Gestion territorialisée de la crise sanitaire
Question de :
M. Paul Molac
Morbihan (4e circonscription) - Libertés et Territoires
Question posée en séance, et publiée le 3 mars 2021
GESTION TERRITORIALISÉE DE LA CRISE SANITAIRE
M. le président. La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac. Monsieur le Premier ministre, vous semblez vouloir prendre de plus en plus de mesures territorialisées de lutte contre le virus. Cela fait longtemps que nous vous alertons sur la nécessité d'une réponse sanitaire différenciée en fonction des réalités territoriales ; ce n'est pourtant que ce week-end que vous avez décidé des restrictions ciblées contre des foyers épidémiques locaux dans des zones infra-départementales des Alpes-Maritimes et du Nord. Le travail de concertation avec les élus locaux est, pour une fois, à saluer, puisqu'il évite la généralisation de mesures de restriction qui ne s'imposent pas dans d'autres territoires moins touchés. C'est une méthode que nous avons toujours défendue mais qui, hélas, ne s'applique, selon votre logique, que dans le sens d'un renforcement des restrictions.
Au contraire de ces territoires très touchés, il en existe d'autres dont l'indice de circulation du virus est resté faible tout au long de la crise. Je pense ici au Sud-Ouest, mais aussi à la Bretagne, dont les services hospitaliers n'ont jamais été débordés. La territorialisation des réponses doit aller dans les deux sens : là où ça va mal, on serre la bride ; là où ça va bien, on la desserre. Je vous avoue que c'est l'incompréhension en Bretagne, où la circulation du virus est cinq à six fois moins importante que dans d'autres endroits. Cette situation est considérée comme une injustice, car il n'est pas possible d'aller se promener seul dans le bois ou en bord de mer après le travail, et l'on doit faire ses courses à dix-huit heures dans un supermarché bondé ou dans un petit commerce qui l'est de même.
Il ne s'agit évidemment pas de tout lâcher, mais de redonner, de manière graduée, un peu de marge de manœuvre à nos commerçants, à nos étudiants, à nos travailleurs. Nous pourrions, en premier lieu, envisager une expérimentation encadrée du report du couvre-feu à vingt heures, alors que la forte contrainte imposée par le couvre-feu à dix-huit heures n'a pas prouvé son efficacité. Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à différencier, avec les élus locaux, les mesures sanitaires dans le sens d'un encadrement allégé là où cela va bien ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LT.– Mme Christine Pires Beaune applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Pierre Cordier. Et des masques, et des vaccins !
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Je peux comprendre le sens de votre question ; la différenciation territoriale va dans un sens, afin de prendre les mesures les plus adaptées là où il faut absolument les prendre. Je note, monsieur le député, que vous n'avez pas voté pour l'état d'urgence sanitaire, lequel nous permet aujourd'hui de prendre ces mesures là où elles sont nécessaires, après concertation avec les élus locaux (Protestations sur les bancs des groupes LR, LT, FI et GDR),…
M. André Chassaigne. C'est trop facile !
M. Maxime Minot. C'est condescendant !
M. Olivier Véran, ministre . …mais je vois que vous êtes maintenant d'accord avec ces mesures et je suis sûr que, dans quelques jours, vous aurez lu les conclusions des scientifiques qui s'accumulent depuis un mois sur les bureaux de tous les responsables publics pour montrer que le couvre-feu à dix-huit heures a eu un réel impact sur la diffusion du virus. Nous en reparlerons.
La territorialisation n'est pas une nouveauté qui date de la semaine dernière. Je vous rappelle qu'il y a un an, moins quelques jours, j'étais dans l'Oise, à Crépy-en-Valois, où il y avait des clusters de cas de covid-19. Nous avons, là-bas, fermé les premières écoles et les premiers ERP – établissements recevant du public. Ces décisions ont précédé de quelques jours d'autres mesures territorialisées dans d'autres territoires français, notamment dans le grand Est.
M. Guy Teissier. C'était l'époque où les masques n'étaient pas bons !
M. Olivier Véran, ministre . Il y a eu cet été, au cœur du mois de juin, la Mayenne dont je parlais tout à l'heure ; il y a eu la Guyane, les Bouches-du-Rhône et Marseille. Chaque fois, il y a eu territorialisation ; ce n'est pas une nouveauté, mais j'entends que vous accompagnez le mouvement et je vous en remercie.
Votre question, qui consiste à demander d'alléger les restrictions, pose une difficulté. Vous avez raison, il y a une hétérogénéité importante entre l'ouest et l'est du pays ; mais, si l'ouest part d'une incidence plus faible, certains départements y présentent une dynamique épidémique plus importante qu'à l'est. Par conséquent, si vous relâchez les efforts des habitants en allégeant certaines contraintes – même si je comprends le concept –, vous prenez le risque que, de 20 % supplémentaires par semaine, on passe à 40 %, et alors, l'ouest rejoindrait assez vite l'est.
Enfin, je ne suis pas convaincu par la politique de stop and go au moment déterminant, comme l'a rappelé le Président de la République, où l'on sait que, pendant quatre à six semaines encore, quoi qu'il arrive, on n'abaissera pas le niveau des contraintes qui pèsent sur les Français et où l'on essaie de tout faire pour éviter un confinement généralisé. Même si je comprends votre question et si je la trouve cohérente et logique, elle ne peut pas trouver de réponse dans l'immédiat, car ce serait envoyer un signal qui ne serait pas compris par les Français à l'heure où tout le monde se bat pour éviter un nouveau confinement et maintenir un certain niveau de liberté pour tous les Français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac. Il me reste dix secondes pour dire à M. le ministre qu'il sait très bien pourquoi nous n'avons pas voté pour l'état d'urgence sanitaire,…
M. Pierre Cordier. Très bien Molac !
M. Paul Molac. …et que la concertation entre les élus locaux et les élus nationaux me semble particulièrement importante pour que nous puissions agir ensemble. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LT.)
Auteur : M. Paul Molac
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 mars 2021