15ème législature

Question N° 3893
de Mme Isabelle Santiago (Socialistes et apparentés - Val-de-Marne )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Tourisme, Français de l'étranger et francophonie
Ministère attributaire > Tourisme, Français de l'étranger et francophonie

Rubrique > politique extérieure

Titre > Relations entre l'Europe et la Turquie

Question publiée au JO le : 24/03/2021
Réponse publiée au JO le : 24/03/2021 page : 2985

Texte de la question

Texte de la réponse

RELATIONS ENTRE L'EUROPE ET LA TURQUIE


M. le président. La parole est à Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago. À la veille du sommet européen des 25 et 26 mars, qui traitera des relations entre l'Europe et la Turquie, et le jour même de la réunion de l'OTAN au cours de laquelle le secrétaire d'État américain abordera également ce point, nous observons que le président Erdogan a fait voler en éclats le peu qu'il restait des maigres avancées démocratiques obtenues lors du lancement du processus d'adhésion à l'Union européenne.

Ainsi, mercredi dernier, le parti d'opposition laïque pro-kurde HDP, troisième force politique du pays, a fait les frais des dérives du pouvoir : son interdiction vient d'être demandée par un procureur.

Ce week-end, la communauté internationale apprenait avec stupeur le retrait de la Turquie, par décret présidentiel, de la Convention d'Istanbul. Ce traité international du Conseil de l'Europe vise à éliminer toutes les formes de violence envers les femmes, y compris les violences conjugales et familiales, et à mettre fin à l'impunité des auteurs de violence. C'est un message terrible, qui alerte à l'échelle internationale, et une régression pour les droits des femmes et des enfants. Des milliers de femmes manifestent dans les rues d'Istanbul : que va-t-il leur arriver ? Notre pays ne peut plus fermer les yeux. Le Président de la République a certes proposé de renouer le dialogue avec le président Erdogan en lui adressant un aimable courrier en janvier dernier. Est-ce cela sa réponse ?

Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, nous sommes le pays des droits de l'homme, nous respectons les règles du droit international, mais nous ne pouvons plus nous murer dans le silence ou apporter des demi-réponses. Nous avions déjà dû, sur ces bancs, vous alerter sur l'implication de la Turquie dans le conflit du Haut-Karabakh où la France, membre du groupe de Minsk, doit œuvrer avec détermination pour la libération des prisonniers et travailler à une paix durable. Soyons à la hauteur des enjeux, qui sont majeurs au plan géopolitique. Nous comptons sur votre détermination sur la scène diplomatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie. Madame la députée, vous évoquez la détermination : elle est là, naturellement. La France est très vigilante face au comportement turc, qui est ambigu.

Mme Laurence Dumont. Non, il n'est pas ambigu !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État . Ambigu, parce qu'il y a eu quelques avancées : des déclarations positives vis-à-vis de l'Europe et parfois de la France ; la Turquie a également repris langue avec la Grèce, dans le cadre d'un travail sur les délimitations maritimes ; des pourparlers inter-chypriotes sont réenclenchés. Tout cela semble attester d'une volonté de bouger. Mais dans le même temps, et vous y avez clairement fait référence, nous sommes très préoccupés par la situation des droits de l'homme et du système politique et judiciaire en Turquie, et notamment par la décision de la Turquie de se retirer de la Convention d'Istanbul du Conseil de l'Europe. Se retirer de la Convention d'Istanbul, pour la Turquie, c'est quand même quelque chose, alors même qu'elle avait été le premier pays à la ratifier en 2011. Elisabeth Moreno s'est exprimée à ce sujet, conjointement avec Jean-Yves Le Drian. Les pressions renouvelées ciblant le parti HDP sont également inquiétantes.

Très clairement, il ne peut y avoir simultanément un rapprochement entre la Turquie et les États européens, et un éloignement sur le plan de l'État de droit. Les chefs d'État et de gouvernement aborderont le sujet de la Turquie lors du Conseil européen qui aura lieu les 25 et 26 mars ; cela a d'ores et déjà été évoqué lundi, lors du conseil des affaires étrangères. Finalement, il appartient à la Turquie de se déterminer et de décider quel sens elle souhaite donner à cette relation. L'ouverture à des coopérations ne peut être que progressive, proportionnée et réversible, parce que la vigilance s'impose à tout moment. Je vous rassure, la détermination restera.