Taxe sur la valeur ajoutée et option pour l'assujettissement des loyers à la TVA
Publication de la réponse au Journal Officiel du 16 novembre 2021, page 8310
Question de :
M. Romain Grau
Pyrénées-Orientales (1re circonscription) - La République en Marche
M. Romain Grau attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur les modalités de l'option pour l'assujettissement des loyers à la TVA en application des dispositions de l'article 260, 2° du code général des impôts. Aux termes de l'article 261 D du code général des impôts : « Sont exonérées de la TVA : / (...) 2° Les locations de terrains non aménagés et de locaux nus, à l'exception des emplacements pour le stationnement des véhicules (...) ». Toutefois, aux termes de l'article 260 du même code : « Peuvent sur leur demande acquitter la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) 2° Les personnes qui donnent en location des locaux nus pour les besoins de l'activité d'un preneur assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ou, si le bail est conclu à compter du 1er janvier 1991, pour les besoins de l'activité d'un preneur non assujetti ». Pris pour l'application de ces dernières dispositions, les deuxième et troisième alinéas de l'article 193 de l'annexe II à ce code prévoient que : « Les personnes qui donnent en location plusieurs immeubles ou ensembles d'immeubles doivent exercer une option distincte pour chaque immeuble ou ensemble d'immeubles. Dans les immeubles ou ensembles d'immeubles comprenant à la fois des locaux nus donnés en location ouvrant droit à l'option en application du 2° de l'article 260 du code général des impôts et d'autres locaux, l'option ne s'étend pas à ces derniers mais elle s'applique globalement à l'ensemble des locaux de la première catégorie ». Dans une décision en date du 9 septembre 2020 (n° 439143, 8e et 3e chambres réunies, SCI EMO), le Conseil d'État a jugé que ces dispositions, interprétées à la lumière de l'article 137 de la directive n° 2006/112/CE, permettent à un contribuable d'opter pour la soumission à la TVA de la location de certains seulement des locaux qu'il exploite dans un même bâtiment et que si elles lui permettent d'opter pour l'imposition de l'ensemble des locations qu'il réalise dans ce bâtiment, elles ne lui en font pas obligation. Le Conseil d'État a ainsi jugé que l'option exercée en vue de la soumission à la TVA de la location de certains seulement des locaux d'un même bâtiment n'a pas pour effet de soumettre à cette taxe la location des autres locaux. Les commentaires publiés au BOFIP le 4 avril 2014 sous la référence BOI-TVA-CHAMP-50-10 prévoient, quant à eux, que l'option exercée couvre obligatoirement tous les locaux non exclus de son champ d'application qu'un bailleur possède dans un immeuble donné. Il souhaiterait connaître la position du Gouvernement sur les questions suivantes : une telle option s'opère-t-elle par désignation, dans la lettre d'option, des locaux concernés ou par désignation des baux, et ceci sans qu'il soit nécessaire de procéder à une division juridique de l'immeuble ? Lorsque l'immeuble est donné en location à un seul locataire, est-il possible d'opter pour une partie des locaux seulement, de sorte que le bail soit soumis à deux régimes de TVA distincts ? Le principe demeure-t-il celui énoncé par l'article 209, I-2° de l'annexe II au CGI, à savoir que, pour les besoins des droits à déduction, l'immeuble au sein duquel sont exploités les locaux constitue, dans son intégralité, un secteur d'activité distinct ? La réponse est-elle identique lorsque l'immeuble contient des locaux n'ouvrant pas droit à option, hormis le cas des logements sociaux ? S'agissant des options exercées par bâtiment avant la décision SCI EMO, il lui demande s'il est possible de restreindre l'option initialement exercée à certains locaux seulement, sans attendre le 1er janvier de la neuvième année civile qui suit celle au cours de laquelle l'option initiale a été exercée et sans que cette modification ne fasse partir un nouveau délai.
