Question orale n° 396 :
Prise en charge des personnes en situation de handicap

15e Législature

Question de : M. Bastien Lachaud
Seine-Saint-Denis (6e circonscription) - La France insoumise

M. Bastien Lachaud alerte Mme la secrétaire d'État, auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, sur l'état de la prise en charge des personnes en situation de handicap en Seine-Saint-Denis notamment. C'est un cri d'alarme et d'indignation qu'il souhaite lui adresser aujourd'hui. En Seine-Saint-Denis, les enfants, adolescents et adultes en situation de handicap font face à des situations chaque jour plus inhumaines. Privés d'accès à une éducation et à des soins adaptés. Privés de leur droit à vivre dignement ! La cause est simple : le manque de moyens suffisants, qui découle d'un manque de volonté politique de la part du Gouvernement. Car que fait la ministre ? Que fait-elle quand la Maison départementale des personnes handicapées ne dispose que de cent soixante-quinze personnels pour traiter trente-sept mille dossiers et qu'il faut attendre parfois un an pour que les prestations de compensation soient attribuées ? Quand neuf cent places manquent dans les structures d'accueil pour adultes du département et que plusieurs centaines d'entre eux se trouvent ainsi placés en Belgique ? En Belgique ! Quand il n'y a que mille huit cents places dans les établissements médico-éducatifs pour trois mille quatre-cent enfants orientés vers ceux-ci, et que nombre de ceux-ci se trouvent dès lors privés de la possibilité de se développer ? Quand les personnels nécessaires à l'inclusion scolaire font défaut, et que des enfants se trouvent tout simplement déscolarisés ? Quand les vies sont brisées ? Quand les éducateurs et les soignants, manquant des moyens de faire leur métier dans de bonnes conditions, en sont réduits au désespoir ? Que fait-elle ? Une « grande consultation » sur une « plateforme en ligne » pour « recueillir les témoignages » ! Les témoignages, ils sont légion. Et ils affluent. Mais ce dont les personnes en situation de handicap, les établissements, les associations, ont besoin, ce sont des moyens ! Des places ! Des personnels en nombre suffisant ! Il entend déjà son discours et s'attend à être accusé de démagogie. D'instrumentaliser la souffrance à des fins politiciennes. C'est la parade à laquelle le Gouvernement a recours à chaque fois, plutôt que d'apporter des solutions concrètes. Plutôt que d'améliorer la vie des plus vulnérables. La vérité est tout autre, toute simple. M. le député évoque ces drames pour que Mme la secrétaire d'État cesse enfin de faire la sourde oreille. Pour finir, il voudrait citer quelques mots : « Je ne veux plus de personnes vivant en situation de handicap qui soient sans solutions. Ce sera l'une des priorités de mon quinquennat ». C'est ainsi que s'exprimait le candidat Macron en mai 2017. Il lui demande quand elle va enfin déployer la volonté politique et les moyens nécessaires pour qu'en Seine-Saint-Denis, et partout en France, ces belles paroles ne sonnent pas seulement comme une promesse en l'air.

Réponse en séance, et publiée le 28 novembre 2018

PRISE EN CHARGE DES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP
M. le président. La parole est à M. Bastien Lachaud, pour exposer sa question, n°  396, relative à la prise en charge des personnes en situation de handicap.

M. Bastien Lachaud. C'est un cri d'alarme et d'indignation que je veux vous adresser aujourd'hui. En Seine-Saint-Denis, les enfants, adolescents et adultes en situation de handicap font face à des situations chaque jour plus inhumaines, privés d'accès à une éducation et à des soins adaptés, privés de leur droit à vivre dignement. La cause est simple : le manque de moyens suffisants, qui découle d'un manque de volonté politique de la part de votre gouvernement.

Car que faites-vous ? Que faites-vous quand la maison départementale des personnes handicapées ne dispose que de 175 personnels pour traiter 37 000 dossiers et qu'il faut parfois attendre un an pour l'attribution de la prestation de compensation du handicap ? Quand 900 places manquent dans les structures d'accueil pour adultes du département et que plusieurs centaines d'entre eux se trouvent ainsi placés en Belgique ? Je dis bien en Belgique ! Quand il n'y a que 1 800 places dans les établissements médico-éducatifs pour 3 400 enfants orientés vers ceux-ci et que nombre d'entre eux se trouvent dès lors privés de la possibilité de se développer ? Quand les personnels nécessaires à l'inclusion scolaire font défaut et que des enfants se trouvent tout simplement déscolarisés ? Quand les vies sont brisées ? Quand les éducateurs et les soignants, manquant des moyens pour exercer leur métier dans de bonnes conditions, en sont réduits au désespoir ? Que faites-vous ? Une grande consultation sur une plateforme en ligne pour recueillir les témoignages ! Les témoignages, ils sont légion, madame la secrétaire d'État, et ils affluent ! Mais ce dont les personnes en situation de handicap, les établissements, les associations ont besoin, ce sont des moyens, des places, des personnels en nombre suffisant.

J'entends déjà votre réponse : vous allez m'accuser de démagogie, d'instrumentaliser la souffrance à des fins politiciennes. C'est la parade à laquelle votre gouvernement a recours chaque fois, plutôt que d'apporter des solutions et des réponses concrètes, plutôt que d'améliorer la vie des plus vulnérables. La vérité est tout autre, très simple. J'évoque ces drames pour que vous cessiez enfin de faire la sourde oreille.

