15ème législature

Question N° 38744
de M. Pierre-Yves Bournazel (Agir ensemble - Paris )
Question écrite
Ministère interrogé > Transition écologique
Ministère attributaire > Mer

Rubrique > aquaculture et pêche professionnelle

Titre > Pêche industrielle et pollution plastique

Question publiée au JO le : 11/05/2021 page : 4048
Réponse publiée au JO le : 01/03/2022 page : 1343
Date de changement d'attribution: 25/05/2021

Texte de la question

M. Pierre-Yves Bournazel interroge Mme la ministre de la transition écologique sur la pollution plastique liée à la pêche industrielle dans les mers et océans. Selon la Fondation Ellen MacArthur, 8 millions de tonnes de plastique sont rejetés chaque année dans les écosystèmes marins. D'après les données du National Geographic, 5 000 milliards de morceaux de plastique flottent déjà dans les océans. 73 % des déchets sur les plages proviennent d'objets plastiques. Environ 700 espèces d'animaux marins ont déjà ingéré du plastique ou ont été piégés dedans. Plus alarmant, d'ici 2050, toutes les espèces d'oiseaux marins mangeront du plastique potentiellement régulièrement. L'ONG Ocean Conservancy affirmait quant à elle que 250 millions de tonnes de plastique pourraient polluer les océans d'ici 2025 si des mesures de freinage drastiques n'étaient pas mises en œuvre. Alors qu'ils jouent un rôle central dans la survie de l'écosystème, les océans sont de plus en plus menacés, dégradés et détruits par les activités humaines. Le Gouvernement, grâce notamment à la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, démontre sa préoccupation sur le sujet et ses mesures ambitieuses. La réduction puis l'interdiction des plastiques à usage unique comme les pailles ou les couverts est ainsi salutaire. Pour autant, il semble que des actions concernant le secteur halieutique puissent aussi avoir un impact important. En effet, nombre d'équipements marins sont composés de plastique et peuvent être perdus en mer : flotteurs, cordes et câbles, filets, balises et bouées, caisses de stockage. Dans l'étude mondiale « Evidence that the great pacific garbage patch is rapidly accumulating plastic » (mars 2018), des scientifiques indiquent que près de 46 % des déchets plastiques sont en fait des filets de pêche abandonnés. L'océanographe et biologiste Roberts Callum indique en complément dans son livre Ocean of Life (2013) que, chaque jour, la pêche à la palangre pose suffisamment de lignes pour faire 500 fois le tour du monde. Il souhaiterait ainsi connaître ses ambitions afin de réduire l'utilisation du plastique dans le secteur halieutique, permettant de contribuer à une pêche plus durable et plus respectueuse de l'environnement maritime.

