Ritaline
Question de :
M. Philippe Gosselin
Manche (1re circonscription) - Les Républicains
M. Philippe Gosselin attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur le risque persistant des dérives de consommation de psychotropes chez les jeunes. Cela fait déjà plusieurs années que la prescription de psychotropes, et notamment de psychostimulants, a explosé pour les enfants diagnostiqués hyperactifs, lors de dépistages devenus systématiques. En effet, entre 2012 et 2020, le nombre de prescriptions de psychostimulants remboursés par la sécurité sociale a augmenté de 143 %, soit un passage de 503 956 boîtes remboursées en 2012 à 1 227 013 boîtes en 2020. Il rappelle que les travaux des professeurs Bégaud et Costagliola, publiés en septembre 2013 dans le « rapport sur la surveillance et la promotion du bon usage du médicament en France », montrent que les psychotropes sont utilisés de manière excessive en France et que leur usage ne respecte pas souvent les recommandations des médecins s'agissant des indications ou du suivi de la durée de traitement prescrit. De plus, alors que la prescription de ce type de médicaments est exclusivement réservée aux médecins hospitaliers, il note que 30 % des primo-prescriptions sont réalisées de manière illégale par des médecins libéraux, généralistes ou spécialistes selon l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Cette dernière avait été sollicitée en 2019 par le ministère, pour disposer d'un état des lieux actualisé et des actions mises en œuvre. Or aucun nouveau rapport de l'ANSM n'a toutefois été publié depuis. Il lui demande donc les mesures qu'il entend prendre pour éviter la généralisation et la banalisation de la consommation de psychotropes chez les jeunes et à quelle échéance l'ANSM compte rendre son rapport. Face à ces éléments, il souhaite connaître quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour limiter et au mieux encadrer son utilisation, dans l'attente d'études plus précises sur les conséquences de la prise de ce médicament.
Réponse publiée le 25 mai 2021
Le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité (TDAH) est une pathologie qui débute dans l'enfance. Les symptômes d'hyperactivité motrice deviennent ensuite moins marqués à partir de l'adolescence. L'agitation, l'inattention et l'impulsivité peuvent néanmoins persister à l'âge adulte. Actuellement, le diagnostic est réalisé selon les critères de l'association psychiatrique américaine (DSM-V) ou selon la classification internationale des maladies de l'Organisation mondiale de la santé (ICD-10). Les spécialités commercialisées en France et indiquées dans le cadre d'une prise en charge globale du TDAH chez l'enfant de plus de 6 ans et plus, lorsque les mesures correctives seules s'avèrent insuffisantes, à savoir Ritaline, Concerta LP, Quasim LP, Medikinet et Méthylphénidate Mylan Pharma, dont le principe actif est le méthylphénidate, ont été mises sur le marché à partir de 1996 pour la Ritaline et dans les années 2000 pour les autres spécialités. En cas de traitement prolongé, il est recommandé d'interrompre régulièrement le traitement (au moins une fois par an) pour en réévaluer l'utilité ; il peut s'avérer approprier de poursuivre ce traitement à l'âge adulte en cas de persistance des symptômes et de bénéfice avéré. Dans ce contexte, l'instauration d'un traitement par méthylphénidate doit s'inscrire dans une véritable stratégie thérapeutique globale de prise en charge psychothérapeutique et éducative du patient. Le traitement relève d'une prescription initiale hospitalière annuelle réservée aux spécialistes et/ou aux services spécialisés en neurologie, en psychiatrie ou en pédiatrie. Il doit être initié sous contrôle d'un spécialiste des troubles du comportement de l'enfant et/ou de l'adolescent ; en cas d'absence d'amélioration après un mois, il doit être interrompu. En raison des effets indésirables potentiels du méthylphénidate, de la population pédiatrique à laquelle les médicaments en question s'adressent et du risque de mésusage, l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), en lien avec l'agence européenne des médicaments, a mis en place une surveillance renforcée à laquelle s'ajoute des mesures de réduction des risques. Le méthylphénidate fait ainsi l'objet d'un plan de gestion des risques (PGR) européen et d'un suivi national renforcé de pharmacovigilance et d'addictovigilance. En ce sens, l'ANSM a rendu public en mai 2017 un rapport faisant un état des lieux sur l'utilisation du méthylphénidate et sa sécurité d'emploi en France, disponible sur son site internet (https://ansm.sante.fr/actualites/methylphenidate-donnees-dutilisation-et-de-securite-demploi-en-france), ainsi