15ème législature

Question N° 37548
de M. Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise - Bouches-du-Rhône )
Question écrite
Ministère interrogé > Enseignement supérieur, recherche et innovation
Ministère attributaire > Enseignement supérieur, recherche et innovation

Rubrique > recherche et innovation

Titre > La France doit demeurer une puissance polaire

Question publiée au JO le : 23/03/2021 page : 2492
Réponse publiée au JO le : 18/05/2021 page : 4238

Texte de la question

M. Jean-Luc Mélenchon interroge Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation sur l'Antarctique et du rôle de la France en tant que puissance polaire de premier ordre. En 2021, seront célébrés deux anniversaires d'évènements majeurs ayant contribué à une meilleure connaissance scientifique du pôle Sud. Sera célébré le 60e anniversaire de l'entrée en vigueur du traité sur l'Antarctique ainsi que le 30e anniversaire de la signature du protocole de Madrid, dont la France est co-initiatrice et qui ajoute un volet environnement au traité sur l'Antarctique. Ce dernier, adopté en 1991, définit l'Antarctique comme « réserve naturelle consacrée à la paix et à la science ». Surtout, du 14 au 24 juin 2021, la France présidera à Paris deux conférences annuelles de négociations internationales. D'une part, elle présidera la 43ème réunion consultative annuelle des 54 États parties du traité sur l'Antarctique (RCTA). D'autre part, elle présidera la 23ème réunion du Comité pour la protection de l'environnement (CPE) mis en place par le protocole de Madrid. Depuis sa signature du traité en 1959, la France a présidé la RCTA à seulement deux reprises : en 1968 et en 1989. La prochaine présidence française se tiendra en 2050. M. le député se fait le relai des interrogations du Comité national français des recherches arctiques et antarctiques. Celui-ci souligne à juste titre que le système du traité sur l'Antarctique est un instrument géopolitique unique. En effet, il permet à un collectif de nations de gérer conjointement près de 7 % de la surface de la planète. De surcroît, la France y occupe une place particulière. En effet, elle appartient au cercle restreint des sept États dits « possessionnés » c'est-à-dire qui ont émis des revendications territoriales en Antarctique. La France est considérée comme une nation polaire majeure. Elle se classe au deuxième rang mondial pour les index de citations des articles scientifiques reposant sur des travaux de recherche conduits en Antarctique et se classe au premier rang mondial pour les recherches conduites dans les milieux subantarctiques. À l'aune des bouleversements climatiques, les enjeux géopolitiques et scientifiques sont majeurs. Cette présidence française offre une occasion notoire de réaffirmer la place de puissance polaire du pays. Or cela ne se concrétisera pas sans volonté politique forte ni sans moyens à la hauteur des ambitions. Concrètement, il y a fort à faire. Tout d'abord, l'Institut polaire français Paul-Emile Victor dispose de beaucoup moins de moyens que d'autres nations qui investissent annuellement jusqu'à trois fois plus que la France pour remplir les mêmes missions logistiques et opérationnelles. Par ailleurs, la France dispose de deux stations de recherche en Antarctique : Dumont d'Urville et Concordia. Ces deux stations nécessitent urgemment un plan de rénovation et de modernisation. Des moyens supplémentaires sont requis. En effet, la France est le seul pays du G7 à ne pas posséder de brise-glace en soutien à la recherche océanographique. Cet élément ne va pas dans le sens d'une volonté d'extension des aires marines protégées dans la zone. Ces alertes du Comité national français des recherches arctiques et antarctiques convergent avec les points soulevés dans rapport d'information nommé « Mers et océans : quelle stratégie pour la France ? » et publié en juin 2019. Dans ce rapport, il estimait que « la France doit, en la matière, retrouver son rang de nation cheffe de file et porter au plus haut niveau sa volonté de voir ces régions dédiées à la science et à la paix. » Par conséquent, il aimerait connaître la position du Gouvernement et savoir si ce dernier souhaite permettre à la France de demeurer une puissance polaire.

