Lutte contre les paradis fiscaux
Question de :
M. Dominique Potier
Meurthe-et-Moselle (5e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 5 mai 2021
LUTTE CONTRE LES PARADIS FISCAUX
M. le président. La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier. Le groupe Socialistes et apparentés veut partager son émotion avec tous les députés, autour du visage de la République, incarné par Stéphanie Monfermé. (M. Florian Bachelier applaudit.)
Je voudrais vous dire à quel point nous sommes dans un moment de vérité pour la démocratie. Le 12 mars 2020, le Président de la République prononçait un discours qui a fait date : « […] il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s'est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour, interroger les faiblesses de nos démocraties. »
Le 23 avril 2021, une note de Bercy, alimentée en première main par le MEDEF, montrait une position de la France pour le moins ambiguë dans la lutte contre les paradis fiscaux, dans le cadre de la directive en préparation depuis le scandale des LuxLeaks. À l'instar de ce que nous avons fait en 2014 sous la présidence de François Hollande, cette directive vise à contraindre les multinationales et les holdings à la même transparence par rapport aux paradis fiscaux.
C'est aujourd'hui l'heure de vérité : le Parlement européen s'est prononcé pour une transparence totale ; le Conseil européen a émis des réserves ; la France est dans l'ambiguïté. Au-delà de l'épisode de la note du MEDEF, pouvez-vous nous dire avec clarté si la France défend une clause de sauvegarde qui protégerait pendant six ans, sur la base de données accessibles, des pratiques fiscales illégales représentant 10 à 20 milliards qui manquent aux PME et à la puissance publique pour faire face aux défis du temps présent ? (Mme Christine Pires Beaune et M. Boris Vallaud applaudissent.)
Au-delà de cet argent qui manque, au-delà du débat sur l'agrégation ou la désagrégation des données, qui assurent une véritable transparence, au-delà des milliards, c'est une question de démocratie. À l'heure où les États-Unis s'affranchissent enfin du dogme de la compétition fiscale, serions-nous la vieille Europe incapable d'inventer la nouvelle économie fondée sur la transparence, la vérité et la démocratie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'industrie.
M. Jean-Paul Lecoq. Combien ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l'industrie. Il n'y a aucune ambiguïté dans notre attitude concernant la fraude fiscale ; nous l'avons démontré ces trois dernières années par l'intensification des contrôles fiscaux, par leur plus grande efficacité et par l'obtention de retours plus importants. Je veux saluer le travail qu'a réalisé Gérald Darmanin lorsqu'il était ministre des comptes publics et celui désormais effectué par Olivier Dussopt. Chaque année, notre main ne tremble pas en matière de contrôle fiscal des entreprises.
Je veux également saluer le travail que nous avons fait sur la TVA intracommunautaire, au sujet de laquelle la fraude fiscale est importante, ainsi que le travail effectué concernant les paradis fiscaux et les conventions fiscales bilatérales ; nous avons systématiquement poussé des positions de plus grande transparence. Enfin, il n'y a pas d'ambiguïté : nous soutenons la directive que vous mentionnez, qui est en voie de finalisation sous la présidence du Portugal. Ceci ne doit pas nous amener à être naïfs :…
M. Jean-Paul Lecoq. Ah !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée . …communiquer des éléments commerciaux, qui fourniront des informations précieuses à nos concurrents asiatiques (Protestations sur les bancs du groupe SOC)…
M. Fabien Roussel. On protège le secret des affaires !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée . …au moment où tout le monde s'étonne de la naïveté de l'Europe, voilà une manière bien négligente de soutenir les entreprises. Notre position est claire : transparence fiscale certainement, mais pas pour livrer les informations commerciales de première main et nous retrouver dans des situations de pertes de contrats et de marchés. C'est de l'emploi français dont il est question. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)
Auteur : M. Dominique Potier
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Impôts et taxes
Ministère interrogé : Industrie
Ministère répondant : Industrie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 mai 2021