15ème législature

Question N° 39414
de M. Régis Juanico (Socialistes et apparentés - Loire )
Question écrite
Ministère interrogé > Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales
Ministère attributaire > Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales

Rubrique > fonction publique territoriale

Titre > Report des congés non pris dans la fonction publique

Question publiée au JO le : 08/06/2021 page : 4633
Réponse publiée au JO le : 11/01/2022 page : 176

Texte de la question

M. Régis Juanico attire l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur le report des congés non pris dans la fonction publique. L'article 5 du décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux pose le principe selon lequel les congés dus pour une année ne peuvent être cumulés et se reporter sur l'année suivante. L'autorité territoriale est donc en droit de prévoir, par instruction, que les congés soient pris au cours de l'année civile sans possibilité de report, sous réserve du cas des agents n'ayant pu solder leurs congés pour cause de maladie, d'accident du travail, de maladie professionnelle, de maternité ou de congé d'adoption (CE, 23 décembre 2015, n° 373028). Le juge européen a en effet établi que des dispositions nationales ne pouvaient prévoir que le droit au congé annuel s'éteigne à l'expiration de la période de référence ou d'une période de report lorsque le travailleur n'a pas pu exercer ce droit en raison d'un congé de maladie (CJUE 20 janv. 2009 C-350/06 et C-520/06). Cet arrêt a donc consacré le droit du travailleur au report des congés annuels qu'il n'a pas pu prendre du fait de la maladie. La CJUE a aussi posé une limite au report en précisant que la période de report devait dépasser de manière substantielle la durée de la période de référence ; une période de report de 15 mois a été jugée conforme à la directive (CJUE 22 nov. 2011 affaire C-214/10). Elle admet que des dispositions nationales puissent prévoir une période maximale de report du droit au congé annuel, à l'expiration de laquelle ce droit sera perdu. À ce jour, les dispositions des décrets relatifs aux congés annuels des fonctionnaires français, en ce qu'elles ne prévoient pas le report des congés non pris en raison d'un congé de maladie, sont incompatibles avec la directive européenne sur l'aménagement du temps de travail (CE 26 oct. 2012 n° 346648). Une réponse ministérielle a annoncé qu'une évolution de la réglementation sur les congés annuels devait être mise à l'étude (question écrite Sénat n° 20075 du 15 septembre 2011). La situation actuelle n'est pas satisfaisante car, au final, la question du report des congés du fait de cette incertitude n'est pas facile à appréhender et encore moins à appliquer, notamment dans les collectivités qui ne disposent pas toujours de services ressources humaines, spécialistes du droit européen. Certes, une circulaire ministérielle du 8 juillet 2011 (n°11-016109-D) est venue apporter des précisions mais le décret n'a toujours pas été modifié. Il aimerait connaître les intentions du Gouvernement pour régler cette question.

Texte de la réponse

En vertu des dispositions de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statuaires relatives à la fonction publique territoriale, les fonctionnaires territoriaux ont droit à des congés annuels. Le congé de maladie ordinaire est considéré, pour l'application de cette disposition, comme service accompli. Le décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux précise, en son article 5, que le congé dû pour une année de service accompli ne peut se reporter sur l'année suivante, sauf autorisation exceptionnelle donnée par l'autorité territoriale. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) estime toutefois que l'article 7 de la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail fait obstacle à l'extinction du droit au congé annuel lorsque le travailleur a été en congé de maladie (arrêts C-350/06 et C-520/06 du 20 janvier 2009 et C-214/10 du 22 novembre 2011). Les agents publics placés en congé de maladie peuvent donc bénéficier du report des congés annuels non pris, ainsi que l'a précisé la circulaire du ministre de l'intérieur NOR COTB1117639C en date du 8 juillet 2011. Cette position a également été confirmée par le Conseil d'État (décision du 26 avril 2017, n° 406009 et décision du 14 juin 2017, n° 391131). Ce droit au report n'est cependant pas illimité et s'exerce dans les limites définies par le juge communautaire qui estime, d'une part, qu'une demande présentée au-delà d'une période de quinze mois qui suit l'année au titre de laquelle les droits à congés ont été ouverts peut être rejetée par l'employeur et, d'autre part, que le report doit s'exercer dans la limite d'un congé de quatre semaines (décision précitée en date du 26 avril 2017). En outre, les dispositions de l'article 7 de la directive européenne du 4 novembre 2003 sont d'effet direct (CJUE, C-282/10 du 24 janvier 2012 ; réponse à la question écrite n° 25710, publiée au JO Assemblée nationale du 10 mars 2020), le droit communautaire s'imposant directement aux citoyens européens, sans qu'il soit nécessaire pour les Etats membres de le retranscrire par des actes juridiques nationaux. Une clarification du droit applicable en matière de report de congés annuels pour cause de maladie ne pourrait par ailleurs être envisagée que dans le cadre d'une approche commune aux trois versants de la fonction publique.