15ème législature

Question N° 37982
de Mme Clémentine Autain (La France insoumise - Seine-Saint-Denis )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > urbanisme

Titre > Grignon : pour la préservation du patrimoine et de son potentiel agronomique

Question publiée au JO le : 06/04/2021 page : 2854
Réponse publiée au JO le : 13/07/2021 page : 5530
Date de signalement: 15/06/2021

Texte de la question

Mme Clémentine Autain attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'actuelle opération immobilière qui vise le site de Grignon dans les Yvelines. L'appel d'offres n'offre ainsi aucune garantie en matière de protection de son formidable patrimoine historique et naturel. Le site de Grignon est un haut lieu de recherche agronomique depuis 200 ans, qui a toujours été mis au service de la promotion de nouvelles pratiques en matière d'agroécologie. À l'heure où la bifurcation écologique nécessite de l'État de développer la recherche, l'expérimentation et la protection de la biodiversité, les menaces qui pèsent sur le domaine sont des plus inquiétantes. Ce sont des centaines d'hectares, composés de forêts et de terres agricoles très fertile, qui sont aujourd'hui menacés d'artificialisation et de bétonisation, sans faire mention du très grand patrimoine historique du lieu. Cette situation ne parait pas être en adéquation avec l'ambition écologique que l'on doit avoir. C'est la raison pour laquelle Mme la députée rejoint les revendications des étudiants qui sont en train de bloquer le domaine pour demander un moratoire sur l'appel d'offres et une rencontre avec M. le ministre, conditionnée pour l'instant à un retrait du blocus sans que des gages aient été apportés en matière de protection du lieu. La lutte qui se dessine à Grignon dépasse largement le seul enjeu symbolique du site et de son histoire. Elle témoigne de choix politiques qui sont faits et qui fragilisent l'ambition portée par la France en matière d'engagement écologique. Elle lui demande donc s'il va rencontrer les étudiants mobilisés, pour apporter les garanties nécessaires à la préservation de ce patrimoine et de son potentiel en matière de recherche agronomique.

