Question de : Mme Josiane Corneloup
Saône-et-Loire (2e circonscription) - Les Républicains

Mme Josiane Corneloup attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique sur les inquiétudes des entreprises de l'industrie des tuiles et des briques en France. Cette industrie représente 4 500 emplois directs et fournit les produits de construction à 430 000 maçons, 44 800 couvreurs et 72 000 salariés du négoce. Elle est dynamique et ancrée au sein des territoires. Elle est la seule industrie de produits de construction excédentaire en termes de balance de commerce extérieur. Elle est résolument tournée vers l'avenir ; elle est mécanisée et robotisée, a réalisé sa feuille de route de décarbonation dès 2018 et a identifié des solutions concrètes de modernisation des lignes de fabrication. Actuellement, malgré de réels efforts, cette filière craint pour la pérennité de ses activités. En effet, lors des concertations, et sans tenir compte de l'expérimentation E+C-, l'administration (la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages du ministère de la transition écologique) a introduit sans concertation avec les acteurs, pour le calcul de l'indicateur CO2 du bâtiment, une méthode de calcul dite « d'analyse de cycle de vie dynamique » qui ne fait l'objet d'aucun consensus scientifique, qui n'est pas normalisée et qui n'a pas été utilisée dans le cadre de l'expérimentation E+C-. Cette « méthode dynamique » n'est utilisée dans aucun pays au monde et a été retoquée par le conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique. Cette méthode introduite très tardivement par les services du ministère minore de près de 6 millions de tonnes les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments par rapport au calcul classique ; elle transfère ainsi l'effort qui devrait être fourni au moment de la construction aux générations futures, ce qui est contraire aux principes du développement durable. Elle applique un coefficient de réduction des émissions de CO2 en fonction de l'année d'émission et, comme les produits issus du bois émettent leur CO2 en fin de vie plutôt qu'au début, la filière bois est donc très avantagée par ce calcul, de même que les produits de construction à faible durée de vie qui doivent être remplacés avant la fin de vie du bâtiment. Cette méthode décriée par le plus grand nombre de professionnels ignore les bénéfices des matériaux à longue durée de vie qui sont largement réemployés après la déconstruction, comme les briques et les tuiles de terre cuite, les pierres et les autres produits traditionnels de construction. Cette méthode « dite dynamique » n'incite donc pas, contrairement au principe de l'économie circulaire, à allonger la durée de vie des produits du bâtiment ni à les valoriser lors de leur fin de vie. Cette mesure conduirait à une désindustrialisation dans les territoires, où souvent ces entreprises sont le seul employeur, et cela aurait pour conséquence de diminuer l'offre d'emploi au sein des zones rurales. Dans le contexte actuel de crise économique, de volonté de relocalisation des industries et du plan de relance, la filière terre cuite est dans l'incompréhension totale. Alors que cette industrie souscrit totalement aux objectifs de sobriété de la construction, elle déplore que cette méthode de calcul impose une exigence de moyens (utilisation massive de bois) contre une obligation de performance (baisse des émissions de CO2 du bâtiment). Elle souhaite savoir si une étude d'impact a été réalisée afin d'évaluer les conséquences de la consommation du bois voulue par la méthode de la RE2020 sur la balance du commerce extérieur ; la forêt française ne permettrait de répondre qu'à 15 % voire 30 % de la demande, ce qui de facto conduirait vers une importation massive de bois. En conséquence, elle lui demande si elle entend revenir sur la méthode de calcul dite « d'analyse de cycle de vie dynamique » pour le calcul de l'indicateur CO2 du bâtiment, afin de conforter cette industrie florissante et créatrice d'emplois dans les territoires.

