Question écrite n° 38302 :
Surveillants pénitentiaires : nécessaire évolution statutaire

15e Législature

Question de : M. Fabien Di Filippo
Moselle (4e circonscription) - Les Républicains

M. Fabien Di Filippo attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conditions de travail de plus en plus difficiles des surveillants pénitentiaires et sur le manque de reconnaissance de ce métier, pourtant indispensable. Les surveillants pénitentiaires exercent un métier difficile en contact permanent avec des publics souvent peu enclins au respect des règles du milieu carcéral. Trop peu nombreux pour encadrer de façon optimale les détenus, ils sont pourtant très régulièrement amenés à aller au-delà de leurs fonctions initiales, par exemple en apportant un soutien psychologique à certains détenus, sans pour autant être formés pour cela ou en assurant des missions d'extraction judiciaire, opérations sensibles s'agissant des déplacements sur la voie publique dans un environnement non sécurisé (risques d'évasion, de rébellion voire d'attaque). En conséquence, il est de plus en plus difficile de procéder à des recrutements de surveillants pénitentiaires et certains postes ouverts restent d'ailleurs non pourvus, faute de candidats. Il est aisé d'en comprendre les raisons, d'une part, la difficulté de ce métier qui a considérablement évolué ces dix dernières années et, d'autre part, l'absence de reconnaissance de leur travail. En effet, actuellement les surveillants pénitentiaires occupent un emploi de catégorie « C », or, au vu de l'évolution de leurs fonctions, de la surpopulation carcérale et de ses conséquences sur le maintien de l'ordre, il semblerait opportun, afin de valoriser la fonction, que le recrutement puisse se faire en emploi de catégorie « B ». Ce changement de catégorie permettrait de reconnaître cette profession comme représentant une véritable force de sécurité publique. Il lui demande quels sont les avancées auxquelles le Gouvernement entend procéder afin de renforcer l'attractivité d'un métier en souffrance et de résorber les situations de sous-effectif croissant de la plupart des centres pénitentiaires.