Texte de la réponse

La France possède des implantations en Antarctique (Base de Concordia et à Dumont d'Urville), dans les îles subantarctiques (Crozet, Kerguelen) et en Arctique à Ny-Ålesund, village scientifique international, situé au nord-ouest de l'île du Spitzberg, où l'institut polaire français (IPEV) dispose d'infrastructures permettant la réalisation de programmes de recherche via la station commune franco-allemande AWIPEV. Ces zones géographiques polaires et sub-polaires sont en effet les premières à subir massivement les effets du changement climatique et recèlent d'informations cruciales à investiguer pour nos chercheurs. Les travaux académiques des chercheurs français dans le domaine polaire sont reconnus et se situent au tout premier rang mondial. Selon le décompte le plus récent établi à partir des bases bibliométriques Web of Science, la France figure au 3ème rang mondial pour le nombre de publications du domaine Antarctique parues dans Nature, Science ou PNAS. Pour le domaine Arctique, la France atteint le 7ème rang mondial sur les 422 « Highly Cited Papers » portant sur l'Arctique. En milieux subantarctiques, la France se classe au 1er rang mondial en nombre de publications, devant les Etats-Unis et l'Australie. Fort de ce constat, il est plus que jamais nécessaire de poursuivre et d'amplifier le soutien à la recherche polaire française et de conserver le classement de premier plan qu'elle occupe actuellement. Ce soutien passe nécessairement par des budgets confortés voire accrus ainsi que par des ressources humaines, mais également par une attention constante vis-à-vis du quotidien des chercheurs. La Ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, Mme Frédérique Vidal, s'est rendue en novembre 2019 à la station franco-italienne Concordia, avec le PDG du CNRS, M. Antoine Petit, et le directeur de l'IPEV, M. Jérôme Chappellaz, pour rencontrer des chercheurs et s'enquérir directement sur site du fonctionnement, de l'état des installations et des programmes menés. Une déclaration d'intention a été signée le 27 février 2020 au sommet France-Italie à Naples. Cette déclaration met l'accent notamment sur (1) l'investissement conjoint dans les travaux de rénovation de la station, (2) la préparation de l'après-2030, anticipant l'ouverture possible de la station à des chercheurs européens et à un partenariat plus international. Par ailleurs, le MESRI abonde chaque année, via la subvention pour charge de service public de l'IPEV, un montant régulier de 14 M€ permettant ainsi à l'institut d'assurer ses dépenses en fonctionnement et en investissement sur les différents sites concernés. Le Conseil d'administration de l'IPEV du 10 mars 2021 notait que la situation financière de l'IPEV reste satisfaisante car l'établissement peut se reposer sur des niveaux de Fond de roulement (8 M€) et de trésorerie (9 M€) confortables au 31/12/2020. En particulier, la station de Concordia, gérée conjointement par la France et l'Italie, bénéficie d'une situation budgétaire équilibrée illustrant l'exemplarité d'une gouvernance bilatérale. En intégrant les dépenses de fonctionnement, investissement et celles liées à la construction de la base, la France et l'Italie ont dépensé chacune près de 66,5 M€ sur la période 1992-2019. Ces bonnes relations se sont illustrées par un financement conjoint en 2021 de la modernisation de la station de Concordia. Ainsi le camp de secours est pris en charge à 100 % par l'IPEV sur le budget du projet européen "Beyond EPICA". L'Italie va prendre en charge sur son propre budget le module sanitaire pour l'été. Le financement de la reconstruction du camp d'été fera l'objet du prochain comité directeur de Concordia. Par ailleurs, plusieurs mesures très récentes ont été prises pour soutenir l'activité des chercheurs en sciences polaires : Le lancement d'un programme prioritaire de recherche Océan-climat, acté lors Conseil interministériel de la mer (CIMER) de novembre 2019, et qui a vu sa dotation augmentée à 40 M€ fin 2020 ainsi que l'a confirmé le CIMER de janvier 2021. Le pilotage scientifique de ce programme sera confié au CNRS et à l'Ifremer. Il est envisagé de concentrer une partie des efforts de recherche sur trois zones qui présentent des enjeux spécifiques : les territoires d'outre-mer, l'océan profond mais aussi les océans polaires qui constituent des écosystèmes en mutation rapide et aux ressources convoitées. Le premier appel devrait intervenir mi 2021. L'amélioration du fonctionnement de l'IPEV. Le plafond d'emploi a été accru de deux postes au PLF 2021. En parallèle, le CNRS, qui a proposé de mettre progressivement à disposition de l'institut quatre postes supplémentaires, a abondé un de ces postes au printemps 2020. Enfin, les difficultés de l'IPEV à intervenir conjointement sur plusieurs théâtres d'opération (Antarctique, Arctique, subantarctique), dans des conditions difficiles et dangereuses, sur des sites éloignés de la métropole, a incité le Conseil d'administration de l'IPEV à mettre en place un groupe de travail. Son objectif principal est d'instruire, d'examiner et de prioriser différents scénarios possibles d'évolution de l'institut et de ses missions afin de lui permettre d'accroître son rayonnement et ses capacités d'intervention au regard des contextes budgétaires et scientifiques, au service de la recherche menée par ses partenaires et de la politique scientifique polaire de la France. Ce groupe de travail doit rendre ses conclusions au premier semestre 2021. Une prospective scientifique en cours sur l'avenir de la station Concordia commandée et organisée, par le CNRS et les partenaires italiens. Cet exercice de prospective, qui a démarré fin 2020, est organisé autour des questions suivantes : « Quelles perspectives de recherche à 10 ans à Concordia et quelles évolutions de la station seront nécessaires pour les mener à bien ? ». Il sera nécessaire de se saisir de ces conclusions pour poser les bases d'activités scientifiques ambitieuses pour Concordia. Enfin, et au-delà de la 43e réunion consultative du Traité sur l'Antarctique (RCTA XLIII) et de la 23e réunion du comité pour la protection de l'environnement (CPE XXIII) mis en place par le protocole de Madrid, l'année 2021 verra la tenue du 3e Arctic science Ministerial (ASM3), les 8 et 9 mai 2021 à Tokyo. Après les réunions ministérielles de Washington et de Berlin, cette nouvelle édition vise à approfondir la compréhension des changements rapides qui affectent l'écosystème de l'Arctique et à renforcer la coopération internationale en ce domaine par une implication de tous les acteurs. Pour chacun de ces évènements, le Gouvernement s'assure que la France soit représentée au meilleur niveau et entendue.