Question de : M. Nicolas Dupont-Aignan
Essonne (8e circonscription) - Non inscrit

M. Nicolas Dupont-Aignan attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la contradiction entre les dispositions du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) et celles du Code rural et de la pêche maritime s'agissant de la gestion des biens de sections de communes. Héritées de traditions séculaires, des portions de territoire communal possédant à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune subsistent encore dans les campagnes françaises. L'article L2411-10 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) dispose que ces « terres à vocation agricole ou pastorale propriétés de la section sont attribuées » dans l'ordre de priorité suivant : « 1° Au profit des exploitants agricoles ayant leur domicile réel et fixe, un bâtiment d'exploitation et le siège de leur exploitation sur le territoire de la section et exploitant des biens agricoles sur celui-ci (') 2° À défaut, au profit des exploitants agricoles utilisant des biens agricoles sur le territoire de la section et ayant un domicile réel et fixe sur le territoire de la commune 3° À titre subsidiaire, au profit des exploitants agricoles utilisant des biens agricoles sur le territoire de la section 4° Lorsque cela est possible, au profit de l'installation d'exploitations nouvelles. » Ainsi, ces terres à vocation agricole ou pastorale sont souvent attribuées à des exploitants domiciliés sur la commune. Toutefois, il arrive que d'autres exploitants adressent un demande d'attribution de ces terres au conseil municipal alléguant d'être un ayant droit de rang supérieur ou tout du moins égal à ceux en place. Dans ce cas, la jurisprudence administrative (Par exemple, TA Clermont-Ferrand, 2 octobre 2012, N°1101874, commune d'Anzat Le Luguet c/M. Gevaudan ; TA Clermont-Ferrand, 30 septembre 2014, N°1201325) établit que l'assemblée délibérante doit vérifier les allégations du demandeur au regard de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales. Si le demandeur remplit effectivement l'ensemble de ces conditions, le conseil municipal procède à un nouveau partage de l'ensemble des terres entre tous les candidats à l'attribution, qu'ils soient demandeurs ou déjà attributaires, selon l'ordre de priorité précité. Si le conseil municipal constate que certains agriculteurs déjà en place ne remplissent plus, en raison des nouvelles demandes, les conditions pour prétendre à l'attribution, il lui revient alors d'obtenir, par la voie amiable ou par défaut par la voie judiciaire, la résiliation des contrats en cours qui est de plein droit. Cependant, les exploitants agricoles qui se voient ainsi démis de leur droit d'exploitation de ces terres à vocation pastorale ou agricole contestent généralement ce congé devant le Tribunal paritaire des baux ruraux. Or, le code rural et de la pêche maritime qui règlemente le bail à ferme ne comporte aucune disposition permettant la résiliation du bail à ferme en cas d'arrivée sur la section d'un ayant droit prioritaire. Ces deux réglementations sont indépendantes et non concordantes. Ce manque de cohérence entre les textes en vigueur suscite de nombreux contentieux pour lesquels la jurisprudence peine à faire émerger une solution claire. Il souhaiterait connaître ses intentions afin de clarifier cette situation.

Réponse publiée le 21 septembre 2021

Les sections de commune sont des parties de la commune possédant des biens mobiliers ou immobiliers ou bien encore des droits, tels ceux de chasse, d'affouage ou de pâturage, distincts de ceux de la commune. Il résulte des dispositions de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales (CGCT) que les biens sectionaux font l'objet d'un régime particulier en matière d'exploitation agricole ou pastorale. Les terres à vocation agricole ou pastorale d'une section de commune sont attribuées par bail rural, par convention pluriannuelle d'exploitation agricole ou de pâturage ou par convention de mise à disposition d'une société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER), aux exploitants agricoles classés par ordre de priorité selon le lien qu'ils entretiennent avec les territoires de la section et de la commune. L'article L. 2411-10 précise, concernant la résiliation de ces conventions consenties par le conseil municipal ou la commission syndicale, que « le fait de ne plus remplir les conditions retenues par l'autorité compétente au moment de l'attribution entraîne la résiliation du bail rural ou de la convention pluriannuelle d'exploitation agricole ou de pâturage, notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, avec application d'un préavis minimal de six mois ». Il y a lieu de constater tout d'abord que la loi n° 2013-428 du 27 mai 2013 modernisant le régime des sections de commune a relié le CGCT et le code rural et de la pêche maritime (CRPM) sur les causes de résiliation du bail à ferme. En effet, l'article L. 411-31 du CRPM qui dresse la liste des motifs dont dispose le bailleur pour résilier le bail de fermage qui le lie au preneur, mentionne depuis cette loi au 4° du II le motif du « non-respect par l'exploitant des conditions définies par l'autorité compétente pour l'attribution des biens de section en application de l'article L. 2411-10 du CGCT ». Il n'y a pas ainsi une situation d'indépendance de législations non concordantes, mais, au contraire, une coordination des législations par renvoi de l'article L. 411-31 du CRPM à l'article L. 2411-10 du CGCT. Ensuite, concernant le cas de la manifestation d'un ayant droit avec rang prioritaire postérieurement à l'attribution des terres agricoles ou pastorales, le juge a récemment considéré qu'« aucune disposition légale ou réglementaire, et notamment pas les dispositions précitées de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales n'imposaient à la commune de poursuivre la résiliation de la convention » (CAA de Marseille, 9 mars 2020, n° 18MA00367). Le droit de priorité s'apprécie ainsi « au moment de l'attribution » des terres conformément à la lettre de l'article L. 2411-10 sur la cause de résiliation. Par conséquent, ce droit n'a pas pour effet lorsque la demande est postérieure à l'attribution de remettre en cause les contrats en cours, sauf à ce que le contrat mentionne expressément que le droit de priorité constitue une cause de résiliation. Enfin, dans l'hypothèse où la situation se trouve dans le champ de la cause de résiliation de l'article L. 2411-10 du CGCT, cette disposition telle qu'issue de la loi du 27 mai 2013 précitée permet, à défaut d'accord amiable, au conseil municipal ou, dans les cas prévus par la loi à la commission syndicale, de résilier de plein droit le bail par lettre recommandée avec demande d'avis de réception assortie d'un préavis de six mois. Il ne reviendra donc pas à l'autorité compétente d'initier une résiliation judiciaire. Une évolution du dispositif réglementaire régissant la procédure de résiliation des baux ruraux relatifs à l'exploitation des biens sectionaux n'apparaît donc pas nécessaire à ce jour.

Données clés

Auteur : M. Nicolas Dupont-Aignan

Type de question : Question écrite

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture et alimentation

Ministère répondant : Agriculture et alimentation

Dates :
Question publiée le 25 mai 2021
Réponse publiée le 21 septembre 2021

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