Texte de la réponse

Dans le cadre d'un partenariat entre AgroParisTech, l'institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE), et la caisse des dépôts et consignations, une société de réalisation dénommée Campus Agro SAS a été créée pour conduire le projet de construction d'un futur campus à Palaiseau regroupant à l'horizon 2022 les quatre campus franciliens d'AgroParisTech et les laboratoires associés de l'INRAE. Le plan de financement du projet immobilier d'AgroParisTech repose largement sur le produit des cessions des quatre sites franciliens d'AgroParisTech (Paris-Claude Bernard, Paris-Maine, Massy et Thiverval-Grignon). Dans ce contexte et pour contribuer au financement global du projet, l'État, par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation et le ministère chargé du domaine, a engagé la cession du site domanial de Thiverval-Grignon. La cession du site de Grignon a pris la forme d'un appel à projet ayant pour objet de désigner la personne (société ou groupement de sociétés, personne physique ou morale) qui s'engagera à acquérir le site dans les conditions prévues dans un règlement de consultation. Le processus de consultation, initié le 16 mars 2020 et dont le formalisme est encadré par l'étude notariale Chevreux, se déroule en trois phases successives : - une phase « candidature », où les candidats ont remis un dossier de candidature, à l'issue de laquelle les candidats ayant accès à la deuxième phase ont été sélectionnés. Dix candidats ont déposé une offre et ont été autorisés à déposer une offre ; - une phase « offre initiale », à l'issue de laquelle les candidats retenus avaient la faculté de déposer une offre avec le dossier de présentation et le bilan prévisionnel du projet. Quatre candidats ont déposé une offre et ont été retenus pour la phase finale ; - une phase « offre finale », où les candidats retenus pour cette phase ont remis une offre finale le 26 mars 2021 après des auditions qui se sont tenues début mars. Le site de Grignon demeurera occupé par AgroParisTech jusqu'au 31 décembre 2023 au plus tard, alors que le projet immobilier développé sur Saclay aboutira avec la rentrée universitaire 2022. L'ensemble du campus (mur d'enceinte inclus) est inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. Il comprend : - une zone bâtie de 24 ha comprenant des bâtiments d'enseignement, des résidences étudiantes et des laboratoires de recherche, et certains bâtiments désaffectés ; - une zone agricole de 113 ha exploitée en grande partie par une ferme d'AgroParisTech située à proximité ; - une zone boisée de 133 ha soumise au régime forestier au titre de bien propre d'AgroParisTech (il s'agit là d'une erreur car l'État en est le propriétaire ; l'arrêté correspondant est en cours d'abrogation). La procédure de cession du domaine de Grignon prévoit un allotissement qui doit permettre d'élargir l'offre de cession. Deux lots sont ainsi proposés : - lot 1 : un lot « urbanisé » reprenant l'ensemble des bâtiments ; - lot 2 : un lot incluant forêt et terres agricoles. Cet allotissement a permis à l'ensemble des candidats de présenter une offre, qu'ils soient intéressés par le seul secteur urbanisé ou par la totalité du site. La cession du seul lot 2 n'est pas autorisé. L'appel à projet retenu pour vendre le site de Grignon n'interfère pas avec les diverses protections patrimoniales et environnementales dont jouit d'ores et déjà le site et qui perdureront. Il offre un cadre aux standards des cessions des biens de l'État, à même d'assurer l'égalité de traitement entre les candidats et une transparence de la procédure. Il permet en outre, via la fixation d'objectifs, d'identifier le projet le mieux disant, tant en termes de prix que de qualité du projet envisagé. En amont de l'appel à candidatures, le principe de la cession a été porté à l'attention et soumis à l'avis de la commission nationale du patrimoine et de l'architecture (deuxième section), lors de sa séance du 23 janvier 2020. Cette formalité n'a pas conduit à une préconisation d'abandon de la cession. La commission nationale a également formulé à l'unanimité le vœu qu'une étude soit engagée en vue d'une éventuelle protection au titre des monuments historiques des collections mobilières de l'école. Des travaux sont ainsi actuellement menés en lien avec le ministère de la culture. L'appel à projet est construit autour d'un règlement de la consultation et des modalités de présentation des offres. Ce dernier, remis aux candidats retenus à l'issue de la phase de candidature, précise dans la deuxième partie, les prescriptions et grandes orientations auxquelles les projets présentés devront répondre : - le candidat est libre de proposer le projet de son choix dans la mesure où il lui appartiendra de faire évoluer la réglementation pour la réalisation de son projet ; - toutefois, compte tenu de la situation dans un périmètre de protection de monument historique, un traitement architectural de qualité devra donc être mis en œuvre, par les candidats, afin d'optimiser l'intégration dans son environnement ; - une attention particulière sera portée à la dimension environnementale du projet sur laquelle il est attendu de la part des candidats une réflexion approfondie. Compte tenu des contraintes réglementaires et de l'intégration architecturale sensible, la production d'une note architecturale et d'intégration paysagère et environnementale sera appréciée. L'article 6 du même règlement de la consultation précise les critères de choix des candidatures par les membres du jury : - les capacités financières d'investissement et les références financières ; - les capacités techniques à répondre avec pertinence (qualité des références des membres de l'équipe, contenu et qualité des produits développés en adéquation avec les objectifs) ; - l'organisation, les intentions et la motivation du candidat au regard notamment des enjeux urbains, patrimoniaux et économiques. L'article 7 de ce même règlement présente, à l'attention des candidats, les critères de classement et jugement des offres présentées. Il s'agit, entre autres et s'agissant de la qualité du projet : - du contenu et qualité des produits et du programme du candidat ; - du traitement architectural et paysagé du projet ; - de l'intégration des enjeux urbains et environnementaux. Enfin, le dossier fourni aux candidats mentionne toutes les contraintes règlementaires portant sur le site, rappelant notamment l'existence d'une zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF) et un site d'intérêt géologique et de protection de géotopes. Le jury est présidé par un représentant de la direction de l'immobilier de l'État, au titre de l'État propriétaire. Il est constitué, outre le représentant de la direction de l'immobilier de l'État, d'un représentant du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, d'un représentant de l'école, d'un représentant de la direction départementale des finances publiques des Yvelines et d'un représentant de la direction nationale d'interventions domaniales. Les membres du jury sont tenus par une obligation de stricte confidentialité afin de préserver l'équité de traitement des candidats. Les inquiétudes des étudiants quant à l'avenir du site après la cession se sont exprimées en diverses occasions et plus particulièrement avec l'occupation du site durant plusieurs semaines, alors que la procédure de cession touche à sa fin. Ces inquiétudes ont été entendues par le cabinet du ministère de l'agriculture et de l'alimentation lors d'une entrevue le 19 mars et par le directeur de l'immobilier de l'État lors de deux entrevues le 22 mars et le 3 mai. De plus, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a tenu une réunion avec des représentants étudiants le 7 mai 2021. La situation a pu ainsi s'apaiser avec la levée du blocus.