Réponse publiée le 16 novembre 2021
La directive n° 2006/112/UE relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pose le principe de l'exonération des locations de biens d'immeubles en application de son article 135 paragraphe 1 sous l) et permet aux États membres d'accorder à leurs assujettis le droit d'opter pour la taxation de ces opérations conformément aux dispositions de son article 137, paragraphe 1. La France a fait usage de cette faculté en droit interne en prévoyant, au 2° de l'article 260 du code général des impôts (CGI), que peuvent sur leur demande acquitter la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) les personnes qui donnent en location des locaux nus pour les besoins de l'activité d'un preneur assujetti, ou d'un preneur non assujetti lorsque le bail fait expressément mention de cette option. Les conditions et modalités de cette option sont précisées par l'article 193 de l'annexe II au code général des impôts (CGI) qui prévoit dans son deuxième alinéa que « les personnes qui donnent en location plusieurs immeubles ou ensembles d'immeubles doivent exercer une option distincte pour chaque immeuble ou ensemble d'immeubles » et dans son troisième alinéa que « dans les immeubles ou ensembles d'immeubles comprenant à la fois des locaux (…) ouvrant droit à l'option et d'autres locaux, l'option ne s'étend pas à ces derniers mais elle s'applique globalement à l'ensemble des locaux de la première catégorie ». Ces dispositions ont conduit l'administration à considérer dans ses commentaires publiés au Bulletin officiel des Finances Publiques BOFIP-impôts référencé BOI-TVA-CHAMP-50-10, qu'à ce qu'une fois exercée par le loueur, l'option pour la taxation s'applique globalement à l'ensemble des locaux nus à usage professionnel donnés en location situés dans l'immeuble ou ensemble d'immeubles concerné. Néanmoins, dans son arrêt n° 439143 du 9 septembre 2020, « SCI EMO », le Conseil d'État (CE) a jugé qu'il n'appartenait pas aux États membres de restreindre la portée des exonérations prévues par la directive relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Pour le juge, les dispositions de l'article 193 de l'annexe II au code général des impôts (CGI) précitées permettent à un contribuable d'opter pour la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de la location de certains seulement des locaux qu'il exploite dans un même bâtiment. En substance, si elles lui permettent également d'opter pour l'imposition de l'ensemble des locations qu'il réalise dans ce bâtiment et si dans ce cas, seules celles de ces locations qui portent sur des locaux n'ouvrant pas droit à option restent, le cas échéant, exonérées de la taxe, elles ne lui en font pas obligation. L'option exercée en vue de la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de la location de certains seulement des locaux d'un même bâtiment n'a alors pas pour effet de soumettre à cette taxe la location des autres locaux. Dès lors, il résulte de cette analyse qu'il est loisible au bailleur, lors de l'exercice de son option, de mentionner, de façon expresse, précise et non équivoque, les locaux nus à usage professionnel situés dans l'immeuble ou ensemble d'immeubles concernés pour lesquels il entend soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) les loyers. Ce choix ne dépend pas de l'existence d'une division juridique de l'immeuble et de ses locaux mais peut s'apprécier par opération de location. Ainsi, lorsqu'un même contrat de bail concerne des locaux nus à usage professionnel situés dans un même immeuble, le bailleur peut soit exercer l'option pour l'ensemble de ces locaux, soit écarter l'option au titre de ces mêmes locaux. Par ailleurs, la jurisprudence du Conseil d'État (CE) est sans incidence sur le régime applicable à des locaux non couverts par l'option, que leur location soit exonérée sans possibilité d'option (locaux à usage d'habitation) ou que cette location soit soumise de plein droit à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) (par exemple, les locations de locaux meublés à usage d'habitation assorties de prestations para-hôtelières mentionnées au 4° de l'article 261 D du CGI). En tout état de cause, l'arrêt du Conseil d'État (CE) ne remet pas en cause la règle selon laquelle, pour le calcul de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) déductible, chaque immeuble ou ensemble d'immeubles ayant fait l'objet d'une option constitue un secteur d'activité au sens de l'article 209 de l'annexe II au code général des impôts (CGI). Ainsi, en cas d'option, le dénominateur du calcul du coefficient de taxation forfaitaire prévu au 3 du III de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts (CGI) applicable à un tel secteur peut donc, selon les situations, comprendre du chiffre d'affaires exonéré n'ouvrant pas droit à déduction (par exemple au titre des locations de locaux d'habitation exclus de l'option ou des locations des locaux couverts par l'option mais pour lesquels le bailleur n'a pas entendu opter) et du chiffre d'affaires taxé, de plein droit ou sur option. Enfin, pour les options en cours à la date de l'arrêt du Conseil d'État (CE) pour lesquelles court la période de neuf années civiles mentionnées à l'article 194 de l'annexe II au code général des impôts (CGI), les bailleurs sont fondés, sous réserve d'en informer l'administration, à en limiter la portée dans le respect des principes rappelés ci-dessus sans que cette limitation n'ait une incidence sur le décompte et le terme de cette période.
Auteur : M. Romain Grau
Type de question : Question écrite
Rubrique : Taxe sur la valeur ajoutée
Ministère interrogé : Économie, finances et relance
Ministère répondant : Économie, finances et relance
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 28 juin 2021
Dates :
Question publiée le 20 avril 2021
Réponse publiée le 16 novembre 2021