15ème législature

Question N° 39563
de M. Adrien Morenas (La République en Marche - Vaucluse )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice

Titre > Conclusions du rapporteur public

Question publiée au JO le : 15/06/2021 page : 4830
Réponse publiée au JO le : 23/11/2021 page : 8461
Date de renouvellement: 02/11/2021

Texte de la question

M. Adrien Morenas interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice s'il ne serait pas utile de modifier l'article R 711-3 du code des juridictions administratives afin d'imposer la communication aux parties du texte des conclusions des rapporteurs publics et non uniquement le sens de celles-ci. De nombreux avocats se plaignent en effet que les conditions matérielles de l'audience ne leur permettent pas de noter tous les points développés à l'audience par le rapporteur public, afin de pouvoir y répondre par une note en délibéré. Enfin, il faut noter que la réglementation actuelle est, sur ce point, sans doute contraire aux principes posés par l'arrêt Kress contre France (Requête n° 39594/98), rendu le 7 juin 2001. En outre opposer le droit d'auteur du Rapporteur public, pour refuser à un justiciable la communication des conclusions qui le concerne, ce qui est la situation actuelle, constitue une situation qui n'est pas comprise du justiciable et nuit à la confiance dans l'institution judiciaire. Il lui demande son avis sur ce sujet.

Texte de la réponse

Membre de la juridiction administrative, le rapporteur public ne fait pas partie de la formation de jugement. Conformément à l'article L. 7 du code de justice administrative, il expose les questions que présente à juger le recours sur lequel il conclut, fait connaître en toute indépendance son appréciation impartiale sur les circonstances de fait de l'espèce et les règles de droit applicables, et indique son opinion sur les solutions qu'appelle le litige. Il est donc chargé de donner un avis que la formation de jugement n'est pas tenue de suivre. Ses conclusions, qui ne sont pas nécessairement écrites, ne sont prononcées en faveur d'aucune partie : elles proposent une solution à la formation de jugement et ne sont donc pas soumises au contradictoire comme les écritures des parties. Après avoir formulé des critiques quant à sa présence au délibéré (arrêts Kress et Martinie des 7 juin 2001 et 12 avril 2006), la Cour européenne des droits de l'Homme a, par un arrêt du 15 septembre 2009 Mme Etienne, jugé que l'intervention du rapporteur public est désormais conforme aux exigences européennes, et notamment à celles relatives au droit à un procès équitable, suite aux réformes adoptées par les pouvoirs publics. En effet, aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, « Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ». Pour la Cour européenne des droits de l'Homme, la communication avant l'audience du sens des conclusions aux parties, avec la possibilité pour elles de répliquer en produisant après l'audience une note en délibéré et l'impossibilité pour le rapporteur public de soulever d'office un moyen nouveau sans avoir préalablement invité les parties à en débattre, font partie des garanties qui assurent le respect du principe du contradictoire (arrêt du 13 juin 2013 Marc-Antoine). On relèvera d'ailleurs que l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ainsi que le Conseil national des barreaux étaient intervenus au soutien des autorités françaises devant la Cour de Strasbourg, qui a souligné dans son arrêt Marc-Antoine que : "souhaitant le maintien du système actuel et dénonçant les conséquences négatives que sa disparition entraînerait, ils estiment qu'il permet d'offrir des garanties accrues aux parties, tout en permettant d'assurer une justice administrative de qualité". Par une décision Communauté d'agglomération du pays de Martigues du 21 juin 2013, le Conseil d'État a souligné qu'il appartient au rapporteur public de préciser les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, et notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et de mentionner, lorsqu'il conclut à l'annulation d'une décision, les moyens qu'il propose d'accueillir. Les parties sont ainsi en mesure de se préparer en amont de l'audience à venir, en se concentrant sur le ou les moyens indiqués avant l'audience par le rapporteur public, étant précisé qu'elles ont ensuite la possibilité de présenter des observations orales après le prononcé des conclusions du rapporteur public. Depuis l'entrée en vigueur de cette réforme, les parties se sont pleinement appropriées cette faculté de répliquer oralement aux conclusions, qui va au-delà des exigences européennes. Elles ont également la possibilité de répliquer par une note en délibéré. S'agissant de leur communication, il faut préciser que les conclusions du rapporteur public sont celles qu'il a prononcées lors de l'audience, dans une version qui peut ou non différer de la version écrite qu'il a pu préparer. En pratique, les rapporteurs publics transmettent aux parties qui le demandent leurs conclusions après l'audience, ce qui leur permet éventuellement de préparer un appel ou un pourvoi en cassation. Mais le rapporteur public n'a aucune obligation de fournir une version écrite authentique (conforme au prononcé) de ses conclusions. Du reste, les conclusions du rapporteur public n'ont pas le caractère d'un document administratif communicable au sens de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 (CE, 20 janvier 2005, Hoffer, n° 276625). Pour toutes ces raisons, il ne paraît pas opportun de modifier les règles applicables aux conclusions du rapporteur public près les juridictions administratives.