15ème législature

Question N° 38429
de M. Bernard Perrut (Les Républicains - Rhône )
Question écrite
Ministère interrogé > Affaires européennes
Ministère attributaire > Affaires européennes

Rubrique > bois et forêts

Titre > Déforestation importée et commerce mondial

Question publiée au JO le : 27/04/2021 page : 3540
Réponse publiée au JO le : 20/07/2021 page : 5730

Texte de la question

M. Bernard Perrut attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes, sur les importations de l'Union européenne (UE) qui représentent 16 % de la déforestation liée au commerce mondial. C'est le constat d'une étude du World Wide Fund (WWF), fonds mondial pour la nature, qui a comparé l'impact du commerce mondial sur la déforestation. Ce chiffre place l'UE à la seconde place derrière la Chine (24 %), et loin devant l'Inde (9 %), les États-Unis d'Amérique (7 %) et le Japon (5 %). Parmi les pays européens, la France se situe à la sixième place de cette « déforestation importée », qui est principalement due aux importations de soja, d'huile de palme, de la viande de bœuf, des produits dérivés du bois, du cacao et du café. Depuis 2018, la France a inversé cette tendance avec la mise en place de la stratégie nationale de lutte contre la « déforestation importée », mais d'autres pays de l'UE, comme l'Allemagne, l'Italie ou l'Espagne ne connaissent pas cette même évolution. Aussi il lui demande quelles sont les intentions de la France afin de pousser l'Europe vers des politiques plus strictes en matière de « déforestation importée », avec des incitations pour les entreprises à informer les consommateurs concernant l'impact sur les écosystèmes naturels, et notamment les forêts, des produits qu'elles proposent.

Texte de la réponse

La déforestation causée par l'activité humaine se poursuit à un rythme alarmant, menaçant notamment des forêts tropicales irremplaçables qui sont, entre autres, essentielles à la lutte contre le changement climatique et à la préservation de la biodiversité. Les autorités françaises rappellent que la lutte contre la déforestation importée est une priorité de premier ordre pour la France, et un enjeu majeur de cohérence entre la politique commerciale de l'Union européenne (UE) et ses objectifs en matière de développement durable, conformément au Pacte vert. En 2018, la France a adopté une stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI) mobilisant toutes les parties prenantes (pouvoirs publics, importateurs, industriels, transformateurs, distributeurs, recherche, et ONG). Cette stratégie s'appuie sur une démarche volontaire au niveau français avec l'implication de plusieurs ministères dont le ministère de la Transition écologique et le ministère de l'Europe et des Affaires étangères. Compte tenu des interactions fortes avec la politique commerciale de l'UE, il est essentiel que cette problématique soit traitée au niveau de l'UE, qui demeure l'échelle pertinente pour une intervention décisive et efficace sur cette politique prioritaire. Les autorités françaises soutiennent fortement l'initiative que la Commission présentera cette année et son objectif d'éviter ou réduire la mise sur le marché européen de produits issus de la déforestation et de la dégradation importée. Elles souhaitent qu'elle se traduise par la mise en place d'un cadre européen le plus ambitieux possible s'agissant de cette préoccupation majeure de nos opinions publiques, assurant à la fois la légalité et la durabilité des produits importés, en toute compatibilité avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). La future réglementation devra notamment viser un objectif environnemental de lutte contre le changement climatique et de protection de la biodiversité. En outre, l'UE devra faire preuve de transparence dans sa mise en œuvre et d'une volonté avérée de coopération internationale, notamment avec les pays producteurs de denrées sensibles pour la déforestation. Les autorités françaises ont notamment appelé l'attention de la Commission sur l'importance d'envisager un ensemble de mesures complémentaires, combinant actions volontaires et dispositions réglementaires contraignantes afin de garantir l'atteinte d'objectifs ambitieux. Au plan règlementaire, les autorités françaises privilégient deux composantes essentielles pour l'initiative future de la Commission. Le premier pilier doit être la définition d'un cadre commun pour la traçabilité des commodités concernées pour toutes les entreprises de l'UE. Les autorités françaises estiment indispensable d'assurer une traçabilité accrue grâce à la mise en place d'une diligence raisonnée obligatoire des entreprises au niveau européen et à l'intégration d'un axe « déforestation et déforestation importée » dans le cadre de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). En outre, ces efforts doivent être complétés par une approche règlementaire fondée sur la légalité et la durabilité reposant sur une définition claire à l'échelle de l'UE des produits susceptibles de conduire à la déforestation. En complément de ces efforts règlementaires, les autorités françaises attachent une grande importance à la mise en place d'une plateforme sur la lutte contre la déforestation importée accessible à l'ensemble des acteurs, au développement d'un système d'alerte précoce à destination des entreprises susceptibles d'importer des produits pouvant être source de déforestation et à l'instauration d'un label européen « zéro déforestation ». Par ailleurs, ces initiatives doivent aller de pair avec une meilleure intégration de la lutte contre la déforestation dans l'ensemble des politiques de l'Union. Cette priorité doit être pleinement intégrée à la politique d'aide au commerce et d'aide au développement, afin d'accompagner les pays producteurs par une variété d'actions (gestion durable des forêts, accompagnement des petits producteurs, développement de la certification…). La politique commerciale doit également être mobilisée, en renforçant la problématique de la déforestation importée à tous les stades de négociation des accords commerciaux de l'UE. Enfin, il importe de développer l'autonomie protéique européenne, afin de limiter les importations des protéines végétales dont la production participe à la déforestation. Enfin, la France promeut depuis le Sommet du G7 de Biarritz en août 2019 une initiative mondiale de lutte contre la déforestation importée impliquant l'Europe et les principaux bailleurs dans ce domaine (Royaume-Uni, Norvège, Allemagne). Cette initiative intitulée « Alliance pour la préservation des forêts tropicales humides » concerne les 3 bassins tropicaux et comprend aujourd'hui 27 pays membres qu'il s'agisse de pays bailleurs ou de pays forestiers. En conclusion, soyez assuré que la France continuera de se mobiliser, aux plans national, européen et multilatéral, afin de lutter contre la déforestation importée, fléau portant atteinte à nos objectifs d'atténuation du changement climatique et de protection de la biodiversité.