15ème législature

Question N° 3977
de M. Meyer Habib (UDI et Indépendants - Français établis hors de France )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice

Titre > Affaire Sarah Halimi

Question publiée au JO le : 05/05/2021
Réponse publiée au JO le : 05/05/2021 page : 4718

Texte de la question

Texte de la réponse

AFFAIRE SARAH HALIMI


M. le président. La parole est à M. Meyer Habib.

M. Meyer Habib. Monsieur le garde de sceaux, sans justice, pas de République. Parce que juive, Sarah Halimi, médecin, a été torturée et défenestrée à Paris, le 4 avril 2017. Le meurtrier, son voisin musulman radicalisé, ne sera pas jugé en France. Par un arrêt rendu le 14 avril dernier par la Cour de cassation, il a été jugé irresponsable car pris d’une bouffée délirante aiguë. Parce qu’il ne souffre d’aucune pathologie, cet islamiste, placé dans une unité psychiatrique, sortira tôt plutôt que tard. Sa bouffée délirante n’est autre qu’un cocktail morbide d’antisémitisme et de cannabis, volontairement consommé à haute dose. Cette décision soulève le cœur autant qu’elle suscite l’effroi.

Trois mois après le crime, en juillet 2017, je dénonçais déjà, depuis ces bancs, un déni. Jamais je n’aurais pu imaginer que s'ajouterait, quatre ans plus tard, ce déni supplémentaire ! Déni face à l'antisémitisme arabo-musulman ; déni de la justice, qui ne distingue pas entre folie provoquée volontairement et maladie psychiatrique réelle.

La justice est indépendante ; elle nous oblige, mais n’est pas infaillible. Le docteur Zagury l’admet : l’irresponsabilité se décide en fonction de facteurs très aléatoires. Certes, on ne doit pas juger les fous dont la maladie seule éclaire le crime. Mais le procès doit être automatique si les stupéfiants ont été pris volontairement.

M. Pierre Cordier. C'est pour ça qu'il ne faut pas légaliser le cannabis !

M. Meyer Habib. Monsieur le ministre, à la demande du Président de la République, vous présenterez un projet de loi pour modifier le code pénal. Vous remédierez ainsi au problème juridique soulevé par ce meurtre, non à son infamie morale. L’absence de renvoi de l’assassin devant une cour d’assises laisse pour le peuple français une frustration abyssale.

Pourquoi les neuf policiers présents ne sont-ils pas intervenus ? Pourquoi le juge d'instruction a-t-il refusé la reconstitution et refusé de recevoir les avocats des victimes ? Pourquoi le téléphone de l'assassin n'a-t-il pas été examiné ? Pourquoi, en désespoir de cause, la famille de la victime a-t-elle décidé de porter l'affaire en Israël, décision à laquelle je ne me résous pas ?

C'est à la représentation nationale, comme pour l'affaire Dutroux, de faire la lumière sur les dysfonctionnements éventuels. C'est pourquoi, avec Constance Le Grip, nous demandons la création d'une commission d'enquête parlementaire. Monsieur le ministre, le Gouvernement et la majorité soutiendront-ils cette initiative ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I et LR.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Je voudrais tout d'abord vous dire que je partage votre émotion. Nous vivons dans un État de droit et la création d'une commission d'enquête parlementaire relève des pouvoirs exclusifs du Parlement. En vertu des principes constitutionnels de séparation des pouvoirs, le Gouvernement n'a pas à s'immiscer dans les décisions souveraines de l'Assemblée nationale. De la même façon, en raison des règles constitutionnelles, le ministre de la justice ne peut pas commenter une décision de justice ; cela lui est impossible.

Mme Cécile Untermaier. Merci !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . Comme l'a exprimé le procureur général près la Cour de cassation, l'une des grandes difficultés de cette affaire, c'est que le juge ne peut pas opérer de distinction là où la loi ne le fait pas. C'est le sens du travail qui m'a été confié par le Président de la République, pour lequel je procède à des consultations. J'ai entendu tout à l'heure quelqu'un, derrière le masque, dire « c'est nul ». Qu'est-ce qui est nul ? De travailler, de consulter, de ne pas agir sous le coup de l'émotion, de recevoir des magistrats, des avocats et des psychiatres ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.) J'essaie de présenter le meilleur texte possible, équilibré, prenant en considération deux choses : on ne juge pas les fous et on ne condamne pas un homme pour un crime sans intention de le commettre.

Pour le reste, monsieur Meyer Habib, j'entends bien sûr votre émotion. Vous ferez ce que votre choix parlementaire vous dicte et le Gouvernement respectera ce choix. (Mêmes mouvements.)