Situation des femmes de harkis
Question de :
M. Loïc Kervran
Cher (3e circonscription) - Agir ensemble
M. Loïc Kervran attire l'attention de Mme la ministre des armées sur la situation des conjoints et ex-conjoints d'anciens harkis décédés concernant l'allocation viagère instituée par l'article 133 de la loi de finances 2016 à leur bénéfice. Cet article a fixé des délais très courts pour effectuer la demande d'allocation : un an à compter du décès du titulaire direct de l'allocation de reconnaissance et avant le 31 décembre 2016 pour les veuves de harkis décédés avant le 1er janvier 2016. Du fait de ces forclusions, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerres (ONACVG) a rejeté près d'une centaine de dossiers. Concernant les dossiers recevables, l'ONACVG a versé des allocations au prorata du temps restant à courir jusqu'au 31 décembre 2016 alors même que le montant de l'allocation est dû pour l'année. De plus, cette allocation a introduit dans un dispositif déjà complexe une discrimination entre bénéficiaires, puisque certaines veuves, dont les époux avaient choisi la perception d'un capital de 30 000 euros, touchent la nouvelle allocation viagère, d'un montant mensuel parfois supérieur à celui des veuves dont les maris sont décédés avant la création de l'allocation viagère. Enfin, cette allocation viagère, comme l'allocation de reconnaissance, est indexée sur le taux d'évolution annuelle de l'indice des prix à la consommation (hors tabac), soit une augmentation de 1 % à compter du 1er octobre 2019, alors que les rentes viagères attribuées aux victimes de persécutions antisémites et d'actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale font l'objet d'une revalorisation annuelle de 2,5 % fixée par voie réglementaire, ce qui renforce le sentiment d'injustice de ces familles. Au vu du sacrifice consenti par les harkis et leur famille pour la République française, il l'interroge sur la possibilité d'une régularisation rétroactive des dossiers litigieux, y compris ceux déposés après le 31 décembre 2016.
Réponse publiée le 13 avril 2021
L'allocation viagère instituée par l'article 133 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 a été instaurée dans un souci de rétablir une égalité de traitement à la suite de la forclusion de l'allocation de reconnaissance prévue par la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés. Le dispositif unique d'allocation mensuelle est ainsi venu remplacer les 3 options de l'allocation de reconnaissance préalablement existante, qui pouvait prendre la forme : soit d'une rente annuelle versée mensuellement, soit d'une rente moins importante versée selon les mêmes modalités, assortie d'un capital immédiat de 20 000 euros, soit d'un capital immédiat de 30 000 euros pour solde de tout compte. Ce dispositif a vocation à supprimer les inégalités perçues entre veuves selon le choix de versement qu'elles avaient effectué lors de leur demande d'allocation de reconnaissance. Toutefois, les choix antérieurs à la création de l'allocation viagère sont définitifs et ne peuvent être remis en cause. Son attribution a également été élargie à un plus grand nombre de bénéficiaires car la condition d'âge (60 ans), de même que la qualité de rapatrié, ne sont plus requises pour en bénéficier. Depuis 2018, il appartient au Bureau Central des Rapatriés (BCR) de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) d'assurer l'instruction des aides pérennes accordées aux rapatriés. Cette instruction centralisée vise notamment à homogénéiser les pratiques de gestion des diverses mesures mises en œuvre au profit des rapatriés pour un traitement unique. Concernant l'allocation viagère, il convient de faire une distinction entre la veuve dont l'époux est décédé avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 29 décembre 2015 susmentionnée (soit le 1er janvier 2016), qui doit avoir déposé sa demande avant le 31 décembre 2016, et la veuve dont l'époux est décédé après le 1er janvier 2016, qui dispose d'un délai d'un an à compter du décès pour formuler sa demande. Dans ce cadre, le versement de l'allocation viagère se fait au premier jour du mois qui suit la demande, et s'effectue au prorata de l'année due. Ce versement peut toutefois faire l'objet d'un versement rétroactif partiel, tenant compte de la complétude du dossier et des délais de procédure. Concernant les modalités de revalorisation de l'allocation, une réévaluation de son montant tenant compte de l'évolution des prix hors tabac intervient, chaque année, au 1er octobre. Cette allocation a cependant été revalorisée plusieurs fois en dehors de ce dispositif dans le cadre des lois de finances, de 700 euros entre 2017 et 2020. Au premier janvier 2021, 154 demandes ont été rejetées pour forclusion, soit parce que la demande avait été déposée après le 31 décembre 2016 pour les veuves dont les époux étaient décédés avant le premier janvier 2016, soit par ce que cette demande avait été déposée plus d'un an après le décès du conjoint. Dans le cadre des instructions menées par le BCR, aucun dossier n'a été rejeté au motif qu'il était incomplet, le service instructeur veillant à obtenir l'ensemble des documents nécessaires à l'obtention de cette allocation. Il n'est pas envisagé de mettre en place une réversion automatique de l'allocation de reconnaissance dans la mesure ou la décentralisation passée de ces aides ne permet pas à ce jour de suivre les bénéficiaires ayant opté pour l'option du capital unique. Par ailleurs, l'allocation viagère est ouverte à l'ensemble des veuves non remariées au prorata de vie commune, dans les délais impartis par la forclusion. Toute évolution d'état civil depuis l'ouverture des droits (divorce, remariage) ne peut être connu qu'au moment de l'ouverture d'une demande par l'une des veuves, tant au regard des documents d'état civil du défunt, que de celui des demandeuses. S'il est regrettable que certaines veuves de harkis, ayant déposé une demande tardivement, se soient vu opposer un rejet pour cause de forclusion, il n'en demeure pas moins que les délais prévus par le législateur sont d'application stricte, ainsi que le rappelle la jurisprudence. Il convient de préciser que les dispositifs de forclusion ne sont pas spécifiques à ces mesures mais sont applicables à de nombreuses autres indemnités. Enfin, les veuves d'anciens supplétifs sont ressortissantes de l'ONACVG et peuvent, à ce titre, solliciter les aides sociales dispensées par l'office, qui demeure à leur écoute.
Auteur : M. Loïc Kervran
Type de question : Question écrite
Rubrique : Anciens combattants et victimes de guerre
Ministère interrogé : Armées
Ministère répondant : Mémoire et anciens combattants
Dates :
Question publiée le 23 mars 2021
Réponse publiée le 13 avril 2021