15ème législature

Question N° 37323
de M. Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise - Bouches-du-Rhône )
Question écrite
Ministère interrogé > Transition écologique
Ministère attributaire > Transports

Rubrique > transports aériens

Titre > Extension de l'aéroport Marseille-Provence et objectifs climatiques de la France

Question publiée au JO le : 16/03/2021 page : 2265
Réponse publiée au JO le : 14/12/2021 page : 8922
Date de changement d'attribution: 23/03/2021
Date de signalement: 22/06/2021

Texte de la question

M. Jean-Luc Mélenchon interroge Mme la ministre de la transition écologique au sujet du projet d'extension de l'aéroport Marseille-Provence. Les associations tirent la sonnette d'alarme. Marseille possède déjà le cinquième aéroport de France en nombre de passagers annuels. Le nombre de passagers est passé de 6 à 10 millions en 10 ans. Pourtant, un nouveau plan d'aménagement a pour objectif d'atteindre les 18 millions de passagers en 2045. Entre 2017 et 2020, une première tranche du projet a doublé la capacité d'accueil du terminal 2, dédié aux vols à bas coût. Une nouvelle étape appelée « Cœur d'aérogare » consiste en une extension du terminal 1 de l'aéroport Marseille-Provence avec 22 000 m² d'espaces supplémentaires, dont 6 000 m² de commerce, avant la construction éventuelle d'une nouvelle jetée d'embarquement de 13 000 m². Or 70 % des avis exprimés lors de l'enquête publique y étaient opposés. Pourtant, le commissaire enquêteur a rendu un avis favorable. Le préfet des Bouches-du-Rhône a délivré le permis de construire en décembre 2020. Le mardi 9 février 2021, des associations ont adressé un recours gracieux contre ce permis de construire au préfet des Bouches-du-Rhône. Tout d'abord, ce projet est à rebours des ambitions climatiques de la France. En effet, l'augmentation des capacités d'accueil des aéroports favorise l'accroissement du trafic aérien. De fait, cela participe d'une augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Or la France n'atteint pas ses objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre en matière de transport. Depuis 1990, elles ont augmenté de 9 %. Globalement, les émissions de gaz à effet de serre du secteur aérien ont déjà doublé depuis 1990 en Europe. Sans bifurcation radicale, elles risquent de tripler d'ici à 2050. Ensuite, il trahit les propositions de la Convention citoyenne pour le climat. En effet, par sa mesure SD-E3, celle-ci demande clairement d’« interdire la construction de nouveaux aéroports et l'extension des aéroports existants ». Or la rédaction de l'article 37 du projet de loi « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » est largement insuffisante. En effet, cet article prévoit que les projets de création ou d'augmentation des capacités d'accueil des aéroports ne puissent être « déclarés d'utilité publique en vue d'une expropriation (..) s'ils ont pour effet d'entraîner une augmentation nette, après compensation, des émissions de gaz à effet de serre générées par l'activité aéroportuaire par rapport à l'année 2019 ». Il ne s'agit en rien d'une interdiction. Les conditions établies permettront à de multiples projets de voir le jour. En effet, l'activité aéroportuaire était au plus fort en 2019, avant la pandémie. Ce point de repère est donc très peu ambitieux. Par ailleurs, sur la dizaine de projets en cours ou à l'étude actuellement, aucun n'a nécessité ou ne nécessitera de déclaration d'utilité publique (DUP), à l'exception du projet d'extension de l'aéroport de Nantes. Celui-ci est par ailleurs mentionné dans les diverses exceptions permises par l'article. Y ajouter une possibilité de « compensation » aux contours flous achève de rendre cet article inoffensif. Au final, les 10 plus grands projets d'extension en cours devraient échapper au champ d'application de l'article 37. En outre, la pollution aérienne se double d'une injustice sociale. Par exemple, le coût de la nouvelle phase du projet d'extension de l'aéroport de Marseille Provence nommé « Cœur d'aérogare » serait d'au moins 140 millions d'euros. Surtout, il ne constitue qu'une étape d'un projet global encore plus coûteux, estimé à près d'un demi-milliard d'euros. Pourtant, de tels investissements publics profitent à un nombre restreint d'individus. En effet, seuls 1 % de la population mondiale produit 50 % des émissions mondiales du secteur aérien. En France, parmi les ménages dont le niveau de vie est le plus faible, moins d'un quart a pris l'avion en 2015. Au lieu d'investir dans un tel projet symbole d'une fuite en avant anti-écologique, il apparaît indispensable de planifier la bifurcation du secteur aérien en concertation avec ses salariés. Les alternatives à l'aérien devraient être déployées dans les Bouches-du-Rhône, comme à l'échelle nationale. Il manque 3 milliards d'euros chaque année jusqu'en 2030 pour relancer le ferroviaire et atteindre les objectifs fixés par la stratégie nationale bas carbone. Pourtant, le fameux projet de loi climat ne contient aucune mesure en ce sens. L'État détient 60 % de l'aéroport Marseille-Provence. Il est donc en mesure de mettre un terme à ce projet d'extension. Pour cela, l'article 37 du projet de loi en cours de discussion à l'Assemblée nationale doit être réécrit de manière conforme à la demande de la convention citoyenne. Par conséquent, il aimerait savoir si le Gouvernement entend se donner les moyens de ses ambitions climatiques.

