiaire, visant à favoriser l'autonomisation des détenus et à les accompagner dans leurs démarches de réinsertion. Les intéressés bénéficient notamment des services d'une plateforme d'accès aux divers dispositifs de droit commun pilotée par le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP). Les SAS ont vocation à accueillir les personnes condamnées dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à deux ans, souvent écrouées en maison d'arrêt. Sur le plan immobilier, les quartiers SAS sont conçus pour s'insérer dans leur environnement, selon un programme générique élaboré par l'administration pénitentiaire en lien avec l'agence publique pour l'immobilier de la justice. Ils bénéficient d'une localisation urbaine ou périurbaine afin de faciliter l'accès à des partenariats nombreux et le maintien des liens familiaux, marquant ainsi le retour de la prison dans la ville. Dans le cadre du programme immobilier pénitentiaire de 15.000 nouvelles places de prison, les SAS ont vocation à remplacer des structures développées successivement au titre de la préparation à la sortie. Au 1er janvier 2021, 3 SAS réhabilitées ont d'ores-et-déjà été mises en service à Marseille, Bordeaux et Poitiers. Par ailleurs, 13 opérations de construction sont déjà engagées et les travaux ont débuté sur deux sites. Enfin, le ministère de la justice s'est engagé dans un programme expérimental de prisons totalement orientées sur le travail : les établissements InSERRE (innover par des structures expérimentales de responsabilisation et de réinsertion par l'emploi). Le programme immobilier pénitentiaire prévoit ainsi la construction pour 2025 et 2026 de trois établissements de ce type de 180 places chacun, centrés sur la réinsertion par le travail et la formation professionnelle. L'objectif est d'attirer des activités économiques à plus forte valeur ajoutée que celles existant actuellement en prison. Le caractère professionnalisant des postes proposés et l'obtention de formations professionnelles qualifiantes permettront à la personne détenue de valoriser l'expérience acquise pendant cette période auprès d'entreprises après sa sortie. Le caractère innovant du projet repose également sur la configuration immobilière et architecturale des établissements. Enfin, un régime de détention renouvelé permettra une responsabilisation des personnes détenues dans la gestion des tâches quotidiennes. L'engagement des acteurs locaux du territoire d'implantation est une condition essentielle de réussite du projet. Des entreprises locales, sensibles à l'enjeu de réinsertion des personnes détenues, pourront s'y engager, aux côtés d'opérateurs économiques nationaux, ainsi que des collectivités territoriales. Le projet est lauréat du fonds pour la transformation de l'action publique. A ces nouvelles structures s'ajoutent des régimes de détention innovants. S'inspirant notamment des « modulos de respecto » mis en place en Espagne, la direction de l'administration pénitentiaire a expérimenté des régimes de détention favorisant l'autonomisation et la responsabilisation des détenus par la création de quartiers dits de respect. Ceux-ci offrent aux détenus une plus grande autonomie et des conditions de détention assouplies en contrepartie d'un respect des règles de vie en détention. Ce régime prévoit également une prise en charge individuelle et collective renforcée, aussi bien par les personnels pénitentiaires que par les partenaires associatifs et institutionnels. Les personnes y sont admises après une évaluation pluridisciplinaire prenant en considération leur comportement, leur personnalité et leurs efforts en matière de réinsertion sociale. Aujourd'hui, 37 établissements, répartis sur sept directions interrégionales des services pénitentiaires, comprennent un régime de respect. Cela correspond à la prise en charge de 3.243 détenus. Enfin, les dispositions de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, dont le volet relatif aux peines est entré en vigueur le 24 mars 2020, visent à lutter contre le prononcé des courtes peines d'emprisonnement. L'objectif est de favoriser les alternatives à la détention afin de faciliter l'exécution des peines ou des mesures de sureté en milieu ouvert lorsque cela est possible. Le prononcé d'une peine d'emprisonnement ferme inférieure ou égale à un mois est désormais prohibé. Le principe posé est par ailleurs celui d'un aménagement ab initio des peines d'emprisonnement inférieures ou égales à un an. Les alternatives à l'incarcération sont également développées (sursis probatoire, détention à domicile sous surveillance électronique, peines de stage, travail d'intérêt général). L'aménagement ab initio des peines d'emprisonnement a progressé de 3 à 11% en un an ce qui est très encourageant.
Auteur : M. Pierre Morel-À-L'Huissier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Lieux de privation de liberté
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 2 mars 2021
Réponse publiée le 11 mai 2021