Fracture numérique et dématérialisation des démarches administratives
Question de :
M. Fabien Gouttefarde
Eure (2e circonscription) - La République en Marche
M. Fabien Gouttefarde interroge M. le ministre de l'action et des comptes publics sur la complexité de la dématérialisation des démarches administratives auprès des services publics. Il sait combien la transformation des administrations présente un enjeu fort tant pour l'amélioration des services publics, pour l'environnement de travail des fonctionnaires, que pour la maîtrise des dépenses publiques. Cette transformation, qui passe notamment par la dématérialisation des services, est déjà opérationnelle pour ce qui concerne l'obtention de la carte grise d'un véhicule. Il a rencontré il y a quelques jours, à sa permanence d'Évreux, un citoyen qui lui a fait part des difficultés qu'il rencontrait pour réaliser les démarches afin d'obtenir une carte grise, pour un véhicule qu'il avait acheté d'occasion à un particulier. Cet homme n'avait pas internet. Ce n'est pas un cas isolé. La fracture numérique est encore une réalité dans de nombreux points du territoire ; des personnes, notamment âgées, ne savent pas utiliser un ordinateur ; d'autres font valoir le fait qu'il est anormal d'avoir à payer un accès à internet pour accéder aux services publics. Certes, les préfectures ont mis en place des bornes d'accès permettant d'effectuer ces démarches. Souvent animées par des jeunes en service civique, ces bornes, peu nombreuses, sont l'objet de longues files d'attente. Et lorsque les usagers ont été suffisamment patients pour atteindre ladite borne, ils se trouvent confrontés à une autre difficulté : la création d'un compte utilisateur de la plateforme de services dématérialisés nécessite d'être détenteur d'une adresse de courriel... Il est impossible de réaliser quelque démarche que ce soit sans adresse, si bien que les animateurs sont contraints de renseigner leur propre adresse pour engager les démarches. Des mairies ont également tenté d'accompagner leurs administrés dans leurs démarches, mais elles se trouvent confrontées au même problème. Il n'existe pas d'accès spécifique à la plateforme pour les collectivités locales et les agents municipaux sont contraints de renseigner leur propre adresse. Se pose par ailleurs la question de la responsabilité des agents en cas d'erreur. Cet exemple illustre la difficulté à dématérialiser les services publics sans laisser une partie de la population sur le bord de la route. Il ne veut pas que la transformation des administrations conduise à la création d'une fracture au sein des usagers et empêche les non connectés de réaliser leurs démarches administratives. En application du principe d'égalité d'accès aux services de l'État, il lui demande si une solution alternative pérenne et efficace est prévue pour permettre aux usagers non connectés de réaliser leurs démarches administratives.
Réponse en séance, et publiée le 13 juin 2018
FRACTURE NUMÉRIQUE ET DÉMATÉRIALISATION DES DÉMARCHES ADMINISTRATIVES
M. le président. La parole est à M. Fabien Gouttefarde, pour exposer sa question, n° 374, relative à la fracture numérique et la dématérialisation des démarches administratives.
M. Fabien Gouttefarde. Madame la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, je sais combien la transformation des administrations présente un enjeu fort, tant pour l'amélioration des services publics et l'environnement de travail des fonctionnaires que pour la maîtrise des dépenses publiques. Cette transformation, qui passe notamment par la dématérialisation des services, est déjà opérationnelle pour ce qui concerne, par exemple, l'obtention de la carte grise d'un véhicule.
J'ai rencontré il y a quelques jours, dans ma permanence d'Évreux, un citoyen qui m'a fait part de ses difficultés dans ses démarches d'obtention d'une carte grise, pour un véhicule qu'il avait acheté d'occasion à un particulier. Cet homme n'avait pas internet. Ce n'est pas un cas isolé, vous le savez : la fracture numérique est encore une réalité dans de nombreux points du territoire ; certaines personnes, notamment âgées, ne savent pas utiliser un ordinateur ; d'autres font valoir le fait qu'il est anormal d'avoir à payer un accès à internet pour accéder aux services publics.