qu'une mise à jour de la brochure informative à destination des patients et de leur entourage intitulée « Vous et le traitement du trouble déficit de l'attention / hyperactivité par méthylphénidate » visant à rappeler les risques liés au méthylphénidate, les modalités de surveillance et les règles de bon usage. Dans le cadre du PGR européen, des documents d'aide à la prescription rappelant les éléments de bon usage, de sécurité et de surveillance sont mis à disposition des psychiatres, neurologues pédiatres et médecins généralistes. Ils sont téléchargeables à partir du site http://methylphenidate-guide.eu/fr. Un suivi des données d'utilisation est également mis en place au niveau national à partir des données du Système national des données de santé (SNDS) portant sur le remboursement (Open Medic). Les données issues des dépenses de médicaments interrégimes sur la période 2014-2018 mettent en évidence une poursuite de l'augmentation de l'utilisation du méthylphénidate en France au même rythme que précédemment, soit de l'ordre de 10% par an, pour atteindre 87 079 patients traités en 2018 contre 62 057 en 2014. Sur cette période, la répartition par tranche d'âge est la suivante : 83% âgés de moins de 20 ans, 16% âgés de 20 à 59 ans et 1% âgés de 60 ans ou plus. Néanmoins, entre 2016 et 2018, l'utilisation en France reste faible en comparaison de celle d'autres pays européens tels que la Suède, la Norvège, le Danemark, l'Espagne, l'Allemagne et le Royaume-Uni. En extrapolant les estimations de la prévalence du TDAH, comprise entre 2% et 5% des enfants d'âge scolaire, à la population des enfants âgés de 6 à 17 ans, le nombre d'enfants souffrant de TDAH en France métropolitaine en 2019 serait compris entre environ 191 000 et 480 000. Le nombre de patients traités en France, autour de 90 000, reste donc limité au regard de la prévalence estimée de la maladie. Ainsi, malgré une augmentation modérée et régulière de l'utilisation du méthylphénidate observée depuis le début des années 2000, celle-ci reste globalement faible en France, tant en comparaison des autres pays européens qu'au regard du nombre d'enfants atteints. Ce constat pourrait potentiellement refléter un problème de sous-diagnostic et/ou d'utilisation sous-optimale de ce traitement. Sur cet aspect, la Haute autorité de santé a publié en 2014 un rapport intitulé « Conduite à tenir en médecine de premier recours devant un enfant ou un adolescent susceptible d'avoir un trouble déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité ». L'objectif de cette recommandation est d'aider les médecins assurant les soins de premier recours à repérer le trouble et à orienter le patient et sa famille dans le système de soins notamment vers un médecin spécialiste du trouble, et à participer conjointement au suivi. L'ANSM poursuit le suivi national de pharmacovigilance et d'addictovigilance qu'elle a mis en place. La revue des données de sécurité effectuée par le Comité technique de pharmacovigilance le 16 octobre 2018, dont le compte rendu des travaux est disponible sur le site internet de l'agence, n'a pas mis en évidence de nouveaux risques. En 2019, l'évaluation européenne annuelle des rapports périodiques actualisés de sécurité pour les produits contenant du méthylphénidate a en outre confirmé que le rapport bénéfice/risque restait inchangé dans les indications approuvées, à savoir que le rapport entre les effets thérapeutiques positifs du médicament au regard des risques pour la santé du patient ou la santé publique liés à sa qualité, à sa sécurité ou à son efficacité demeure favorable. Une étude de suivi de la sécurité à long terme de l'utilisation du méthylphénidate chez l'adulte est également en cours au niveau européen, suite à l'autorisation de mise sur le marché du méthylphénidate dans cette population dans un certain nombre d'Etats membres. Le rapport final de cette étude est attendu pour fin 2022. Enfin, une actualisation des données d'utilisation sur la période 2018-2020 devrait être prochainement réalisée par le Groupement d'intérêt scientifique EPI-PHARE. Constitué fin 2018 entre l'ANSM et la Caisse nationale de l'assurance maladie, EPI-PHARE a pour missions de réaliser et de coordonner des études de pharmaco-épidémiologie pour éclairer les pouvoirs publics dans la prise de décision, ainsi que de répondre à la demande croissante d'études basées sur les données du Système national des données de santé.
Auteur : M. Philippe Gosselin
Type de question : Question écrite
Rubrique : Pharmacie et médicaments
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Dates :
Question publiée le 13 avril 2021
Réponse publiée le 25 mai 2021