Réponse publiée le 23 novembre 2021

Depuis 2017, l'administration pénitentiaire a mis en œuvre de nombreuses réformes afin de rendre plus attractif le métier de surveillant pénitentiaire et de valoriser l'engagement de ces personnels sur le terrain, dans des conditions parfois difficiles, notamment lors de la crise sanitaire. Le relevé de conclusions du 25 janvier 2018 a permis la mise en œuvre de mesures concrètes pour améliorer la sécurité des agents en détention, accélérer les recrutements et renforcer les dispositifs de revalorisation indemnitaire. Ainsi, le taux de base de l'indemnité pour charges pénitentiaires (ICP) a été revalorisé, passant de 1 000 € à 1 400 €, pour le seul corps d'encadrement et d'application (CEA) du personnel de surveillance. La prime de sujétion spéciale (PSS) pour les personnels en tenue (CEA et le corps de commandement) a été augmentée de deux points sur quatre années (soit un passage de 26 à 28 % du traitement brut entre le 1>er> mars 2018 et le 1>er> janvier 2021). L'arrêté du 17 juin 2019 a complété cette mesure par un passage de la PSS à 28,5 % (permettant la parité avec la police nationale) au 1>er> janvier 2022 (+0,5 %). Enfin, la prime de dimanche et jours fériés a été revalorisée de 26 € à 36 € à compter du 1>er> mars 2018. Le décret n° 2018-1319 du 28 décembre 2018 a également créé une prime de fidélisation attribuée aux membres du corps de commandement et du CEA, incluant deux dispositifs. Le premier est le versement d'une prime de 1 000 € pour les agents ayant accompli trois années d'exercice effectif de leurs fonctions au sein d'une liste d'établissements non attractifs. Le second concernera les lauréats d'un concours de surveillants à affectation locale, qui se verront verser une prime en trois fractions : 4 000 € bruts lors de l'affectation, 1 000 € bruts à l'issue de la troisième année d'exercice effectif des fonctions après l'affectation au sein de l'établissement ou service concerné, 3 000 € bruts à l'issue de la cinquième année d'exercice effectif des fonctions après l'affectation au sein de l'établissement ou service concerné. Par ailleurs, une réforme de la chaîne de commandement est mise en œuvre, selon le relevé de conclusions signé conjointement le 13 mars 2017 par le ministère de la Justice et l'UFAP UNSA prévoyant un troisième corps, de catégorie A, créé au sein de la filière de surveillance, intitulé « chefs des services pénitentiaires ». Ce positionnement implique un classement en catégorie active permettant aux agents concernés de continuer à bénéficier des avantages de la filière de surveillance pour leur retraite. Enfin, un double plan de requalification (passage de 450 agents de catégorie B en A et de 1 400 agents de catégorie C en B) et l'assouplissement temporaire des conditions d'ancienneté pour être promu 1>er> surveillant doit permettre l'alimentation de la nouvelle structuration de la chaîne de commandement sur une période de quatre ans (2020-2023). Dans ce même sens, la loi de finances pour 2021 porte de nouvelles mesures de revalorisation des personnels de l'administration pénitentiaire. S'agissant des surveillants en particulier, une mesure de 5,3 M€ va permettre la revalorisation de l'indemnité pour charges pénitentiaires, en ciblant les débuts de carrière. Entre décembre 2014 et juillet 2020, l'effectif des personnels de surveillance a augmenté de 15 % avec l'ouverture de nouveaux établissements et le développement de nouvelles missions, en particulier la reprise par l'administration pénitentiaire des extractions judiciaires. En réponse à ce besoin croissant, l'administration pénitentiaire s'est adaptée pour renforcer l'attractivité du concours de surveillant pénitentiaire. En 2020, un concours national à affectation locale, dont la vocation est de stabiliser les effectifs dans les établissements difficiles, a été mis en place pour la première fois. Les lauréats de ce concours s'engagent à y rester six années à compter de leur nomination en qualité de stagiaire et une prime de fidélisation leur est versée en deux temps. Grâce aux campagnes de communication, le nombre d'inscriptions au concours de surveillant pénitentiaire est élevé et, est en hausse depuis 2013. En réponse à l'érosion constatée des candidats au cours du processus de recrutement, l'administration pénitentiaire a modernisé l'organisation du recrutement, constitué de deux campagnes par an et avec une durée du concours (entre le début des inscriptions et l'entrée en formation) réduite à neuf mois afin de mieux répondre aux attentes des candidats. Dans ce but, des travaux de modernisation et de dématérialisation engagés dès 2018 pour la filière insertion et probation ont été étendus au concours de surveillant en 2020 : identification des candidats au moyen de codes-barres, dématérialisation des copies et création d'espaces privés pour les candidats, via internet, permettant une interaction avec le service organisateur. Enfin, la territorialisation des modes de recrutement apparaît comme un levier utile pour lutter contre les démissions en cours de scolarité ou dans l'année suivant la prise de fonction. Outre l'incitation financière à la fidélisation, ce type de concours offre au candidat la garantie d'être affecté dans une zone géographique déterminée, levant ainsi un certain nombre de freins potentiels à son intégration. L'administration pénitentiaire a également amélioré les perspectives de carrière des surveillants. La réforme de la chaîne de commandement, entrée en vigueur le 12 octobre 2019, répond à cette logique en renforçant les niveaux d'encadrement intermédiaires en détention. Elle s'accompagne d'une réflexion approfondie sur l'évolution du métier de surveillant (socle commun de formation, expérimentation du surveillant-acteur…). Cette démarche a été formalisée par une note du 16 novembre 2018 relative au rôle du surveillant, acteur incontournable d'une détention sécurisée, mettant l'accent sur les axes suivants : la fidélisation des agents sur les secteurs d'hébergement ; la participation active des surveillants à l'élaboration de leur planning ; la rationalisation des mouvements ; la sécurisation des agents dans la réalisation de leurs gestes professionnels, notamment à l'occasion des ouvertures de porte, moment sensible, par le binômage ou un fonctionnement en équipe par bâtiment ; la réalisation d'audiences, en vue d'informer la personne détenue sur le fonctionnement de la structure, lui rappeler ses droits mais également ses devoirs, la recadrer, lui faire expliciter ses demandes diverses et évaluer sa motivation, afin de s'en faire le relais auprès de l'encadrement et de lui faire part de son avis quant à l'opportunité de faire droit à la demande ou encore relayer les décisions prises par l'encadrement ; la participation du surveillant aux différentes instances relatives à la gestion et au suivi des personnes détenues. Le garde des sceaux a signé le 19 avril 2021 avec les représentants nationaux des organisations syndicales des personnels de surveillance une charte relative aux principes du surveillant pénitentiaire, acteur incontournable d'une détention sécurisée. Elle vise à revaloriser de façon solennelle les missions des surveillants autour de 4 idées clés : un cadre professionnel respectueux participant d'une meilleure qualité de vie au travail, un positionnement réaffirmé du surveillant au sein d'un collectif, une relation entre le surveillant et le détenu redéfinie, ainsi qu'une formation initiale renforcée et continue des surveillants. Le renforcement de la formation initiale a été mis en œuvre à compter de l'entrée de la 209>e> promotion d'élèves surveillants à l'ENAP en août 2021. Ainsi, la scolarité des surveillants est complétée par des séances sur le rôle du surveillant pénitentiaire, sur le fonctionnement des commissions pluridisciplinaires, sur la méthodologie de l'observation et les modalités de restitution de celle-ci (rédaction d'observations, d'écrits professionnels, intégration dans genesis, etc.). Ces outils feront par ailleurs l'objet d'une appropriation en stage par le biais de nouvelles notes de cadrage, permettant d'expérimenter avec les formateurs et les tuteurs ce nouveau rôle du surveillant. Pour l'année 2022, outre des revalorisations indemnitaires, le garde des sceaux porte une évolution du statut du corps d'encadrement et d'application visant à fusionner les grades de surveillant et de brigadier. Ce projet permettra d'améliorer le déroulement de la carrière et la rémunération indiciaire.

Données clés

Auteur : M. Fabien Di Filippo

Type de question : Question écrite

Rubrique : Lieux de privation de liberté

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 20 avril 2021
Réponse publiée le 23 novembre 2021

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