15ème législature

Question N° 39166
de M. Guillaume Vuilletet (La République en Marche - Val-d'Oise )
Question écrite
Ministère interrogé > Logement
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > propriété

Titre > Humaniser les procédures d'expropriation

Question publiée au JO le : 25/05/2021 page : 4312
Réponse publiée au JO le : 18/01/2022 page : 349
Date de changement d'attribution: 08/06/2021

Texte de la question

M. Guillaume Vuilletet attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement, au sujet des expropriations et des implications dans la vie des Français impactés. L'émission Envoyé spécial, diffusée sur France 2, a récemment mis en exergue les situations parfois dramatiques qui se nichent derrière les processus d'expropriation. Si ces opérations sont nécessaires dans le cadre de campagnes de valorisation et d'aménagement des territoires, elles sont souvent longues et violentes pour les habitants concernés. L'expropriation reposant sur le rachat du bien par la collectivité, la durée des transactions, voire parfois l'absence d'offre de rachat complique considérablement les perspectives de mobilités géographiques des individus. Dans certaines circonstances, on assiste également au développement de maladies, notamment de dépressions qui ne sont pas accompagnées et peuvent handicaper la vie de certains. C'est pourquoi il souhaiterait savoir comment le ministère pourrait réfléchir à mieux encadrer le volet humain des procédures d'expropriation en encadrant mieux, par exemple, la question de l'offre de rachat.

Texte de la réponse

L'article 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, qui a valeur constitutionnelle, proclame que la propriété est un droit inviolable et sacré. Toutefois, l'article 17 admet la privation de propriété lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. L'expropriation pour cause d'utilité publique correspond donc à un cas, exceptionnellement admis en droit, de cession forcée de la propriété, afin de permettre aux autorités publiques d'acquérir, même sans le consentement de leur propriétaire, les biens immobiliers nécessaires à la réalisation d'un objectif d'intérêt général. La phase judiciaire de l'expropriation pour cause d'utilité publique, relative au transfert de propriété et à la fixation de l'indemnité d'expropriation, est fondée sur la recherche d'un équilibre entre les intérêts de l'expropriant et de l'exproprié, afin de ne retarder ni la réalisation du projet d'utilité publique, ni l'indemnisation des propriétaires concernés. Le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (CECUP) prévoit ainsi qu'un accord amiable sur le prix doit être recherché, par priorité sur la fixation de l'indemnité d'expropriation par le juge judiciaire (article L. 311-5). Lorsqu'il est possible, un tel accord constitue une garantie de célérité et d'allègement du processus. A cette fin, le CECUP organise en partie la négociation entre l'expropriant et l'exproprié et l'enserre dans des délais contraignants. Ainsi, l'expropriant doit notifier le montant de ses offres et inviter les expropriés à faire connaître le montant de leur demande (article L. 311-4). L'article R. 311-4 incite l'expropriant à y procéder dès qu'il est en mesure de déterminer les parcelles qu'il envisage d'exproprier, à partir de l'ouverture de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique. L'article R. 311-5 lui impose de détailler, en les distinguant, les différentes indemnités proposées, afin que l'exproprié puisse se prononcer en toute connaissance de cause. Face à un expropriant qui tarderait à notifier son offre d'achat, les propriétaires concernés ne sont pas dépourvus de recours. Une fois intervenu l'arrêté de cessibilité, l'article R. 311-7 du CECUP autorise tout intéressé à mettre l'expropriant en demeure de notifier ses offres s'il ne l'a pas déjà fait. A défaut d'accord dans le délai d'un mois à compter de la notification de cette mise en demeure, le juge peut être saisi en fixation de l'indemnité (article R. 311-9). Le délai dans lequel le défendeur adresse son argumentation en réponse ne doit pas excéder six semaines (article R. 311-11). En outre, l'article 17 de la Déclaration de 1789 posant l'exigence du caractère préalable de l'indemnité, l'expropriant n'est en principe pas autorisé à prendre possession du bien immobilier tant qu'il n'a pas payé la somme due au propriétaire concerné. En cas d'obstacle au paiement ou de refus de l'exproprié de la recevoir, elle doit à tout le moins être consignée par l'entité expropriante (article L.222-1 du CECUP). Enfin, l'article L. 323-4 du CECUP prévoit que si l'indemnité n'a été ni payée ni consignée dans le délai d'un an à compter de la décision définitive fixant son montant, l'exproprié peut demander au juge de l'expropriation la réévaluation de son montant. Tout au long du processus d'expropriation, les particuliers peuvent recourir à l'accompagnement et aux conseils d'un avocat. Si la fixation de l'indemnité nécessite de saisir le juge faute d'accord amiable, le recours aux services de ce professionnel du droit s'avèrera indispensable. Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 a en effet étendu la représentation obligatoire par avocat à cette matière, qui peut revêtir une complexité certaine (article R. 311-9 du CECUP).