15ème législature

Question N° 37743
de M. Sébastien Chenu (Non inscrit - Nord )
Question écrite
Ministère interrogé > Solidarités et santé
Ministère attributaire > Personnes handicapées

Rubrique > personnes handicapées

Titre > Pour une seconde date de vote sur la désolidarisation des AAH

Question publiée au JO le : 30/03/2021 page : 2759
Réponse publiée au JO le : 15/06/2021 page : 4940
Date de changement d'attribution: 06/04/2021

Texte de la question

M. Sébastien Chenu interroge M. le ministre des solidarités et de la santé sur la date de seconde lecture sur le texte concernant la désolidarisation des revenus du conjoint de l'allocation adultes handicapés. Le sujet demande une action rapide suite à l'interpellation d'un groupe de 250 personnes qui s'est formé en trois jours, suite au vote du 9 mars 2021 au Sénat concernant la désolidarisation des revenus du conjoint de l'allocation adultes handicapés. Au sein de ce groupe, une femme de 54 ans, handicapée et sous traitement, s'est mise en grève de la faim dès le 10 mars 2021, mettant sa vie en péril pour témoigner de l'urgence que représente cette seconde lecture pour certains des concitoyens. Ils demandent quelque chose de très simple : une date pour la seconde lecture à l'Assemblée nationale de la loi afin qu'elle puisse être inscrite au Journal officiel. Les deux grandes élections du pays auront lieu en 2022 et, si d'ici là la seconde lecture n'est pas mise à l'ordre du jour du calendrier de l'assemblée avant 2022, ils ont de bonnes raisons de croire que cette loi si importante passera à la trappe des lois mortes-nées. Or « cette loi, c'est 10 ans de mobilisation et de travail des associations », comme ils le rappellent. On ne peut accepter qu'après un vote « pour » à l'Assemblée nationale et un vote « pour » au Sénat, cette loi ne voie pas le jour. Ils sont dans l'attente d'une solidarité et d'un humanisme « dans leur expression la plus élémentaire ». Cette loi vise à émanciper les femmes handicapées privées de leur AAH et susceptible d'être victimes de violences conjugales, car elles ne possèdent pas de revenu personnel leur permettant de s'enfuir. Elle tend à protéger toutes les personnes en situations de handicap qui ne veulent plus que l'on ajoute à leur dépendance physique une dépendance financière. Il lui propose donc de prendre parti pour accélérer la date de la seconde lecture.

Texte de la réponse

L'AAH a été créée par la loi du 30 juin 1975 afin d'assurer des conditions de vie dignes aux personnes en situation de handicap dont les ressources sont les plus faibles. Elle repose sur les principes d'équité et de partage des charges entre les membres du foyer. Par ailleurs, elle constitue un minima social, c'est-à-dire, qu'elle vise à garantir un niveau de ressource minimum pour vivre en complément d'autres sources de revenus éventuelles. L'AAH représente, à elle seule, 11,1 milliards d'euros de dépenses en 2020 dans le budget global de 51 milliards d'euros consacrés aux politiques publiques de soutien et d'accompagnement des personnes en situation de handicap. Conformément à l'engagement du Président de la République, le niveau de l'AAH a été augmenté de manière conséquente. En effet, s'établissant à 810 euros par mois en avril 2018, le Gouvernement a porté l'AAH à 903,60 euros par mois depuis le 1e avril 2021. Cela représente une augmentation de pouvoir d'achat de près de 12 % pour les 1,2 millions de personnes bénéficiaires de l'AAH. Le coût de cette augmentation est estimé à plus de 2 milliards d'euros sur l'ensemble du quinquennat. Depuis 2017, le Gouvernement s'est engagé dans une politique qui place au cœur de ses principes la société inclusive, en considérant les personnes en situation de handicap comme des citoyens de droit commun. Nous ne pouvons demander légitimement que les personnes en situation de handicap soient des citoyens à part entière s'ils ne s'inscrivent pas dans les dispositifs même de notre contrat social basé sur le droit commun. Le fait de déconjugaliser viendrait remettre en cause l'ensemble de notre système socio-fiscal, fondé sur la solidarité familiale, conjugale et nationale. En effet, la solidarité nationale s'appuie sur la solidarité conjugale pour adapter son soutien aux personnes précaires. Cette solidarité conjugale est consacrée par l'article 212 du code civil, qui précise que « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance » : les principes sur lesquels se basent le calcul de l'AAH ne lui sont donc pas spécifiques et concernent l'ensemble des minimas sociaux. La déconjugalisation viendrait alors créer un précédent qui pourrait entrainer l'ensemble des minimas sociaux dans son nouveau mode de calcul. A titre d'exemple, le coût d'une individualisation totale du RSA avait été estimé à près de 9 milliards d'euros en 2016. Par ailleurs, la déconjugalisation n'est pas la réponse à l'accompagnement de l'autonomie qui accompagne parfois le handicap, car celle-ci est déjà prise en compte par la prestation de compensation du handicap (PCH). En effet, près d'un tiers des personnes percevant l'AAH peuvent avoir en moyenne 500 euros de plus au titre de la PCH. La fixation d'un montant plus élevé pour l'AAH (903,6 euros) que pour le RSA-socle (564,8 euros) correspond bien à la prise en compte de la spécificité du handicap, et non à une logique de compensation. Les abattements sur les ressources prises en compte pour l'AAH sont nettement supérieurs à toutes autres allocations, que ce soit s'agissant des revenus du conjoint mais aussi du bénéficiaire, afin de rendre plus favorable le cumul d'un emploi avec l'AAH pour les personnes en situation de handicap. Actuellement, le plafond pour percevoir l'AAH lorsqu'on est en couple est de 3000 euros si c'est la personne handicapée qui travaille, et de 2270 euros si c'est son conjoint qui travaille en raison d'un abattement supérieur à 50% sur les revenus du bénéficiaire. Néanmoins, la demande de déconjugalisation de l'AAH est révélatrice de la nécessité d'une prise en charge spécifique des femmes en situation de handicap victimes de violences et sous emprise de leur conjoint. Nous devons leur apporter une réponse concrète et opérationnelle. Actuellement, lorsqu'une séparation est signalée à une CAF, elle rentre dans les situations prioritaires, que la CAF s'engage à traiter en dix jours au plus tard. Ce mécanisme nécessite néanmoins un accompagnement massif des femmes violentées pour leur permettre de se loger, de sortir de l'emprise de leur conjoint.  Afin de proposer des mesures destinées à améliorer le repérage et l'accompagnement des femmes, des travaux sur plusieurs territoires d'expérimentation devront permettre de déterminer puis expérimenter un cadre permettant une plus grande réactivité du montant de l'AAH aux situations de violence conjugale. Les premiers jalons de ces travaux ont été lancés à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes du 8 mars dernier, avec l'aide du département de la Gironde. Ce groupe de pilotage départemental comprenant la Délégation départementale aux droits des femmes et à l'égalité, le Conseil Départemental, l'Agence régionale de santé, la Caisse d'allocations familiales et les associations sera appuyé au niveau national par la Direction générale de la cohésion sociale, la Caisse nationale d'allocations familiales ainsi que Secrétariat Général du Comité interministériel du Handicap avec l'appui et l'expertise du Ministère de la Justice y associant l'expertise du groupe de travail « handicap » mis en place dans le groupe de travail du Grenelle.