Réponse publiée le 15 juin 2021

Les annonces du Gouvernement en date du 24 novembre 2020 sur la future réglementation environnementale (RE2020) ont depuis fait l'objet d'une intense et riche consultation de l'ensemble des parties prenantes et organisations professionnelles, notamment au sein du Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE), qui a rendu son avis le 26 janvier 2021. L'ensemble des points portés à l'attention du Gouvernement ont été versés au débat et pris en compte dans le cadre de cette consultation. À l'issue de cette phase de concertation, les détails de la mise en œuvre de la RE2020 pour l'ensemble des logements neufs ont été annoncés le 18 février 2021. Globalement, les exigences fixées par la RE2020, reflet des orientations du Gouvernement pour la transition écologique dans le secteur du bâtiment, demeurent inchangées, qu'il s'agisse de sobriété énergétique, de sortie des énergies fossiles, d'amélioration du confort d'été ou de décarbonation de la construction tout le long du cycle de vie. La RE2020 sera ainsi l'une des réglementations les plus ambitieuses d'Europe pour les bâtiments neufs et contribuera directement à l'atteinte de nos objectifs de lutte contre le changement climatique et à la tenue de nos engagements internationaux en la matière. Cela étant, la concertation a permis de procéder à plusieurs ajustements du projet de réglementation afin d'en assurer sa mise en œuvre et son succès, tout en conservant son ambition initiale. En particulier, l'entrée en vigueur de la RE2020 sera finalement fixée au 1er janvier 2022, après une publication des textes d'ici la fin du premier semestre 2021. Conservant un calendrier rapide de mise en œuvre, cette date, qui fait l'objet d'un large consensus, laisse les quelques mois nécessaires à l'ensemble de la filière et notamment aux concepteurs et promoteurs pour mettre leurs projets à venir en conformité avec les nouvelles exigences. Le Gouvernement a donc tenu compte des alertes quant au risque de précipitation que faisait courir le calendrier initialement proposé.  De la même manière et afin d'assurer que la trajectoire fixée par la RE2020 permette aux innovations et développements industriels nécessaires de se déployer à temps, les autres jalons prévus par la RE2020 seront décalés d'un an par rapport à ce qui était envisagé (les dates de 2024, 2027 et 2030 devenant ainsi 2025, 2028 et 2031). En matière d'énergie, des dispositions transitoires seront prises, d'une part pour les maisons individuelles construites sur des parcelles ayant déjà fait l'objet d'un permis d'aménager avec desserte de gaz, d'autre part pour les réseaux de chaleur, pour à la fois encourager le développement et la décarbonation. En matière de construction, la place croissante que seront amenés à prendre le bois et les matériaux biosourcés dans le futur de la construction a été soulignée. La réglementation reposera sur une exigence de résultat et non de moyens et permettra de faire place à la diversité des modes constructifs en favorisant la mixité des matériaux. Si les constructions futures recourront donc de manière accrue au bois et matériaux biosourcés, cette nouvelle réglementation encouragera également le recours aux matériaux géosourcés (comme la pierre de taille ou la terre crue) et aux matériaux plus usuels (brique et béton notamment) selon leur trajectoire de décarbonation. Toutes les filières et tous les métiers seront ainsi pleinement mobilisés par le mouvement engendré par la RE2020. À cet égard, la méthode d'analyse en cycle de vie dite « dynamique » (ACV), qui valorise le stockage du carbone, comme le prévoit la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite Loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan), du 23 novembre 2018, est bien conservée. Dans le même temps, des ajustements par rapport au projet initial concernant les seuils carbone en construction ont été présentés afin d'assurer qu'à l'horizon 2031 (dernier jalon fixé par la RE2020), des modes constructifs variés auront leur place et que, sous réserve de leurs engagements de décarbonation, tous les matériaux continueront d'être utilisés, selon leurs atouts respectifs. Entre autres signes de ce souci de la mixité des matériaux et des modes constructifs, un Appel à manifestations d'intérêt (AMI) spécialement dédié à la mixité des matériaux a été lancé, financé par le programme d'investissements d'avenir (PIA 4). Fidèles à l'intention première du Gouvernement et fruits des multiples retours de terrain et de professionnels, les précisions apportées au projet de réglementation doivent permettre de trouver un point d'équilibre entre ambition et pragmatisme, exigences et maîtrise des coûts, et de garantir ainsi la pérennité de la RE2020. Grâce à un suivi précis dans le temps via un observatoire dédié, la trajectoire progressive que la RE2020 dessine pourra être ajustée au mieux. Aussi la RE2020 donne tout son sens au mot de transition. Tout en plaçant la France parmi les pionniers du bas-carbone en Europe, elle reste attentive à la réalité du monde de la construction et donne le temps nécessaire pour faire des évolutions à venir de véritables opportunités. Pour plus de détails sur la RE2020, le dossier de presse dédié du 18 février 2021 est consultable sur le site du ministère : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/2021.02.18_DP_RE2020_EcoConstruire_0.pdf.

Données clés

Auteur : Mme Josiane Corneloup

Type de question : Question écrite

Rubrique : Bâtiment et travaux publics

Ministère interrogé : Transition écologique

Ministère répondant : Logement

Dates :
Question publiée le 30 mars 2021
Réponse publiée le 15 juin 2021

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