Texte de la réponse

La pollution des océans est aujourd'hui au cœur des réflexions et des négociations aux plans national, européen et international. L'utilisation de matériaux plastiques dans le cadre des activités halieutiques y contribue significativement. En effet, les données rassemblées par l'Union européenne montrent qu'environ 27 % des déchets plastiques échoués sur les plages en Europe proviennent de la pêche. Au niveau mondial, on estime qu'environ 640 000 tonnes de filets de pêche sont abandonnées ou jetées en mer chaque année dans les océans. Il est établi en outre que les engins de pêche dits « fantômes » (perdus ou abandonnés en mer) ont de graves répercussions sur la santé de la vie marine et, plus largement, sur les écosystèmes océaniques. Face à ce constat, des actions concrètes ont été engagées, visant à prévenir et limiter les impacts environnementaux des engins de pêche usagés, largement composés de plastique. En 2018, le Gouvernement a adopté le Plan biodiversité, qui comporte des engagements forts en faveur de la protection de la biodiversité terrestre et marine et permet d'accompagner les changements nécessaires, avec un objectif très ambitieux : atteindre zéro plastique rejeté en mer d'ici 2025. Sur le plan préventif, qui doit concentrer les efforts, l'action 20 du plan vise à éviter que les engins de pêche ne soient abandonnés en mer, en soutenant la mise en place d'une filière de collecte et de valorisation des engins de pêche usagés. Afin de décliner plus précisément cet objectif du Plan biodiversité, la France a adopté le Plan d'action « Zéro plastique en mer (2020-2025) ». Composé de 35 actions, il vise à réduire l'apport de macro et micro-déchets vers les mers et les océans d'ici à 2025 et fixe la stratégie poursuivie par le Gouvernement en matière de lutte contre les déchets marins, aussi bien en métropole que dans les départements et régions d'outre-mer. En matière de lutte contre les déchets plastiques sur le littoral et en mer, l'action 23 du plan porte sur la mise en place d'une filière pour la collecte et la valorisation des engins de pêche usagés, conformément à la directive européenne 2019/904 « relative à la réduction de l'incidence de certains produits en plastique sur l'environnement » du 5 juin 2019 (qui impose la mise en place d'une telle filière d'ici 2025) et à la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (dite loi « AGEC »), qui prévoit la création d'une filière à responsabilité élargie du producteur (REP) dédiée aux engins de pêche d'ici 2025, celle-ci pouvant prendre la forme d'un accord volontaire.  Le ministère de la transition écologique, en lien avec le ministère de l'agriculture et de l'alimentation et le ministère de la mer, a ainsi soutenu la Coopération Maritime (association de coopératives maritimes du secteur de la pêche et des cultures marines) afin d'évaluer la faisabilité technique et financière de la mise en place d'une filière nationale de collecte des engins de pêche usagés lors du lancement du projet « PECHPROPRE » en 2016, en France métropolitaine. Celui-ci a permis d'établir que seuls 25 % des engins de pêche usagés collectés étaient actuellement valorisés. Par ailleurs, un projet expérimental, actuellement en cours, développé par le Parc naturel marin des Estuaires picards et de la Mer d'Opale, en partenariat avec l'organisation de producteurs FROM Nord, vise à expérimenter un filet de pêche biosourcé et biodégradable. Cette expérimentation mêlant innovation et développement durable constitue une première en Europe. Un second volet de l'étude a donc été lancé en mars 2019 (« PECHPROPRE 2 ») puis prolongée fin 2020 (« RECYPECH ») pour : - mettre en place un atelier relatif à la gestion des engins de pêche usagés regroupant les différents porteurs de projets territoriaux, - réfléchir à la mise en place d'une filière volontaire nationale à responsabilité partagée de gestion (collecte et de traitement) des engins de pêche usagés en se focalisant dans un premier temps sur les filets en polyamide, - permettre l'identification des exutoires de valorisation et de recyclage de la matière pour les chaluts grâce à la recherche et au développement,   - préparer la configuration de l'éco-organisme chargé de la collecte et de la valorisation des engins de pêche et l'accompagnement au niveau local des opérations pilotes et de communication. La prévention de la pollution marine issue des activités halieutiques fait par ailleurs partie intégrante des engagements de la France au titre de la mise en œuvre de la directive cadre « Stratégie pour le milieu marin » (DCSMM). Certaines actions prévues dans ce cadre portent sur la gestion des déchets issus ou collectés lors des activités de pêche : - accompagner les aquaculteurs, pêcheurs, mareyeurs, criées, halles à marée dans la réduction des déchets et la mutation des équipements vers des solutions recyclables et durables pour la distribution des produits de la mer et mettre en place des matériaux innovants pour les activités aquacoles et de pêche ; - accompagner la structuration d'une filière de valorisation et de recyclage des sous-produits des activités aquacoles et de la pêche professionnelle ; - structurer et pérenniser les actions consistant à retirer les filets perdus en cas d'impact avéré sur la biocénose et/ou la ressource halieutique ; - faciliter la collecte des déchets lorsqu'ils sont pêchés accidentellement lors des opérations de pêche. Ces dernières seront intégrées aux plans d'action des documents stratégiques de façade lors de leur adoption en mars 2022 par les préfets coordonnateurs. À l'international, la France s'est engagée dans le cadre du G7 en 2021 à soutenir la « Global Ghost Gear Initiative » (GGGI). Lancée en septembre 2015, la GGGI est une alliance de gouvernements (17 membres), d'acteurs de l'industrie de la pêche, du secteur privé, d'entreprises (48 membres), d'organisations inter (2 membres) et non-gouvernementales (61 membres), et d'universités (7 membres) dédiée à la résolution de la problématique des engins de pêche abandonnés ou perdus à travers le monde. Par ailleurs, d'autres initiatives tendent à limiter l'impact des engins de pêche usagés sur l'environnement marin. Le projet « E-gear » (Projet d'engins de pêche connectés) dont le porteur de projet, Collecte Localisation Satellites (CLS, filiale du Centre national d'études spatiales et de la société belge Compagnie Nationale à Portefeuille), teste une nouvelle technologie de marquage pour les professionnels de pêche en Méditerranée afin de réduire la perte des engins de pêche usagés en mer. Ce dispositif vise à accompagner la mise en place de la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) d'économie circulaire pour la valorisation des engins de pêche. Enfin, il doit être souligné que la substitution du plastique dans les composants des engins de pêche s'avère complexe. En effet, les engins doivent être suffisamment solides pour être utilisés correctement et leur dégradation ne doit pas être trop rapide. Des recherches sont donc en cours afin d'élaborer un matériau satisfaisant, comme le projet franco-britannique « INDIGO », financé par l'Union européenne et qui associe instituts de recherche et partenaires industriels dans l'objectif de concevoir un prototype d'engin de pêche biodégradable en milieu marin en impliquant les professionnels de la pêche et de l'aquaculture. Dans le cadre de ce projet, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la merc (IFREMER) a notamment développé l'application « Fish&Click » qui permet aux citoyens de participer au recensement des filets de pêche sur les plages. Les actions de lutte contre la pollution plastique liée à la pêche industrielle dans les mers et océans sont multiples et composites. Dans le cadre de la mise en œuvre du plan « zéro déchet plastique en mer » d'une part et de la mise en œuvre des plans d'actions des documents stratégiques de façade d'autre part, l'État organise et consolide une réponse intégrée. La réduction de l'utilisation du plastique dans la pêche implique de l'innovation technologique. - Il s'agit ainsi de mettre au point des matériaux et notamment des cordages et des filets toujours aussi résistants mais qui soient biodégradables. - Il s'agit également d'éviter la perte d'engin de pêche en les équipant de balises satellites permettant de les localiser même sous l'eau. Des recherches sont actuellement en cours, tant à l'Ifremer que dans les universités (Université de Bretagne sud) ou chez les industriels (groupe CLS), afin de répondre à cette problématique.