15ème législature

Question N° 39000
de M. Pierre Cordier (Les Républicains - Ardennes )
Question écrite
Ministère interrogé > Culture
Ministère attributaire > Culture

Rubrique > patrimoine culturel

Titre > Sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale

Question publiée au JO le : 18/05/2021 page : 4157
Réponse publiée au JO le : 29/06/2021 page : 5191

Texte de la question

M. Pierre Cordier appelle l'attention de Mme la ministre de la culture sur le dossier d'inscription des « Sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale » sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco. En 2011, l'association Paysages et sites de mémoire de la Grande Guerre a été créée avec la participation des départements du front et des régions belges flamande et wallonne afin d'inscrire les 139 nécropoles militaires de la ligne de front ouest au patrimoine mondial de l'Unesco. Ces nécropoles rassemblent des tombes de ressortissants de plus de 100 États. Elles présentent un intérêt architectural exceptionnel et traduisent la diversité de la mise œuvre des mémoires funéraires combattantes par ces États. Le département des Ardennes est un territoire majeur de la mémoire de la Grande Guerre. Des sites remarquables, et en particulier des nécropoles, y sont implantés et valorisés à travers le plan de gestion proposé à l'Unesco : le monument allemand du cimetière Saint-Charles de Charleville-Mézières, les nécropoles de Chestres, de Vrigne-Meuse et de l'Argonne. Le dossier présenté à l'Unesco s'inscrit dans un double enjeu exceptionnel : la réconciliation entre les nations alliées et ennemies d'alors et la transmission de l'histoire. Il constitue également un enjeu de développement pour les territoires concernés car le label Unesco entraîne une augmentation de 30 % de la fréquentation touristique. Alors que le centenaire est terminé, il est essentiel de continuer à faire vivre le tourisme mémoriel. En janvier 2017, la candidature a été déposée à l'Unesco par l'État belge en accord avec l'État français. Elle a été examinée en 2018 par le Comité du patrimoine mondial réuni à Manama (Bahreïn), qui a alors décidé de surseoir à l'inscription. Depuis cette décision, le Centre du patrimoine mondial a organisé une réunion le 18 janvier 2021 pour présenter les trois rapports d'experts réalisés à la demande du Comité et d'ICOMOS international. Ces rapports concluent que les sites rentrant dans cette catégorie ne relèvent pas d'une inscription au patrimoine mondial et devraient être protégés ou reconnus par des mécanismes alternatifs tels « Sites de conscience », « Itinéraires culturels » du Conseil de l'Europe. L'association Paysages et sites de mémoire de la Grande Guerre s'interroge quant à cette préconisation qui ne tient aucun compte de la mobilisation d'un grand nombre d'États (dix sont intervenus à Bahreïn afin de soutenir ce dossier) et qui traduit une forte opposition quant à l'inscription des dossiers mémoriels sur la liste du patrimoine mondial. Or, ainsi que le centenaire l'a démontré, le dossier présenté n'est pas un dossier mémoriel, mais un dossier historique du fait même qu'il n'existe plus d'anciens acteurs de cette guerre et que cette guerre n'entraîne aujourd'hui aucune division mémorielle entre les États du front ouest. Il souhaite par conséquent savoir si le Gouvernement français va intervenir auprès de l'Unesco en prévision de la réunion du Comité du patrimoine mondial prévue fin juillet 2021 afin que les sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale soient inscrits sur la liste du patrimoine mondial.

Texte de la réponse

Portée par la Belgique et la France, la candidature transnationale des « sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale (front ouest) » pour l'inscription sur la Liste du patrimoine mondial est mise en œuvre, en France, par l'association des paysages et sites de mémoire de la Grande Guerre. Ce projet est le résultat d'une intense collaboration entre le ministère de la culture en France, l'agence du patrimoine de Flandre et l'agence wallonne du patrimoine en Belgique. 139 sites composent cette candidature : 96 sont situés en France, 27 en Flandre et 16 en Wallonie. Ils témoignent de l'apparition d'un nouveau culte des morts, lequel attribue une sépulture à chaque défunt ou tout du moins un lieu qui en mentionne le nom, permettant de lui rendre hommage. La Première Guerre mondiale est le moment où l'ensemble des belligérants créent des cimetières militaires, espaces particuliers consacrés à l'inhumation, à l'hommage, au recueillement. Des modèles sont créés et perdurent jusqu'à nos jours. Tous alliés ou ennemis d'hier sont présents et sont reconnus dans leur individualité et leurs souffrances. La dimension universelle de cette proposition se traduit par la présence dans ces sites et mémoriaux des dépouilles et noms de soldats issus de tous les continents. Cette candidature a été déposée par la Belgique et la France à l'UNESCO en janvier 2017, pour être examinée par le Comité du patrimoine mondial en juillet 2018. Or, le Comité, lors de sa session au Bahreïn en juillet 2018, a décidé d'ajourner l'examen de la proposition d'inscription des « sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale (front ouest) » et de se donner le temps d'examiner la pertinence de l'inscription sur la Liste du patrimoine mondial de sites « associés à des conflits récents et à d'autres mémoires négatives et controversées  », selon la dénomination qu'il a alors retenue. Cette décision a été prise au vu de la multiplication de l'inscription de ce type de sites sur les listes indicatives nationales de nombreux États membres. À la suite de cette décision, une commission d'experts identifiés par l'UNESCO s'est réunie les 4 et 6 décembre 2019 avec le soutien de la France. Depuis lors, trois rapports d'experts demandés par le Centre du patrimoine mondial ont été publiés au second semestre 2020 sur le sujet : le rapport de la réunion d'experts de l'UNESCO des 4 et 6 décembre 2019, un document de réflexion produit par l'ICOMOS (Conseil international des monuments et des sites) et une étude sur les sites associés aux mémoires de « conflits récents et à d'autres mémoires négatives et controversées », fruit du travail de deux chercheurs indépendants. Ces trois documents ont été présentés le 18 janvier dernier aux États parties à la Convention de 1972 lors d'une réunion spécifique d'information à l'UNESCO. Ces rapports considèrent que ces sites ne sont conformes ni à l'objet ni au champ de la Convention du patrimoine mondial et renvoient leur valorisation vers d'autres instruments internationaux, tels que les « sites de conscience » ou les « itinéraires culturels » du Conseil de l'Europe. Lors de cette réunion, plusieurs États ont néanmoins exprimé leur souhait d'être associés plus étroitement à la réflexion en créant un groupe de travail sur ce sujet. Ce point est à l'ordre du jour du prochain Comité du patrimoine mondial qui pourrait prendre une décision en ce sens lors de sa 44e session élargie qui se tiendra du 16 au 31 juillet prochain. Par ailleurs, ces rapports ont été présentés aux membres du Comité des biens français du patrimoine mondial (CFPM) le 19 janvier dernier. Il a alors été proposé d'organiser un groupe de travail au sein du CFPM pour poursuivre la réflexion nationale sur ce sujet, afin d'enrichir les débats futurs à UNESCO et de parvenir à un réexamen de cette candidature par le Comité du patrimoine mondial.