Certes, les préfectures ont mis en place des bornes d'accès permettant d'effectuer ces démarches. Souvent animées par des jeunes en service civique, ces bornes, peu nombreuses, causent de longues files d'attente. Et lorsque les usagers ont été suffisamment patients pour atteindre ladite borne, ils se trouvent confrontés à une autre difficulté. En effet, la création d'un compte utilisateur de la plateforme de services dématérialisés nécessite d'être détenteur d'une adresse de courriel ; il est impossible de réaliser quelque démarche que ce soit sans adresse, si bien que les animateurs sont contraints de renseigner leur propre adresse pour engager les démarches. Des mairies ont également tenté d'accompagner leurs administrés, mais elles se trouvent confrontées au même problème : il n'existe pas d'accès spécifique à la plateforme pour les collectivités locales, et les agents municipaux sont contraints de renseigner leurs coordonnées personnelles. Se pose par ailleurs la question de la responsabilité des agents en cas d'erreur.
Cet exemple, madame la secrétaire d'État, illustre la difficulté de dématérialiser les services publics sans laisser une partie de la population au bord de la route. Je ne voudrais pas que la transformation des administrations conduise à la création d'une fracture au sein des usagers et empêche les personnes non connectées de réaliser leurs démarches administratives. Madame la secrétaire d'État, dans un principe d'égalité d'accès aux services de l'État, une solution alternative, pérenne et efficace est-elle prévue pour permettre aux usagers non connectés de réaliser leurs démarches administratives ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le député, vous avez raison, l'accessibilité des services publics est au cœur du programme Action publique 2022. Le Président de la République s'est engagé à ce que tous les services publics – hors délivrance des titres – soient accessibles en ligne d'ici à 2022, et un financement de 4,4 milliards d'euros est prévu dans le cadre du grand plan d'investissement à cet effet. Notre ambition est de rendre cette expérience la plus confortable, la plus efficace et la plus simple possible pour l'usager, et nous serons particulièrement vigilants à ce que cette révolution ne se fasse pas au détriment de certains publics, notamment les moins favorisés.
Plusieurs mesures ont déjà été prises en ce sens. D'une part, le Gouvernement accélère l'ouverture des maisons de services au public. Plus de 1 200 de ces maisons ont d'ores et déjà été ouvertes. Elles ont vocation à devenir des interfaces privilégiées entre les usagers et l'administration, en délivrant, en un lieu unique, une offre d'accompagnement personnalisé dans les démarches de la vie quotidienne – les aides et prestations sociales, l'emploi, l'insertion, la retraite, l'énergie…
Par ailleurs, l'Agence du numérique a récemment lancé une mission sur la société numérique, dont le cœur est l'inclusion numérique pour les publics les moins formés.
La mission a par exemple lancé une coopérative pour organiser la structuration des acteurs de la médiation numérique. Elle expérimente un dispositif de chèque culture numérique, dont l'objectif est de financer la prise en charge des usagers pour la réalisation de ces démarches en ligne dans des lieux labellisés, afin de favoriser leur autonomie.
Ces différentes initiatives témoignent de la volonté du Gouvernement de repenser globalement l'accessibilité des services publics, de manière à ce que chacun puisse accéder facilement et selon des formats appropriés aux démarches administratives qui le concernent. Je vous remercie des exemples concrets que vous avez donnés pour aider ce travail de facilitation.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gouttefarde.
M. Fabien Gouttefarde. Merci beaucoup, madame la secrétaire d'État, pour votre réponse. Je profite de cette question pour rebondir sur une promesse gouvernementale, celle du plan France très haut débit, qui vise à couvrir l'essentiel du territoire d'ici à 2022. Je souligne la nécessité de tenir cette promesse, notamment dans les territoires ruraux. Dans les métropoles, dans les villes moyennes comme dans les villages, l'attente est forte en matière de connexion à très haut débit à internet. De grandes attentes se font également jour pour la téléphonie mobile.
Sur cet aspect, nous serons jugés – collectivement – de façon assez binaire par nos concitoyens. En effet, à l'issue de la législature, ils sauront si oui ou non ils peuvent se connecter avec leur téléphone portable. Les nouvelles connections font l'objet de grandes attentes. J'espère que le Gouvernement tiendra ses promesses en matière de calendrier.
Auteur : M. Fabien Gouttefarde
Type de question : Question orale
Rubrique : Services publics
Ministère interrogé : Action et comptes publics
Ministère répondant : Action et comptes publics
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 juin 2018