Madame la secrétaire d'État, je voudrais pour finir vous citer quelques mots. « Je ne veux plus de personnes vivant en situation de handicap qui soient sans solution. Ce sera l'une des priorités de mon quinquennat » : c'est ainsi que s'exprimait le candidat Emmanuel Macron, en mai 2017. Quand allez-vous enfin déployer la volonté politique et les moyens nécessaires pour qu'en Seine-Saint-Denis, et partout en France, ces belles paroles ne sonnent plus seulement comme une promesse en l'air ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées. Monsieur le député, vous appelez mon attention sur la situation des personnes handicapées et de la maison départementale des personnes handicapées de Seine-Saint-Denis. Oui, les délais moyens de traitement des demandes formulées en 2017 auprès de cette MDPH sont particulièrement préoccupants puisqu'ils sont près du double de la moyenne nationale. Non, je ne peux pas me satisfaire de ce qu'il faille plus de sept mois pour répondre aux demandes formulées par des personnes et des familles en attente de solutions. Non, je ne peux pas admettre que la MDPH de Seine-Saint-Denis s'affranchisse largement des délais qui lui sont fixés par la loi, comme je trouve inacceptable qu'elle ne prenne même pas la peine d'adresser son rapport d'activité à la CNSA – Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie –, comme elle en a l'obligation !

Mais s'agit-il uniquement d'une question de moyens ? Absolument pas ! À volume d'activité et effectif comparable, la MDPH de Paris a des délais de traitement d'à peine plus de trois mois et celle des Bouches-du-Rhône de deux mois et dix-huit jours. Oui, de tels écarts dans les délais de traitement d'une MDPH à l'autre sont intolérables pour les personnes et il est nécessaire que la situation de cette MDPH évolue rapidement.

Cela étant, permettez-moi de vous rappeler que les MDPH sont constituées depuis la loi de 2005 sous forme de groupement d'intérêt public décentralisé. Leur présidence incombe aux conseils départementaux, qui nomment leurs directeurs, valident leurs budgets, les logent et les équipent. Les conseils départementaux sont légitimement très attachés à cette compétence car il s'agit d'un outil permettant de répondre à des préoccupations quotidiennes de nos concitoyens, dans le cadre d'une politique de solidarité au cœur de l'ADN des départements.

Je ne me dérobe pas car l'État prend largement sa part au fonctionnement de ces instances. Depuis leur création, la contribution financière de l'État a été consolidée et j'ai veillé personnellement à garantir, en 2018, la pérennisation des personnels dédiés à l'accompagnement des personnes sans solution. J'ai également engagé un important travail de simplification des procédures pour alléger la charge administrative et ainsi accélérer les réponses. Je vous rappelle que les personnes reconnues en situation de handicap à plus de 80 % ont maintenant des droits à vie : AAH – allocation adulte handicapé –, RQTH – reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé –, CMI – carte mobilité inclusion – et AEEH – allocation d'éducation de l'enfant handicapé – seront attribuées à vie.

Mais je sais que nous pouvons encore progresser. C'est pourquoi j'ai souhaité qu'un des cinq groupes de travail de la conférence nationale du handicap soit dédié à l'amélioration des processus internes en MDPH. Il nous faut accélérer les réponses pour les personnes, c'est indéniable. S'agissant de l'offre d'accompagnement des personnes en situation de handicap en Île-de-France, et notamment en Seine-Saint-Denis, cela a déjà été évoqué dans cet hémicycle la semaine dernière, la situation n'est pas acceptable. Je me suis portée garante de l'équité territoriale dès ma prise de fonctions : c'est l'intégralité des crédits qui a pu être répartie en 2018 selon des critères beaucoup plus favorables à la région Île-de-France.

L'Agence régionale de santé est en ordre de marche. Elle a lancé un plan de rattrapage et de développement des réponses inclusives, qui a rencontré un vif succès : plus de 300 dossiers ont été déposés, qui permettront des autorisations dès la fin de cette année, classées par priorité selon la qualité des réponses et la rapidité des délais de mise en œuvre. Nous sommes donc bien loin des promesses mais parfaitement dans les réponses concrètes aux besoins des personnes. Oui, le handicap est vraiment une question de responsabilité partagée et l'affaire de tous, monsieur le député. Travaillons-y ensemble !

M. le président. La parole est à M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Je vous remercie pour ces réponses. Néanmoins, nous ne pouvons accepter que la Seine-Saint-Denis soit toujours le département où les délais sont les plus longs, où il y a le moins de places. Dans ma circonscription, le tribunal d'instance ne peut même plus ouvrir au public parce qu'il n'a pas assez de greffiers ! Les élèves de ma circonscription ne sont pas tous en REP+ mais en REP. Il y a une véritable spécificité de la Seine-Saint-Denis : vous ne pouvez pas vous contenter de vous défausser sur le département !

Données clés

Auteur : M. Bastien Lachaud

Type de question : Question orale

Rubrique : Personnes handicapées

Ministère interrogé : Personnes handicapées

Ministère répondant : Personnes handicapées

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 novembre 2018

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