Négociations sur la pêche dans le cadre du Brexit
Question de :
M. Bertrand Sorre
Manche (2e circonscription) - La République en Marche
Question posée en séance, et publiée le 5 mai 2021
NÉGOCIATIONS SUR LA PÊCHE DANS LE CADRE DU BREXIT
M. le président. La parole est à M. Bertrand Sorre.
M. Bertrand Sorre. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la mer. J'y associe mes collègues Stéphane Travert et Sonia Krimi.
Depuis le 1er janvier, date de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, les pêcheurs professionnels doivent détenir une licence qui les autorise à pêcher dans les eaux de l'île anglo-normande de Jersey, lesquelles relèvent de la souveraineté du Royaume-Uni. Le 26 janvier, quelques jours après votre venue dans notre département de la Manche, le Royaume-Uni a publié une première liste de navires autorisés à pêcher provisoirement jusqu'au 30 avril. Vendredi dernier, les licences définitives pour 2021 ont été octroyées à quarante et un navires de plus de douze mètres – seulement quarante et un navires – par le Royaume-Uni, en accord avec Jersey.
C'est d'abord une satisfaction pour ces professionnels, puis, très vite, c'est la stupéfaction pour eux : ces licences étaient accompagnées de nouvelles mesures restrictives, sans la moindre explication. Limitation des engins de pêche, des zones de pêche, des espèces autorisées à la capture, et même du nombre de jours de pêche ! Par exemple, un pêcheur de Granville qui a pour habitude de pêcher dans ces eaux des coquilles Saint-Jacques et des bulots en moyenne quarante jours par an a obtenu sa licence définitive pour 2021 avec seulement onze jours de pêche pour l'année entière, et uniquement pour la coquille. Disparu, le bulot !
Ces mesures nouvelles décidées unilatéralement et sans concertation sont en totale violation des dispositions prévues dans le traité. Elles sont illégales et totalement inadmissibles. Les femmes et les hommes de la filière pêche sont, par nature, résilients, mais ils sont aujourd'hui inquiets, ulcérés aussi, de devoir faire face aux pratiques abusives du Royaume-Uni, lesquelles mettent à mal leur activité et celle de toute la filière. Alors, vous vous en doutez, sur la côte ouest de la Manche, de Granville à Carteret en passant par Cherbourg, la colère gronde et l'envie d'en découdre est palpable.
Madame la ministre, nous connaissons votre engagement sans faille et nous savons que vous multipliez les échanges avec le commissaire européen pour faire valoir les droits des pêcheurs. Mais, aujourd'hui, ceux-ci attendent une action forte. Que comptez-vous faire pour que les pêcheurs français ne subissent plus les décisions abusives du Royaume-Uni et de Jersey et puissent se projeter durablement et sereinement ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la mer.
Mme Annick Girardin, ministre de la mer. Pour avoir été souvent aux côtés des pêcheurs, y compris avec vous, je sais combien les professionnels de la Manche, mais aussi ceux de l'Ille-et-Vilaine et des Côtes-d'Armor, sont dépendants des eaux de Jersey. Les pêcheurs de Grandville ne sont qu'à deux heures de leur lieu de pêche. On comprend pourquoi nous avons entretenu, pendant plus de 150 ans, de très bonnes relations avec Jersey.
Comme vous, au soir du 30 avril, j'étais révoltée – oui, révoltée, c'est le mot – d'apprendre que ces quarante et une licences définitives étaient accompagnées de critères spécifiques, comme le nombre de jours de pêche. Ces conditions d'accès ont été décidées unilatéralement et sans explication. C'est tout à fait inadmissible. Vous savez que je me bats au quotidien pour dire : « L'accord, et rien que l'accord. » J'ai dénoncé immédiatement le non-respect de l'accord du Brexit auprès de la Commission européenne car, si nous l'acceptons à Jersey, nous créons un précédent dangereux pour l'ensemble de nos accès.
Mme Émilie Bonnivard. Exactement !
Mme Annick Girardin, ministre . Comme je l'ai dit aux professionnels, ces nouvelles conditions sont nulles et non avenues. Elles n'ont pas à être mises en application. Je resterai inflexible là-dessus ; il faut les dénoncer, et nous le faisons régulièrement, Clément Beaune et moi. Comme vous le savez, l'accord prévoit des mesures de rétorsion, et nous sommes prêts à les utiliser. L'Europe, la France ont des moyens à leur disposition. En ce qui concerne Jersey, il s'agit, par exemple, du transport d'électricité par câble sous-marin. Je regretterais de devoir en arriver là, mais nous le ferons s'il faut le faire. Régulièrement, Clément Beaune et moi montons au créneau au nom du Gouvernement. Nous ne lâcherons rien : l'accord, rien que l'accord de décembre dernier. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Auteur : M. Bertrand Sorre
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Aquaculture et pêche professionnelle
Ministère interrogé : Mer
Ministère répondant : Mer
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 mai 2021