Texte de la réponse

Le projet d'extension du Terminal 1 de l'aéroport de Marseille-Provence comprend deux phases : une première phase appelée « Cœur d'aéroport », dont la mise en service doit intervenir au cours du premier semestre 2024, date à laquelle Marseille accueillera certaines épreuves des Jeux Olympiques, et une seconde, la jetée, dont la mise en service a été reportée sine die en raison de la crise sanitaire liée à la pandémie de la Covid-19. Seule la première phase du « Cœur d'aéroport » est concernée par le permis de construire délivré par le préfet des Bouches-du-Rhône le 4 décembre 2020. Cette opération, qui n'a pas vocation à augmenter la capacité d'accueil des infrastructures, est considérée comme essentielle par l'aéroport de Marseille-Provence pour la modernisation de son Terminal 1, dont l'infrastructure est vieillissante et n'a pas fait l'objet de transformation majeure depuis trente ans. Par cette opération, l'aéroport de Marseille-Provence, troisième aéroport régional de France en termes de trafic, entend adapter son terminal aux standards internationaux sur les plans fonctionnels et opérationnels. Ainsi, par la création du « Cœur d'aéroport », la plateforme envisage d'améliorer la qualité de service rendu aux usagers notamment par la simplification et la fluidification du parcours passager, mais aussi par l'amélioration de l'offre commerciale, et de renforcer la sûreté sur la plateforme en se mettant en conformité avec la règlementation européenne. Aéroport Marseille-Provence a également repensé la conception de son projet depuis le début de l'épidémie de covid-19, afin de garantir une meilleure prise en compte des enjeux sanitaires. Le terminal répondra par ailleurs aux exigences Haute Qualité Environnementale (HQE) "Très performant". Ce projet sera intégralement financé par Aéroport de Marseille-Provence, en partie sur ses fonds propres mais également par un recours à l'emprunt. Le projet ne fait donc pas intervenir de subvention publique. Une fois mis en service, cet investissement sera amorti par les redevances pour service public payées par les compagnies aériennes et les autres recettes, notamment commerciales, de l'exploitant. Le « Cœur d'aéroport » représente donc un dispositif essentiel pour renforcer l'attractivité du territoire. Ce projet n'entre pas en contradiction avec les objectifs environnementaux défendus par le Gouvernement dans la loi Climat et Résilience promulguée en août 2021. L'article 146 de la loi interdit les créations ou extensions d'aéroports lorsqu'elles nécessitent une déclaration d'utilité publique et lorsqu'elles entraînent une augmentation nette des émissions de gaz à effet de serre générées par l'activité aéroportuaire par rapport à 2019. L'extension de l'aéroport de Marseille-Provence n'augmentant pas la capacité d'accueil de l'aéroport, elle n'est pas impactée par la mesure. Mais d'autres projets le sont et le seront, tels que les projets de nouvelles pistes sur les aérodromes de Lyon-Saint-Exupéry et Bordeaux-Mérignac, ou les projets d'extension de bâtiments sortant des emprises aéroportuaires actuelles, qui seront conditionnés à la démonstration qu'ils ne s'accompagnent pas d'une hausse des émissions nettes de l'activité aéroportuaire. Cela limitera les développements de capacité de ces aérodromes et donc les possibilités de développement du trafic à long-terme. La loi Climat et Résilience prévoit également, dans son article 145, la suppression des dessertes aériennes intérieures lorsqu'il existe une alternative en train de moins de 2h30, obligeant les voyageurs à se reporter sur le train lorsque ce mode de transport apparaît de manière évidente le plus pertinent. Le Gouvernement s'est également engagé à contenir les émissions de gaz à effet de serre durant cette période transitoire de reconversion. Ainsi, la loi Climat et Résilience prévoit la compensation des émissions pour les vols intérieurs en métropole ce qui fait du secteur aérien le premier et seul secteur à devoir compenser en intégralité, par une mesure en outre strictement nationale, ses émissions. Par ailleurs, l'article 143 de la loi Climat et résilience prévoit l'accompagnement de l'État pour développer le transport ferroviaire de voyageurs et atteindre les objectifs d'augmentation de la part modale du transport ferroviaire de voyageurs de 17 % en 2030 et de 42 % en 2050 définis par la stratégie nationale bas-carbone. Enfin, concernant l'engagement de l'État pour développer le ferroviaire, le plan de relance présenté en 2020 consacre un investissement massif de 4.7 milliards d'euros pour relancer le transport ferroviaire. Cet investissement permettra de financer le développement du fret ferroviaire, la réouverture de certaines trains d'équilibres du territoire (TET), et de moderniser et sécuriser l'ensemble du réseau. Entre 2017 et 2022, ce sont les trois-quarts des investissements durant le quinquennat qui sont ou seront consacrés au mode ferroviaire, pour les voyageurs et les marchandises : 13,4 Md€ investis par l'État et 3,6 Md€ investis chaque année par SNCF Réseau.